Logistique : Quel bilan pour la stratégie nationale ? (Entretien)

Logistique : Quel bilan pour la stratégie nationale ? (Entretien)

 

L’Agence marocaine de développement de la logistique (AMDL) et l’Observatoire marocain de la compétitivité logistique (OMCL) ont passé en revue les réalisations du secteur de la logistique au Maroc depuis 2010.

Mohamed Yousfi, Directeur général de l’AMDL, revient sur l’état d’avancement des différents chantiers de la stratégie logistique. Selon lui, cette stratégie nationale  a un peu de retard, mais elle est sur la bonne voie.

Il remet en cause la manière dont est élaborée le classement de la Banque mondiale sur la compétitivité logistique qui classe le Maroc à la 109e place en 2018.

 

 

Finances News Hebdo : Comment se porte aujourd’hui le secteur et comment la stratégie nationale logistique évolue-t-elle ?

Mohamed Yousfi : Le secteur de la logistique a pris le train après la signature du contrat-programme qui concerne la stratégie logistique marocaine. C’est une stratégie en déploiement. Je ne dirais pas que tous les objectifs qui étaient fixés ont été atteints dans les temps. Il y a du retard sur certains aspects, principalement sur la réalisation de zones logistiques de massification.

Je rappelle que c’est une stratégie qui s’est fixée cinq objectifs majeurs. Le premier est la réduction des coûts logistiques. Une étude faite par le cabinet McKinsey et une approche qui a été réalisée par une méthode de calcul de la Banque mondiale ont révélé que le coût de la logistique en 2010 était de 20% du PIB. Nous avons ciblé une réduction de 5 points pour atteindre les 15%. Actuellement, la réduction est de l’ordre de 1,1 point. Et les derniers calculs faits par l’observatoire démontrent que le coût logistique représente au niveau du PIB un taux de 18,9%. Nous sommes donc encore loin des 5%.

L’axe réalisé à 100% concerne la gouvernance, notamment à travers la création de l’Agence et de l’Observatoire. C’est d’ailleurs une très bonne chose, car cela permet de cerner les sujets et d’avoir des organes qui permettent de mettre sur la bonne voie le déploiement de la stratégie.

Le deuxième axe représente l’épine dorsale de la stratégie, à savoir la réalisation de zones logistiques de massification. C’est un axe qui a pris du retard parce que normalement la stratégie prévoyait d’entamer la réalisation du schéma national, qui est en fait un sigma des schémas régionaux qui cumulent 3.300 hectares, selon le contrat-programme qui a été signé. Actuellement, entre ce qui a été réalisé par l’Etat, par les opérateurs de l’Etat que sont la SNTL, MedHub, l’ONCF…et le privé, on atteint seulement 500 hectares. Et sur les 500 hectares, les zones qui peuvent être considérées de massification représentent environ 250 hectares; nous sommes donc  loin du compte.

Le troisième axe consiste à avoir des opérateurs logistiques performants. Dans ce sens, un ensemble d’actions a été entamé. Un programme a été initié par l’AMDL, en partenariat avec la CGEM et Giac Translog, dénommé «PME Logis». Il s’agit d’une d’assistance aussi bien technique que financière aux PME pour rehausser leur niveau logistique. Cela concerne les chargeurs, les transporteurs ainsi que les opérateurs logisticiens.

Nous avons également ouvert le chantier de labélisation des opérateurs logistiques pour essayer de donner un label au secteur, ce qui permettra de rehausser le niveau et de le mettre aux standards internationaux. Un autre chantier important concernant cet axe, porte sur la normalisation. Nous essayons d’établir un programme de normalisation au nouveau du secteur pour cadrer les réalisations et ne pas laisser chacun agir selon son gré. Cela permettra, entre autres, de standardiser et de se mettre au même niveau par rapport à ce qui se passe ailleurs, et donc d’attirer des opérateurs logisticiens performants étrangers.

Le quatrième axe concerne l’optimisation des flux logistiques. Dans ce sens, un certain nombre d’applications concernant trois flux ont été signés. Il s’agit des flux import-export, des flux matériaux de construction et des flux de distribution. Chaque contrat d’application est bâti autour d’un ensemble d’axes, qui contient plusieurs actions et  mesures concernant entre autres, toute la population visée par la mise en place de ces actions pour ce flux. Ces actions sont en cours de déploiement. Il faut dire que cela n’est pas du tout simple, car l’AMDL a un rôle fédérateur, c’est ce qui fait la complexité de la chose. Nous avons du retard c’est vrai, mais nous sommes sur la bonne voie.

