Logement : L’habitat clandestin résiste

Logement : L’habitat clandestin résiste

bidonville

Malgré la vigilance des autorités, des constructions anarchiques continuent de voire le jour surtout dans les zones périurbaines. Des opportunistes et des mafias de l’immobilier profitent du programme VSB pour s’approprier des logements illégalement. Il est primordial de faciliter les procédures et de réduire le coût dans l’autoconstruction.

Les autorités ont depuis un certain temps déclaré la guerre à l’habitat clandestin. Les mesures classiques de dissuasion n’ont pas abouti. La méthode directe, à savoir la démolition des logements ou les locaux bâtis sans autorisation, est l’option la plus efficace même si elle est entachée de plusieurs irrégularités. Mais encore faut-il préciser que ce ne sont que des solutions provisoires, qui ne peuvent résoudre le fond du problème, en l’occurrence l’absence ou du moins, l’insuffisance d’une offre adéquate pour la population ciblée. En outre, les lois et réglementations en matière d’urbanisme sont très capricieuses décourageant les petites bourses à opter pour le circuit légal. Le Maroc manque cruellement de logements. Le déficit est important. Il faut construire plus de 200.000 logements par an pendant une durée de dix ans pour pourvoir atteindre le niveau d’équilibre. Certes, la politique du logement social a donné ses fruits. Elle a permis à une large frange de la population d'accéder à un logement salubre. Même avec 250.000 DH par unité, cette offre est hors de portée pour la plupart de la population ciblée.

Malgré la vigilance des autorités et plusieurs mesures draconiennes imposées, l’habitat clandestin persiste. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène : le prix élevé de l’accès au logement conforme aux normes, des procédures délicates pour l’autoconstruction, la rareté du foncier, le souhait de bénéficier des logements de recasement des bidonvilles…

Dans une récente déclaration à la presse, Nabil Benabdallah, ministre de l’Habitat et de la Politique de la ville, a précisé que «le programme de villes sans bidonvilles (VSB) avance à grand pas. 54 villes actuellement sont déclarées. Mais il y a des foyers non recensés, qui apparaissent partout dans le territoire national».

En bon communicateur, le ministre de tutelle privilégie le discours politique tout en soignant son bilan. Mais dans la réalité, des mafias ayant pignon sur rue profitent du système alloué à la lutte contre les bidonvilles pour s’adonner au commerce de ces logements.

A douar Sakouila dans l’arrondissement Sidi Moumen à Casablanca, le recensement initial a fait ressortir 4.000 ménages éligibles au recasement. Ce nombre a augmenté en quelques années pour atteindre les 7.000.

«Avec la complicité des élus, des responsables locaux et autres intermédiaires, plusieurs personnes ont pu bénéficier de logements alors qu’ils ne remplissaient pas toutes les conditions requises», s’insurge Hamid El Harif, militant associatif à Sidi Moumen.

L’Etat laisse faire du fait que c’est un problème sensible, qui n’est pas financé par le Budget de l’Etat mais par les taxes sur les matériaux de construction, en l’occurrence le ciment, le fer à béton ou le sable.

Outre le cas spécifique des bidonvilles, l’habitat clandestin s’explique aussi par l’absence d’une stratégie dédiée au logement dans le monde rural.

Il faut noter que toute la politique de l’Etat au niveau du secteur de l’habitat est focalisée sur les villes. Pour le milieu rural, aucun programme de grande envergure n’a été pensé. Pour sauvegarder l’aspect agricole des terres en milieu rural, la loi interdit tout morcellement de moins d’un hectare, soit 10.000 m2. C’est la superficie minimum pour pouvoir construire un logement ou des bâtiments d’exploitation. Le phénomène s’est beaucoup développé dans les zones périurbaines, qui ne sont pas touchées par le schéma directeur. «C’est le facteur prix qui explique leur prolifération. Ce sont des constructions basiques avec des matériaux entrée de gamme, sans plan ni équipement. Elles ne sont branchées à aucun réseau (eau, électricité ou assainissement). Les prix démarrent à partir de 100.000 DH et peuvent atteindre 150.000 DH selon l’emplacement et la superficie. Les lots peuvent être livrés en l’état ou clé en main», explique un conseiller d’une commune à Médiouna.

Il est clair que l’Etat est plus que jamais appelé à revoir sa copie en matière de lutte contre l’habitat clandestin. Pour y faire face, il est pertinent de revoir les conditions de construction dans les zones périurbaines, et de faciliter les procédures d’octroi des autorisations. 

Charaf Jaidani

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