Le gouvernement dit employer tous les efforts pour protéger le pouvoir d’achat des ménages.
La distribution d'aides ciblées aux catégories les plus vulnérables est recommandée.
Par Y. Seddik
Décidément, l’inflation fait des ravages au sein des ménages. En 2022, 3,2 millions de personnes supplémentaires ont basculé dans la pauvreté ou la vulnérabilité au Maroc. 55% de cette détérioration est due à l’effet de la hausse des prix à la consommation, selon le hautcommissariat au Plan (HCP), pour qui près de 7 années de progrès vers l'élimination de la pauvreté et de la vulnérabilité ont été perdues à cause de l’inflation et de la crise sanitaire.
En effet, si les salaires ne sont pas indexés sur la hausse des prix, l'inflation entraîne toujours une baisse du pouvoir d'achat, qui pèse surtout en bas de l'échelle salariale. Dit autrement, plus la part des dépenses contenues dans le budget des ménages est élevée, moins il y a de marge pour contrer la hausse des prix. Au Maroc, si les hausses de prix observées depuis 2021 demeurent majoritairement d’origine externe, cela n’empêche pas toutefois de relever des effets amplificateurs au niveau interne, d’autant plus que depuis l’été 2022, les augmentations des prix ont été diffusées vers des produits non-échangeables. Parmi les facteurs internes, on note la problématique du manque d’organisation des marchés des produits agricoles et la multiplicité des intermédiaires.
Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, les pouvoirs publics ont pris des mesures spécifiques de court terme, afin d’atténuer les effets des pressions inflationnistes. Il s’agit, entre autres, de la prise en charge de l’augmentation des prix des biens subventionnés par la Caisse de compensation, la signature en avril 2022 d’un accord dans le cadre du dialogue social prévoyant l’amélioration des revenus dans les secteurs public et privé, le soutien accordé aux transporteurs et le maintien des tarifs de l’électricité. Mais est-ce suffisant, alors que l’inflation atteint les 8,3% et que sa composante alimentaire approche les 15% ? Dans une récente sortie médiatique, le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a indiqué que «tous les efforts sont faits pour l’amélioration des conditions de vie des citoyens et de leur pouvoir d’achat et que le gouvernement ne pourra pas donner plus que ne le permettent ses moyens».
Des aides directes…
Dans son dernier rapport annuel, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s’est penché sur les approches possibles pour lutter contre la hausse des prix en formulant un ensemble de recommandations à court et moyen termes. Concernant les actions à caractère immédiat, et outre la distribution d’aides ciblées aux catégories les plus vulnérables, le CESE recommande «le maintien des droits de douane sur certains produits de base importés à des niveaux bas, ainsi que le renforcement du contrôle du respect de la concurrence dans les différents secteurs, en particulier ceux relatifs aux biens de première nécessité et produits de base, avec des sanctions suffisamment dissuasives en cas d’infractions». Dans le même sens, et concernant le marché domestique des hydrocarbures, le Conseil suggère «l’accélération des travaux d’investigation au niveau du secteur, afin de statuer explicitement sur l’existence ou non de pratiques anticoncurrentielles de la part des opérateurs».
… Et des mesures à moyen-terme
A moyen terme, et dans l’objectif de contenir les futures phases de flambée des prix, le CESE préconise notamment d'«accélérer la mise en place du registre social unifié (RSU) pour un ciblage optimal des aides aux plus défavorisés, d'étudier la possibilité de création d’un fonds permanent de stabilisation face aux chocs majeurs et d'investir davantage dans les capacités de stockage internes des produits énergétiques et d’envisager les modalités possibles d’une mobilisation des capacités de stockage de la Samir». Il est également question de procéder à la réforme et à l’organisation des espaces de commercialisation des produits agricoles, d'étudier la faisabilité de création d’une compagnie nationale de transport maritime de marchandises et de mettre en place un observatoire des prix et des marges des produits de base et de première nécessité. Au final, le gouvernement devrait s’investir à combattre l’inflation via une approche étalée dans le temps, puisqu’elle n’est plus considérée comme phénomène transitoire et qu’elle est surtout auto-entretenue.