■ Le manque de sécurité, sentiment qui va grandissant….
■ …ou réalité effective de la vie quotidienne.Hay Riad ou Hay Al Fath à Rabat, Al Massira Al Khadra ou Anfa à Casablanca. La liste des quartiers peu ou pas sécurisés est longue ! Agressions, vols avec ou sans usage d’arme blanche, à bord d’une voiture ou d’une moto, en plein jour ou à la nuit tombée. Rien n’arrête les agresseurs. Qui n’a pas été l’objet, au moins une fois dans sa vie, d’une agression aussi légère soit-elle ? Ceux qui ne l’ont pas vécue ont cette épée de Damoclès sur la tête. A quand leur tour ?
Cela est devenu monnaie courante si bien qu’on le raconte comme une histoire ordinaire. On en parle, on s’en plaint, tout en restant conscient de l’ampleur du phénomène et surtout de la gravité de la situation. Et pourtant, on demeure passifs, bras croisés, bouches cousues, paralysés par la peur et avec l’espoir de percevoir un changement un jour. Rongés par le désespéré «à quoi bon porter plainte», les agressés se cantonnent dans leur mutisme, encourageant ainsi les malfaiteurs à continuer sur leur lancée.
Ces derniers diversifient le choix des objets volés. Cela peut aller du téléphone portable à une voiture, aux ordinateurs portables et aux bijoux. Malheur à la personne qui se balade dans la rue et ne porte pas l’un de ces objets. Là, la situation peut tourner au drame et provoquer une agression physique. Ces bandits ne sont pas forcément des personnes sales, sans abri ou mal habillées. Bien au contraire. Pour ne pas attirer l’attention, elles se mettent sur leur 31 ou presque, marchent dans la rue avec assurance et se jettent sur leur proie au moment où elle s’y attend le moins.
Parfois, les malfrats surveillent la personne ou la maison à voler durant des jours avant de passer à l’action. Fatima, femme au foyer et résidente à Hay Riad, a vécu cette expérience. Elle nous déclare : «Dans un laps de temps de 15 minutes pendant lequel je suis sortie faire des courses, le ou les agresseurs sont entrés chez moi et ont pris des objets de valeur et bien d’autres. Maintenant, je deviens paranoïaque. J’ai l’impression qu’ils rôdent constamment autour de la maison». Plus de peur que de mal ! Physiquement du moins, car les agressions impactent la personne surtout psychiquement. Les personnes agressées développent une certaine peur vis-à-vis de toute personne qui déambule dans le quartier ou même, dans une certaine mesure, un renfermement sur soi-même et c’est à ce moment-là que s’impose un suivi psychologique.

Où réside le problème?
Pauvreté. Marginalisation. Exclusion sociale. Manque d’opportunités de travail. Absence de conscience sociale et humaine. Déficience en terme de sécurité dans les principales artères de nos villes… Sans oublier le vide qui caractérise en permanence le temps libre des jeunes et adolescents quotidiennement. Tout concorde positivement à ce que cette tendance se développe, se multiplie, et surtout que ces malfrats disposent d’une liberté complète afin d’accomplir leurs méfaits. «L’accroissement démographique et l’extension urbaine, ainsi que l’intégration de zones rurales dans l’axe urbain, sont parmi les causes de la hausse du taux de criminalité», cite une source officielle.
Les raisons qui se cachent derrière les crimes perpétrés sont d’un ordre plus social et général. Elles englobent plusieurs variables dont le gouvernement et le tissu associatif sont responsables. Dans ce cadre, la criminalité est conséquente, entre autres, au «démembrement familial, l’éclatement des familles et aux établissements scolaires en mal de communication des valeurs de la société», argumente une autre source. 

Moyens humains et techniques insuffisants
La sécurité tournait à plein régime ou presque quand une patrouille de police effectuait une tournée dans les différentes villes du Royaume. Appelée «Croatia», cette patrouille, en moto ou en voiture, donnait l’impression aux citoyens d’être en sécurité. Une année après sa mise en place, celle-ci n’a pas atteint les objectifs escomptés et a coûté au budget de la Sureté nationale plus que ce qu’elle ne rapportait. De ce fait, elle a disparu, cédant le pas à l’épanouissement de bon nombre d’agresseurs.
L’accent doit être mis également sur un point important que sont les moyens d’actions de la police technique et scientifique. Il faut dire qu’ils ne sont pas modernes, assez archaïques et n’accompagnent pas l’évolution du domaine. Lors d’un cambriolage d’une maison de l’un de nos témoins, ce dernier n’a pas manqué de remettre en cause les méthodes mises en place pour relever des preuves, notamment les empreintes digitales. «Des gants en latex, un pinceau, une poudre verte et des outils de prélèvement des empreintes sont tous les accessoires que contient la valise des experts». Ces derniers, munis de leur appareil avec lequel ils prennent des photos de la «scène du crime» déploient, tant bien que mal, tous leurs efforts. Objectif en vue, mettre la main sur ceux qui portent atteinte à la sécurité des habitants d’un quartier et leur font voir de toutes les couleurs du matin jusqu’au soir. ■
I. Benchanna
Bonne gouvernance «sécuritaire»
L’encadrement sécuritaire est le talon d’Achille des services de police. Un arrondissement n’est créé que si le nombre d’habitants comprend entre 20.000 et 50.000. A titre comparatif, la Tunisie compte 100.000 policiers pour une population chiffrée à une dizaine de millions, contre 40.000 pour le Maroc avec ses 30 millions d’habitants. Bien des efforts sont à fournir pour, si ce n’est atteindre le niveau sécuritaire des pays développés, du moins se mettre sur le même diapason que les pays voisins. L’heure est à «la bonne gouvernance sécuritaire» dans son sens le plus large. Que ce soit en rapport avec le développement et le renforcement des outils techniques et pédagogiques, ou avec l’implication de la société civile et les associations des droits de l’homme en vue d’ériger une méthode efficace pour lutter contre la criminalité.