Le dernier axe concerne la formation. Pour réaliser tout cela, nous avons besoin de ressources humaines compétentes, en adéquation avec les exigences du secteur. Nous sommes en train de terminer une étude sectorielle qui définira un plan de formation aussi bien professionnel que supérieur pour tous les métiers de la logistique.

 

F.N.H. : Le Maroc a enregistré un recul en termes de compétitivité logistique (109ème en 2018, classement de la Banque mondiale). A quoi attribuez-vous cela ?

M. Y. : Je ne dirais pas que c’est un recul, car il faut voir comment se fait le calcul de l’IPL. Pour ne pas parler que du cas du Maroc, prenez un pays comme la Russie qui est classée derrière le Bénin. Cela veut tout dire. Ce sont des Freight Forwarders de pays extérieurs qui remplissent ces questionnaires. Il suffit que quelqu’un aille au Maroc en voyage, qu’il ait transité par un aéroport et qu’il ait eu une expérience désagréable, pour se forger une opinion. A cela, on peut ajouter quelques considérations qui peuvent être politiques… Mais l’IPL ne reflète en rien le secteur de la logistique au Maroc. 

 

F.N.H. : L'Agence marocaine de développement de la logistique (AMDL) a récemment promis, dans le cadre de sa nouvelle feuille de route, la création prochaine de zones logistiques dédiées au développement local. Comment s’annonce ce chantier ? Où en est-il concrètement ?

M. Y. : Concrètement, nous avons enregistré un peu de retard dans le déploiement des réalisations de zones logistiques de massification. Nous essayons de les remettre en marche, en prenant contact avec les régions afin de réaliser des zones qui font partie des schémas régionaux.

Nous travaillons actuellement avec la région de Souss-Massa et de Fès-Meknès pour essayer de mettre en place la réalisation de trois zones logistiques. Une au Sud à Ait Melloul sur 45 hectares et deux zones dans la région de Fès-Meknès : une à Ras El Ma, et une au niveau de l’agropole de Meknès.

Le chantier est un peu complexe, car il faut trouver le terrain et tout ce qu’il faut comme investissements. Ce sont des investissements relativement lourds. Par exemple, pour la région de Souss-Massa, la première tranche de 45 hectares de cette zone logistique coûtera en termes d’aménagements et de premiers développements 350 millions de dirhams, sachant que nous allons laisser du terrain pour l’investissement du privé. Le stockage et l’entreposage se chiffreront aux alentours de 650 millions de dirhams. Ce sont des projets qui sont quand même budgétivores.

 

F.N.H. : L’AMDL se penche actuellement sur les provinces du Sud. Selon vous, y a-t-il un potentiel de développement de zones logistiques dans ces régions ?

M. Y. : Bien sûr, tant qu’il y a de la consommation, automatiquement on a besoin de zones logistiques. Les zones logistiques n’ont pas toujours la même dimension. Vous avez des zones à caractère national, comme celle de Zenata, et d’autres à caractère régional, voire provincial.

D’autres encore sont spécialement conçues pour la logistique urbaine, c’est-à-dire dédiées à la distribution pour une agglomération donnée.

 

F.N.H. : L’AMDL poursuit également son programme de mise à niveau logistique des PME, «PME LOGIS». Quels sont les principaux axes de ce programme ?

M. Y. : C’est un axe qui prévoit un accompagnement aussi bien technique que financier. Nous avons plusieurs produits. Deux pour les chargeurs, deux pour les transporteurs et quatre produits transverses. Ce sont des produits qui visent généralement l’assistance des PME en termes d’accompagnement pour définir les axes d’amélioration, indépendamment du produit choisi, que cela soit sur la labélisation ou les systèmes d’information.

Nous avons aussi des produits qui concernent la formation au profit des PME. Chaque PME évalue son besoin et s’adresse soit à l’agence, soit au GIAC Translog pour définir les modalités et profiter du produit le plus adéquat pour rehausser un tant soit peu le niveau logistique de l’entité en question. ■

 

 

Propos recueillis par Lilia Habboul

 

 

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