Le principe de continuité ou plus d’automatisme et le manque flagrant d’innovation dans lequel s’inscrivent les Lois de Finances sèment le doute quant à leur efficacité en tant qu’outils budgétaires efficaces et performants. D’année en année, les mesures commentées par les médias se ressemblent, et l’on se demande, à tort ou à raison, pourquoi ce sont toujours les mêmes problèmes qui surgissent.
Pour se limiter aux deux derniers exercices, et à quelques différences près, le Projet de Loi de Finances 2018 est quasiment identique à la LF de 2017, sachant qu’elle est considérée comme étant la vraie première Loi de Finances de l’actuelle équipe aux manettes. Interrogés sur les causes inhérentes à la reconduction des mêmes requêtes liées à la trésorerie de l’entreprise, certains observateurs estiment que, tant que les problèmes liés à la survie de l’entreprise ne sont pas résolus, il est tout à fait légitime de les reporter sur l’exercice suivant. Ils sont conscients que l’entreprise marocaine ne pourra aller de l’avant, être compétitive si les besoins en trésorerie sont pressants, voire même étouffants.
Ajoutons à cela le fait que les jours du vote ne reflètent pas encore la démocratie censée être le symbole fort de toute économie moderne. Le pouvoir de l’Exécutif sur le Parlement, représentant de la nation, est un secret de polichinelle. «Il est difficile de trouver un autre domaine où la suprématie du premier sur le second est aussi flagrante», alerte le professeur Najib Akesbi.
Autre aspect important et pas des moindres, c’est le rôle que joue la Loi de Finances en vue de stimuler la croissance économique et soutenir les réformes structurelles. Cette souveraineté s’est effritée avec le temps dans la mesure où nos politiques sont amenés à respecter les diktats des institutions internationales pour bénéficier des lignes de crédit. Cette souveraineté, qui a été débattue en long et en large par les experts aussi bien nationaux qu’internationaux à l’occasion du dernier colloque des finances publiques, a été remise en cause par la mondialisation. C’était d’ailleurs le mot d’ordre ayant émané de cette onzième édition.
Le professeur Najib Akesbi partage d'ailleurs l’idée que la LF ne joue pas son rôle comme il se doit : «Au Maroc, on a oublié Keynes depuis bien longtemps! Et les gouvernements qui se sont succédé se déclarent explicitement adeptes de l’orthodoxie financière telle qu’elle leur est imposée par les institutions financières internationales et leurs disciples locaux». Nos politiques s’acharnent au maintien de l’équilibre des finances publiques, et ce en défaveur de la dette publique, des dépenses d’investissement, de la masse salariale des fonctionnaires… Et pour couronner le tout, nous sommes à la merci d’une Loi de Finances qui obéît encore à l’approche classique en fixant les dépenses en fonction des recettes.
Comment croire ainsi à des politiques qui ne font pas jouer l’instrument qu’est la Loi rectificative en cas de changement des hypothèses liées à la pluviométrie, à la hausse des matières premières ? Les plus désinvoltes diront qu’en 2017 le gouvernement n’avait pratiquement pas de Loi de Finances, et pourtant, la machine avait continué de tourner.
Le constat, tel qu’il se présente, altère les finances publiques (voir encadré) et handicape notre économie qui ambitionne de rejoindre le peloton des pays émergents, s’imposer sur la scène internationale et, par ricochet, rivaliser avec des économies à développement comparable. ■
Comptabilité de l’Etat : C’est pour 2018
Au cours des dernières années, les finances publiques ont été pointées du doigt à cause de plusieurs défaillances : gouvernance, inefficacité de la dépense, manque de transparence…
Depuis, le Maroc s’est ainsi engagé dans un vaste programme de réformes des finances publiques. La Constitution de 2011 a instauré le principe de l’équilibre budgétaire tout en apportant une meilleure clarification des pouvoirs législatif et exécutif en matière budgétaire. Mieux encore, la loi organique relative à la Loi de Finances 2015 a érigé le Budget de l’Etat en principal outil de mise en oeuvre des politiques et a institué l’obligation de certification de l’Etat par la Cour des comptes. Mais qui contrôle la Cour des comptes? Dans un pays comme la France, c’est la Cour des comptes allemande qui certifie les comptes de la cour française. Une question que ne semblent pas encore se poser nos politiques.
Dans la même lignée de bonne gouvernance et de transparence, un grand projet est a priori sur la bonne voie. Il s’agit de la comptabilité de l’Etat qui sera introduite en 2018. «Elle introduit le passage au niveau de l’Etat, de la comptabilité de caisse à la comptabilité d’exercice, et ce à partir de l’année 2018», explique Mohammed Bastaoui, président de la 2ème Chambre de la Cour des comptes. «Elle consacre le principe de sincérité des comptes et a confié à la Cour la responsabilité de leur certification à partir de l’année 2020», tient-il à ajouter.
Toujours est-il que malgré les efforts déployés, il ressort des observations dégagées par les missions de contrôle réalisées au niveau des services de l’Etat, des établissements publics et des collectivités territoriales depuis 2005, que plusieurs insuffisances entachent le système de gouvernance, de gestion et de contrôle des finances publiques, et ce dans un contexte où l’investissement public se situe à des niveaux élevés. Tout laisse penser que le chemin de la démocratie et de la réédition des comptes est encore loin.
S. Es-siari