«L'Autorité de concurrence au service de l'équité économique»

«L'Autorité de concurrence au service de l'équité économique»

 Fréderic Jenny, président du Comité de concurrence de l’OCDE 


 

Une autorité de concurrence indépendante des milieux d’affaires et du gouvernement crédibilise les mécanismes de marché d’un pays. 

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) plaide pour davantage de convergence juridique entre les autorités de concurrence des différents pays. 

 

Propos recueillis par Badr Chaou 

 

Finances News Hebdo : Que pensez-vous de la conférence internationale de de la concurrence Rabat ? 

Fréderic Jenny : Cette conférence organisée par le Conseil de la concurrence du Maroc est le premier grand évènement qui regroupe une grande partie des autorités internationales de concurrence. 

Cette manifestation est une occasion pour encourager l’échange d’expériences sur des sujets d’actualité, comme par exemple la relation aujourd’hui entre le digital et la juste concurrence, ou encore l’équité entre les entreprises internationales. 

Ce sont des points sur lesquels les autorités de concurrence des différents pays peuvent échanger leurs expériences et leurs bonnes pratiques. 

 

F.N.H. : Du point de vue de l’OCDE, quelle est la valeur ajoutée des nouveaux attributs du Conseil de la concurrence, notamment son indépendance ? 

F. J. : Je crois que la valeur ajoutée est importante du point de vue de l’OCDE. Car justement, la politique et le droit de concurrence sont des éléments cruciaux pour ouvrir l’économie à de nouvelles perspectives et permettre le développement du secteur privé. 

Une autorité de concurrence indépendante des milieux d’affaires et du gouvernement permet de lutter contre les pratiques anti-concurrentielles, et d’établir la crédibilité accordant aux investisseurs la confiance dans le mécanisme de marché du pays. 

L’indépendance du conseil est un élément crucial, car si les acteurs ont le sentiment qu’il y a une influence sur l’autorité de conseil, ils seront bien évidemment peu sensibles à l’investissement. 

 

F.N.H. : Le Conseil de la concurrence est-il habilité à défendre les intérêts économiques du pays au niveau international ? 

F. J. : Chaque autorité de concurrence n’est compétente que dans son propre pays. Ceci veut dire que lorsqu’il y a une concentration anticoncurrentielle qui est examinée par le Conseil, il y a besoin d’une certaine coordination au niveau de l’analyse afin d’aboutir à des solutions communes avec l’autorité compétente de l’autre pays, et ce afin que les entreprises ne se retrouvent pas face à des incohérences. 

La coopération permet, en effet, aux autorités de concurrence de rendre des décisions bien fondées sans entraver leur liberté de jugement. La signature de la convention de partenariat entre les autorités de conseil respectives du Maroc et du Portugal en est un exemple. 

 

F.N.H. : Quels sont les éléments d’actions qu’encourage le Comité de concurrence de l’OCDE ? 

F. J. : Tout d’abord, il y a un aspect discipline, c'est-à-dire de répression d’abus, sur par exemple l’entente sur les prix ou encore sur l’accès aux marchés publics où il y a absence de véritable concurrence. Le Conseil de la concurrence a aussi d’autres instruments, comme le fait de pouvoir faire des études sectorielles pour investir en dehors du cadre juridique sur les contraintes d’un secteur donné. Cela permet d’identifier de manière concrète toutes les contraintes liées au tissu économique. 

Il y a aussi un troisième point que nous encourageons, et qui réside dans la capacité du Conseil de la concurrence à donner ses avis sur un projet de loi au gouvernement, ou sur une loi actuelle qui restreint par exemple la capacité d’un secteur. Il ne s’agit pas de contester mais de trouver les bons moyens pour permettre aux entreprises de jouir d’une bonne concurrence et de créer de la valeur ajoutée. Ainsi, la veille économique et donner des avis sont les principaux éléments d’actions que nous encourageons. 

 

F.N.H. : L’OCDE peut-elle jouer le rôle de canalisateur d’accords entre les différentes autorités de concurrence de par le monde ? 

F. J. : L’OCDE essaie de faire en sorte que les pays membres soient conduits à adopter de bonnes pratiques. Nous avons encouragé la création d’accords de coopération bilatéraux, régionaux ou encore multilatéraux. Nous avons énormément agi pour qu’il y ait une convergence de droit entre les différents pays. 

Du point de vue de l’analyse, nous développerons beaucoup de temps avec les comités de concurrence à essayer de décortiquer comment pourrait-on utiliser les éléments traditionnels face à des éléments nouveaux, comme sur le volet du digital, afin d’essayer d’aider les autorités de concurrence face aux problèmes concurrentiels qu’elles vont avoir. 

 

F.N.H. : A travers votre expérience et observations de ce qui se passe au niveau international, comment le Conseil de la concurrence peut-il institutionnellement exister ? 

F. J. : Le Conseil peut institutionnellement exister en traitant des cas. Jusqu’à maintenant il n’a pas eu l’occasion d’utiliser ses moyens contentieux de façon importante, car il n’y pas longtemps le conseil ne pouvait pas fonctionner de la sorte. Dans un avenir proche que je ne peux pas anticiper, il va y avoir des affaires contentieuses qui vont amener le Conseil de la concurrence à intervenir. Cela permettra d’établir la crédibilité et le sérieux de l’institution et renforcera son pouvoir d’avis et d’intervention. Car le fait de rendre des avis qui soient écoutés et reçus, et qu’ils aient un poids, est quelque chose qui renforcera le Conseil. 

 

 

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