Donald Trump a été investi le 20 janvier 2017 en tant que 45ème Président des Etats-Unis pour un mandat de quatre ans.
C’est un président atypique tant par sa personnalité que par la politique étrangère qu’il compte mener. C’est d’abord un milliardaire qui a changé plusieurs fois de partis politiques, et qui n’a jamais été élu ni sur le plan local ni au niveau national. Il a basé sa stratégie électorale sur un nationalisme exacerbé, un populisme outrancier avec deux slogans: l’Amérique d’abord, et il faut rendre à l’Amérique sa grandeur. Malgré son investiture le 20 janvier, il continue à se comporter non comme le Président de tous les Américains, mais comme celui de ceux qui ont voté pour lui. Il s’en prend violemment aux médias et poursuit l’utilisation de Twitter pour communiquer avec l’extérieur. De grandes manifestations de protestation ont eu lieu tant aux Etats-Unis que dans le reste du monde dès le lendemain de son investiture. Il a nommé Secrétaire d’Etat (ministre des Affaires étrangères) Rex Tillerson qui n’est pas un diplomate de carrière, mais le PDG d’Exxon Mobil, ami du Président Poutine. Lors de sa campagne électorale, il a émis des promesses en politique étrangère qui, si elles sont effectivement appliquées, risquent de porter gravement atteinte aux relations internationales. Si l’on regroupe ces promesses par continent, on s’aperçoit qu’elles sont plus hallucinantes les unes que les autres. Tout d’abord en ce qui concerne l’Amérique, il veut renégocier l’Alena (Accord de libre-échange entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique) afin d’empêcher les délocalisations des entreprises américaines principalement au Mexique. En ce qui concerne le Canada, il a promis d’annuler le veto d’Obama sur l’oléoduc Keystone qui est un pipeline devant acheminer le pétrole canadien vers les Etats-Unis. Pour ce qui est de son voisin du sud, le Mexique, il a menacé d’expulser les immigrés illégaux, construire un mur à la frontière américano-mexicaine, et geler les transferts d’argent des immigrés mexicains vers leur pays. Enfin, avec Cuba, il veut rétablir les restrictions sur le commerce, la finance et le tourisme.
Donald Trump n’est pas plus tendre pour l’Europe, puisqu’il veut bloquer les négociations du TTIP : Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement entre les Etats-Unis et l’Union européenne. Il se montre favorable au Brexit (sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne) et encourage les autres pays de l’Union à sortir. Sur le plan militaire, tout en augmentant le budget militaire américain de 3% à 6% du PIB, il considère l’OTAN (Organisation de l’Atlantique Nord) comme obsolète, et veut rejeter les garanties de sécurité collectives pour les membres qui ne paient pas leur part de financement. Il a indiqué aussi qu’il veut retirer les Etats-Unis de l’Accord de Paris sur le climat, annuler les financements américains des projets sur le climat, et au contraire, promouvoir aux Etats-Unis les énergies fossiles : charbon, gaz de schiste, et pétrole.
Pour ce qui concerne l’Asie, Donald Trump a retiré les Etats-Unis du TTP (Accord de partenariat transpacifique), négocié pendant une décennie par Washington avec onze pays de la région Asie-Pacifique, non encore approuvé par le Congrès. Il est particulièrement virulent vis-à-vis de la Chine qu’il juge très protectionniste, qui manipule sa monnaie pour promouvoir ses exportations, et qui ne respecte pas la propriété intellectuelle. Il propose d’établir des droits de douane à l’entrée des produits chinois aux Etats-Unis, notamment en établissant des taxes sur l’acier. A l’inverse, il veut se rapprocher de la Russie dont il admire la gouvernance sous l’autorité du Président Poutine. Il est peu enclin à continuer les efforts pour obliger la Corée du Nord à se dénucléariser, et a même proposé au Japon et à la Corée du Sud de se doter de l’arme nucléaire pour neutraliser Pyongyang. Enfin, il a l’intention de retirer les troupes américaines de Corée du Sud, du Japon et de Taiwan.
Quant au Moyen-Orient, il a déclaré vouloir éradiquer l’Etat islamique, en utilisant la torture si nécessaire contre les terroristes. Il a indiqué aussi qu’il retirerait les Etats-Unis de l’Accord nucléaire conclu avec l’Iran en 2015, et qui consiste à contenir le programme nucléaire de Téhéran en échange de la levée des sanctions. Après avoir déclaré lors de sa campagne électorale qu’il interdirait aux musulmans l’entrée aux Etats-Unis, il a atténué sa menace en voulant leur interdire l’immigration, notamment ceux provenant des pays touchés par le terrorisme. Enfin, il a promis de transférer l’Ambassade des Etats-Unis de Tel Aviv à Jérusalem, alors que cette dernière ville n’a jamais été reconnue par la communauté internationale capitale de l’Etat hébreu.
Pour ce qui est de l’Afrique, Donald Trump en a très peu parlé pendant sa campagne, considérant certainement ce continent comme non-prioritaire. Pour ce qui des relations entre les Etats-Unis et le Maroc, elles resteront fortes du fait de l’appui constant du parti républicain vis-à-vis de notre pays. Le Royaume est considéré comme un allié stratégique aussi bien dans la région Mena qu’en Afrique, notamment pour la coopération qui a toujours existé entre les deux pays sur le plan sécuritaire. De plus, le Maroc est le seul pays africain qui a signé un accord de libre-échange avec les Etats-Unis, qui a été mis en vigueur le 1er janvier 2006, et qui a permis de tripler les échanges commerciaux entre 2005 et 2015. Le Maroc bénéficie des aides du Millenium Challenge Corporation, alors que 250 entreprises américaines opèrent dans notre pays et que les investissements américains s’élèvent à 379 millions de dollars à fin 2014. On peut prévoir que le Maroc continuera à bénéficier du soutien de l’administration Trump concernant notre cause nationale : la question du Sahara.
En conclusion, la politique étrangère de Donald Trump, telle qu’esquissée pendant sa campagne électorale, risque de perturber gravement les relations internationales, tant sur le plan politique qu’économique. Cependant, il faut attendre les actes concrets du Président américain avant d’en faire une évaluation. Il faut rappeler que dans le système politique américain, le Président ne dispose pas de tous les pouvoirs, qui sont partagés avec le Congres. Il faut espérer que les députés américains vont refuser ou en tout cas atténuer les propositions dangereuses de Donald Trump.
Par Jawad KERDOUDI, Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)