Les prix à la production sont en net décalage par rapport à ceux à la consommation.
Les plateformes de vente directe doivent être encouragées.
Par C. Jaidani
Grâce au Plan Maroc Vert (PMV), le Maroc a réalisé d'importantes progressions en matière d'amélioration de la production et de la qualité. Mais les exploitants se trouvent toujours impactés par des problématiques majeures au niveau de la commercialisation. La plupart des récoltes sont écoulées au niveau des marchés de gros, au nombre de 39 répartis sur les différentes villes du Royaume.
Ce circuit de distribution est pointé du doigt à cause de la présence de nombreux intermédiaires, avec des transactions qui génèrent un net décalage entre le prix à la production et celui à la consommation. A titre d’exemple, le prix des oranges dans les exploitations de la région de Tadla est proposé actuellement à 1,50 DH/ kilo, alors qu'il grimpe entre 6 à 7 DH pour le consommateur dans les villes. En cause, plusieurs types d'intermédiaires qui, par de multiples ventes et reventes, faussent le jeu de l’offre et de la demande.
Parmi ces intermédiaires, on recense ceux qui disposent de leurs propres moyens de transport et qui font la tournée des exploitations agricoles. Ils disposent d’un ancrage dans les régions où ils opèrent, avec leur propre réseau regroupant des rabatteurs et de petits intermédiaires. L’autre catégorie est en général implantée dans les marchés de gros. Ils sont considérés comme les faiseurs du marché, car ils disposent de leurs hangars et autres sites de stockage.
Certains ont même des chaînes de froid. Cela leur permet d’acheter les produits au moment où ils sont à bas coût, les stockent le temps que les prix augmentent pour les revendre avec une marge bénéficiaire importante. Parfois, ce genre d'opérations crée une rareté de certains produits et génère une flambée des prix. De telles situations ont été vécues par le passé pour des produits de large consommation comme les tomates ou les oignons. Le marché de gros de Casablanca, qui absorbe 50% du volume des fruits et légumes commercialisés au niveau national, avec une capacité annuelle de 1,5 million de tonnes, est le plus impacté par ce genre de problèmes. Le site attise la convoitise des gros intermédiaires à la recherche du gain facile.
Et dans pareils cas, ce sont les exploitants agricoles et les consommateurs qui payent un lourd tribut. Force est de constater que les marchés de gros dont la gérance est confiée aux communes urbaines, présentent des lacunes au niveau de leur gouvernance et de leur fonctionnement. Pour les mettre à niveau, une réforme profonde s'impose. Quelques mesures sont dans le pipe, dont le projet de loi n°37.21 adopté il y a quelques mois par le Conseil de gouvernement. Il édicte des mesures spéciales relatives à la commercialisation directe des fruits et légumes dans le cadre de l'agrégation agricole. Ce texte permettra aux exploitants ayant des unités de conditionnement de fruits et légumes de commercialiser leurs produits sans être obligés de passer par les marchés de gros, d'être dispensés des taxes et d'éviter le diktat des intermédiaires.
Du coup, les prix à la consommation seront très compétitifs. Cette initiative permettra également de réduire le temps entre la récolte et celui de la consommation. Les produits commercialisés seront plus frais et de qualité, comme les produits destinés à l’exportation qui sont soumis à des normes draconiennes. Il est dommage que ce projet de loi vise exclusivement les produits issus de l’agrégation, car le volume commercialisé dans les marchés de gros reste très limité par rapport au volume total transitant par ces sites. Faut-il rappeler que les pays développés, notamment européens, encouragent la vente de proximité.
Cette option a le vent en poupe, car elle permet aux agriculteurs d’améliorer sensiblement leurs revenus et aux consommateurs d’acheter des produits de qualité à des prix compétitifs. Certes, ce genre de solutions risque de réduire les recettes locales, fixées à 7% de la valeur du volume échangé, pour les communes et aussi pour l’Etat. A titre d’exemple, pour le seul marché de gros de Casablanca, 150 millions de DH ont été encaissés en 2021. Mais elle permettra d’atténuer l’effet des intermédiaires qui perturbent le marché.