Finances News Hebdo : Quelle est votre appréciation globale sur le processus de la régionalisée avancée, notamment en ce qui concerne le principe de la libre administration des régions consacrée par l’article 136 de la constitution de 2011 ?
Abdelmoughit Benmessaoud Tredano : Globalement, ce qui pose problème au niveau de la régionalisation avancée, c’est l’inexistence d’une véritable décentralisation. Cette situation limite quelque part l’autonomie administrative, financière et en moyens humains des régions. Pour l’heure, difficile d’affirmer que les régions sont des entités opérationnelles et assez représentatives, car tout se décide dans la capitale administrative Rabat. De surcroît, l’on note que ce qui se passe sur le terrain est complètement différent par rapport au principe de libre administration consacré par l’article 136 précité.
A mon sens, la dimension sécuritaire existante entre le pouvoir central et les entités régionales doit être atténuée. L’Etat central doit fonder davantage son action sur l’adhésion et la participation et non sur l’aspect sécuritaire. Au fait, cette régionalisation est plus juridique et administrative que politique.
Du reste, dans le champ politique, la confiance constitue un élément capital de la relation entre l’Etat et les acteurs locaux et régionaux en général. La parfaite illustration est la modalité de gestion des dernières élections locales et régionales de 2015 et les législatives de 2016.
F.N.H. : Dans le sillage de la régionalisation avancée, que faut-il faire afin de permettre à la région d’assurer pleinement son rôle de promoteur de développement économique à l’échelle locale ?
A.B. T. : Une série de préalables est à souligner. Il s’agit de l’instauration du climat de confiance entre le pouvoir central et les dirigeants des régions, la tenue d’élections transparentes et honnêtes permettant l’émergence d’élus compétents à même de répondre aux préoccupations et aux besoins des populations. L’autre paramètre crucial est la disponibilité des compétences nécessaires à l’échelle régionale, capables de relever les défis via la formation. Bien entendu, les moyens financiers sont tout aussi importants. Or, je constate que tout ce qui se fait depuis 1976 ne va pas dans ce sens.
F.N.H. : Que vous inspire le Plan de développement régional (PDR) que les régions doivent mettre en place au cours de la première année du mandat, sachant que cet instrument permet aux espaces régionaux d’identifier leurs besoins et leurs potentialités ?
A.B. T. : La première question à se poser est de savoir s’il y a une véritable harmonie entre les différents espaces régionaux dans la configuration actuelle des 12 régions. Toujours dans le cadre du tracé actuel, l’autre interrogation de taille se situe au niveau de leur complémentarité. Au-delà de ces questionnements, il est judicieux de reconsidérer l’approche consistant à mettre en compétition les régions qui doivent davantage être complémentaires et solidaires. Pour cause, la compétition n’est pas toujours source de progrès durable.
F.N.H. : Les disparités économiques et sociales entre les régions sont criantes. Pour preuve, l’axe Casablanca-Settat représente à lui seul près du 1/3 du PIB national. Quel regard portez-vous sur ce déséquilibre ?
A.B. T. : Il est clair qu’il existe un déséquilibre flagrant entre les différents espaces régionaux notamment au niveau économique et démographique. La configuration globale des régions a une incidence sur les disparités. A mon sens, le tracé des espaces régionaux devrait prendre en compte des critères objectifs pour ne citer que l’équilibre démographique, les richesses et les besoins fondamentaux (en logements, hôpitaux, emplois, etc.).
Vu la configuration actuelle des 12 régions, je ne suis pas sûr que tous ces critères aient été pris en compte, et ce dans un esprit de complémentarité et de solidarité. Cela dit, au Maroc, les disparités existent aussi entre la zone urbaine et le milieu rural, entre les côtes et l’intérieur du pays, mais aussi entre le Nord et le Sud du pays. ■
Propos recueillis par M. Diao