Sortir du tout-subvention, attirer les capitaux et maximiser l’impact : Abdellatif Maazouz réinvente le modèle économique de la région Casablanca-Settat.
La région désire optimiser l'effet de levier de chaque dirham investi, en mobilisant trois dirhams supplémentaires via des partenariats.
Y.Seddik
Avec un programme d’investissement de 47 milliards de dirhams entre 2022 et 2027, Casablanca-Settat s’impose comme un moteur central du développement économique du Royaume. Mais alors, comment assurer la rentabilité et la cohérence de ces investissements ? Lors d’une conférence sur l’investissement organisée paer l'École nationale supérieure de l'administration (ENSA), Abdellatif Maazouz, président du Conseil de la région Casablanca –Settat, a exposé sa vision. Structuration du foncier, mobilisation des financements internationaux, optimisation de la gouvernance locale : il défend une approche où l’investissement public ne doit pas seulement être massif, mais aussi stratégique et rentable.
Pour Maazouz, l’aménagement du territoire est au cœur de sa stratégie régionale. Dans cette optique, pour optimiser l’accueil des investisseurs, Casablanca-Settat a été divisée en cinq zones, chacune ayant une vocation spécifique. "Nous avons pris la région et nous l’avons partagée en plusieurs zones adaptées aux réalités économiques locales avec des espaces dédiés aux secteurs traditionnels et d’autres aux nouvelles industries", explique Maazouz.
De plus, Casablanca et sa périphérie accueilleront des activités non polluantes afin de préserver l’environnement, tandis que d’autres secteurs seront dédiés aux industries et aux zones logistiques. "Autour de Casablanca, nous avons décidé qu’il n’y aurait plus d’industries polluantes. L’objectif est d’orienter les investissements vers des secteurs plus respectueux de l’environnement", précise-t-il.
Ce découpage territorial a pour but d’accélérer les implantations industrielles et d’améliorer la répartition des investissements. "Nous avons fait un travail minutieux pour structurer ces espaces. Grâce à cela, nous pouvons aujourd’hui accueillir des investissements de manière plus fluide, en évitant l’anarchie dans l’affectation du foncier", insiste Maazouz.
Le foncier, nerf de la guerre de l’investissement
L’un des principaux obstacles au développement du secteur privé reste la disponibilité du foncier. Pour y remédier, le Conseil régional a déjà mobilisé 750 hectares pour des zones industrielles et logistiques. Le président de la Région explique que cette approche repose sur un modèle où le foncier public est aménagé, puis mis à disposition des entreprises à des prix attractifs. "Nous ne vendons pas les terrains, au contraire, nous les mettons à disposition sous forme de location à long terme, afin de garantir un contrôle stratégique sur leur utilisation", affirme-t-il.
Une première zone d’activité de 10 hectares a déjà été lancée, avec à la clé des résultats encourageants. "Nous avons installé cette zone dans un bassin d’emploi qui permettra de générer plusieurs milliers d’emplois", indique Maazouz. Dans la même dynamique, la région Casablanca-Settat prévoit désormais d’ouvrir une zone industrielle de 250 hectares, avec un appel à manifestation d’intérêt pour sélectionner les opérateurs privés qui assureront son développement.
Une diversification des financements
Avec des budgets publics sous pression, la région explore des solutions alternatives pour financer ses projets. C’est pourquoi, pour la première fois, une collectivité territoriale du pays a émis un emprunt obligataire d’un milliard de dirhams, marquant une avancée majeure en matière d’autonomie financière. "Nous avons prouvé que nous pouvions lever des fonds directement sur les marchés financiers, ce qui représente une avancée majeure", se félicite Maazouz.
De plus, la Banque mondiale a accordé un prêt direct à Casablanca-Settat sans garantie de l’État, une première en Afrique. "Ce prêt témoigne de la confiance des bailleurs internationaux dans notre gestion et notre capacité à mener des projets structurants", explique-t-il.
Dans cette même logique, le Conseil régional a également obtenu un financement de 100 millions d’euros de l’Agence française de développement (AFD). "Nous avons négocié des financements à des taux préférentiels pour des projets alignés sur les objectifs climatiques", précise A. Maazouz.
Une gouvernance optimisée pour éviter les gaspillages
Le responsable insiste sur la nécessité d’une meilleure gestion des fonds publics afin d’optimiser l’impact des projets d’infrastructure. Ainsi, pour maximiser l’effet de levier des investissements, la région applique une règle stricte : "Pour chaque dirham investi, nous devons mobiliser trois dirhams supplémentaires via des partenariats avec l’État, les collectivités locales ou les bailleurs de fonds", explique-t-il.
Plutôt que de se contenter d’accorder des subventions, la région adopte une approche mixte. "Nous ne faisons pas que financer les projets : en complément, nous entrons aussi dans leur capital, afin d’assurer leur rentabilité et d’en tirer des revenus futurs pour la région", précise-t-il.
Le pôle économique du Royaume teste également de nouveaux mécanismes de financement, notamment des obligations régionales et des instruments financiers adaptés aux critères ESG. "Nous devons diversifier nos sources de financement et structurer nos projets de manière à attirer des investisseurs institutionnels internationaux", estime Maazouz.
Enfin, concernant la réforme de la gouvernance, il plaide pour une meilleure coordination entre les différents acteurs publics afin de mettre fin aux doublons administratifs. "Nous avons encore trop d’interférences entre les établissements publics, ce qui ralentit la mise en œuvre des projets", regrette-t-il.
Casablanca-Settat, un modèle pour les autres régions ?
Avec cette approche, Casablanca-Settat vise à devenir un modèle de gestion régionale performante, où les investissements publics sont mieux orientés et plus rentables. "Nous avons l’opportunité de montrer qu’une région peut être un moteur économique à part entière, et pas seulement un simple exécutant des politiques nationales", affirme Maazouz.
En clair, cette stratégie repose sur plusieurs piliers : une gestion plus efficace du foncier pour attirer les investisseurs, une diversification des financements pour réduire la dépendance aux subventions publiques et une gouvernance plus rigoureuse pour éviter le gaspillage des ressources.
L’ambition affichée est de structurer un modèle qui pourrait inspirer d’autres régions marocaines. "Si nous réussissons à prouver que l’investissement régional peut être autonome et performant, nous créerons un précédent qui pourrait transformer la gestion des collectivités au Maroc", conclut-il.