Les DRH à l’épreuve de la crise

Les DRH à l’épreuve de la crise

Les 24 et 25 juin derniers se sont tenues à Agadir les deuxièmes Assises africaines des ressources humaines. Cet évènement organisé par l’AGEF Sud (Association des gestionnaires et formateurs des ressources humaines au Maroc) a été l’occasion d’aborder, selon des angles et des expériences différentes, la question de la «rémunération de la performance au travail». Des invités autant du Maroc que de plusieurs autres pays africains (Sénégal, Tunisie, Mauritanie, Côte d’Ivoire,…) y ont assisté afin de partager leur savoir-faire et leurs expériences.

L’une des idées centrales ayant émergé au fil des plénières est le rôle central qu’a joué la parenthèse Covid dans le changement au niveau des DRH de la manière de penser le travail et sa rémunération. En effet, beaucoup d’entreprises ont découvert qu’une grande partie des difficultés qu’elles ont rencontrées durant la pandémie plongeaient leurs racines dans l’avant-Covid, à travers notamment une exploitation sous-optimale du potentiel de leur capital humain. Un manque à gagner qui s’est avéré coûteux durant la crise, voire fatal pour certaines entreprises.

 

Pour y remédier, plusieurs pistes peuvent être proposées

La première consiste à désenclaver la rémunération du travail de la pure logique du salaire fixe. En intégrant une logique de rémunération de la performance individuelle ou collective, il devient possible d’impliquer le salarié dans la réussite de l’entreprise, réussite qui devient étroitement liée à la sienne. La rémunération de la performance peut dans beaucoup de cas être quantifiée et déployée efficacement, à travers la mise en place d’un système transparent, équitable et incitatif. Cependant, ce système peut intégrer une autre dimension peut-être plus primordiale que l’aspect simplement pécuniaire. Je fais référence ici à l’aspect symbolique. Celui qui permet de créer une identité interne de l’entreprise, à travers un ensemble de procédures, rituels et évènements, dont la finalité est de renforcer le sentiment d’appartenance à une entreprise, qui cesse d’être perçue comme tel pour s’ériger en communauté. L’autre aspect primordial de cette dimension symbolique est de donner du sens à chaque travail, à chaque tâche, aussi triviale et répétitive soit-elle. Car l’humain est un être sémantique bien avant d’être un homo-economicus. Domestiquer son environnement en lui donnant du sens est le fondement même de toutes les cultures, croyances et imaginaires de l’histoire humaine.

Cette réalité, ce besoin vital est toujours d’actualité. Probablement aujourd’hui plus que jamais. Car depuis la révolution du fordisme, le fractionnement du process de production et l’ultra spécialisation n’ont eu de cesse de faire perdre aux différentes tâches tout sens et toute finalité. Autre élément en temps de crise : l’investissement dans le capital humain, qui se doit de s’inscrire dans une politique permanente de l’entreprise. Car les profils performants et à fort potentiel de progression sont rares. Les accompagner tout en les fidélisant et en leur permettant de nourrir leur créativité, c’est avoir la garantie de pouvoir compter dans les moments difficiles sur un potentiel de créativité et de productivité, capable de faire la différence face à la concurrence. L’entreprise Google est à cet effet connue par son management atypique. Citons à titre d’exemple le projet «20%» de Google qui consiste à permettre à ses ingénieurs de se prendre 20% de leur temps de travail hebdomadaire, pour travailler sur des projets créatifs annexes. Ces 20% de temps de travail sont bien entendu rémunérés.

Autrement dit, le géant américain paye ses ingénieurs pour développer leur ingéniosité et renouveler leur potentiel créatif dans un schéma récréatif. Le retour sur investissement est évidemment immense. De même, des Talk sont organisés régulièrement, les «Google Talks», en invitant des personnalités célèbres et inspirantes, en vue d’élargir l’horizon et les ambitions des salariés de Google. Pour revenir au Maroc, dans une économie où, malgré les politiques d’industrialisation, le tertiaire prend de plus en plus de poids, continuer à gérer des entreprises à travers le paradigme seul de la rigueur, la discipline et la stratification hiérarchique, revient à sacrifier un énorme potentiel de productivité et de créativité. Et en temps de crise, comme évoqué précédemment, ce manque à gagner, cet usage sousoptimal du potentiel peut s’avérer fatal pour l’entreprise. De ce point de vue, les DRH ont un rôle crucial à jouer. Celui de réinventer le rapport au travail au sein de leurs entreprises, en puisant dans le potentiel des salariés les ressources nécessaires en vue d’atteindre autant leur épanouissement que celui de l’entreprise. 

 

Par Rachid Achachi, chroniqueur, DG d'Arkhé Consulting

 

 

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