La part des personnes âgées dans la population va croître pour atteindre 7,5 millions de personnes en 2050. La population jeune sera dans une phase baissière.
Cette situation est-elle profitable à l'économie marocaine ? Eléments de réponse.
La croissance économique et la démographie constituent deux paramètres-clefs qui, au regard de leur centralité respective pour le développement, préoccupent aussi bien les politiques que les experts du milieu académique.
A l’échelle nationale, nombreuses sont les études qui portent sur le lien entre la croissance et la démographie. Plusieurs autres rapports traitent ces deux notions, d’autant que le pays, astreint à trouver un modèle de développement alternatif, est dans une phase de transition démographique plutôt favorable.
«Les études montrent que le Maroc bénéficie d’un bonus démographique, une situation favorable loin d’être alarmiste», confie Youssef Courbage, démographe, lors d’une rencontre organisée récemment par l’Institut CDG à Rabat, et qui a à son actif plus de 600 publications. Au regard des chiffres issus du dernier recensement de la population (2014), le Maroc qui affiche 2,2 enfants par femme, se situe quasiment au niveau du seuil de renouvellement de la population, à l’instar des pays européens les plus dynamiques en matière de natalité pour ne citer que la France (2,1 enfants par femme).
Cette situation est à liée à l’augmentation du niveau d’instruction de la population, notamment celle des femmes, qui du fait de leur éducation décident de plus en plus du nombre d’enfants qu’elles souhaitent avoir. Dans le même ordre d’idées, il est utile de rappeler qu’aujourd’hui au Maroc, 9 filles sur 10 vont à l’école. A l’évidence, ce chiffre traduit les multiples efforts publics déployés en matière d’accès à l’éducation.
La jeunesse, une bombe à retardement ?
A en croire Youssef Courbage, les études qui démontrent que la jeunesse est source de violence et de plusieurs maux (immigration, fondamentalisme, insurrection, etc.), sont légion et vont à l’encontre d’une perception largement partagée. Celle consistant à présenter la jeunesse comme dynamique, innovante et surtout cruciale pour la pérennité des systèmes de retraite. Or, il faut savoir que les jeunes âgés de moins 25 ans, représentent 55% de la population marocaine.
Pour un pays comme le Maroc, tirer profit du dividende démographique suppose à l’évidence bâtir un système éducatif performant à même de garantir des postes de travail décents pour la jeunesse, qui au regard des projections à l’horizon 2050 verra sa part baisser dans la population. Le nombre de jeunes âgés de 18 ans qui tourne autour de 11,2 millions passera à 9,4 millions. «Le Royaume a fait le tronc de la quantité pour la qualité», estime le démographe, qui prédit que les jeunes seront de moins en moins nombreux et mieux formés au Maroc.
Dans le même temps, il est à noter que la part des personnes âgées va croître pour atteindre 7,5 millions de personnes en 2050. L’autre élément important dans la structure démographique nationale est que l’espérance de vie est passée de 43 ans dans les années 40 à 76 ans actuellement au Maroc. Ce qui est de bon augure pour le lauréat de l’Université de Sorbonne. «Il n’existe pas de fatalité dans le vieillissement de la population. Dans les pays asiatiques qui se portent bien sur le plan économique, la culture de la solidarité prédomine. Les jeunes prennent soin des séniors», argumente-t-il.
Une transition démographique favorable…mais
Quelques éléments factuels montrent pour l’heure que la transition démographique est bénéfique au développement économique du pays. Il s’agit, entre autres, de l’augmentation de la population plus encline à épargner, l’accroissement du taux d’investissement qui représente 34% du PIB et la progression des investissements économiques au détriment de ceux inhérents à la démographie. Ceci dit, jusque-là, l’économie, qui crée un peu plus de 100.000 emplois par an, est dans l’incapacité de générer suffisamment de postes de travail pour réduire le chômage de masse des jeunes (26,5% en 2018). C’est-à-dire 350.000 emplois par an. Notons tout de même qu’à l’horizon 2025, le marché de l’emploi sera moins tendu, du fait en partie de la stabilisation des nouveaux entrants. Youssef Courbage s’est tout de même employé à identifier les obstacles à la création d’emplois. Il s’agit, entre autres, de la nature des investissements davantage orientés vers les infrastructures et peu pourvoyeurs d’emplois, la torpeur du secteur privé quand il s’agit de recrutement et enfin le parti pris pour une économie capitaliste au détriment d’une économie sociale. ■
Momar Diao