Intérêts moratoires : Le calcul désormais sous la responsabilité des ordonnateurs

Intérêts moratoires : Le calcul désormais sous  la responsabilité des ordonnateurs

Noureddine BensoudaLa commande publique mobilise 190 milliards de dirhams en termes de Budget d’investissement de l’Etat, des collectivités territoriales, des entreprises et établissements publics au titre de l’année 2016, représentant environ 19% du PIB.

Des chiffres qui dénotent de l’importance de la réforme des délais de paiement.

“Les apports de la réforme des délais de paiement sur la commande publique», telle est la thématique débattue récemment en long et en large par les opérateurs dans les locaux de la Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc (CFCIM). Devant un panel d’adhérents, le trésorier général du Royaume, Noureddine Bensouda explique les tenants et les aboutissants de la réforme des délais de paiement dans la commande publique. L’importance de la commande publique pour une économie comme la nôtre n’est plus à démontrer. Elle concerne les marchés publics, les contrats de concession et de gestion déléguée, les contrats de partenariat public-privé, les conventions et contrats de droit commun ainsi que les bons de commandes. A noter par ailleurs que la commande publique mobilise 190 milliards de dirhams en termes de budget d’investissement de l’Etat, des collectivités territoriales, des entreprises et établissements publics au titre de l’année 2016, représentant environ 19% du PIB.

Au-delà des chiffres précités, l’enjeu de la réforme est de taille: le goulet des retards de paiement n’impacte pas uniquement l’entreprise (fournisseur), mais se propage à toute la chaîne économique. «Prises dans un cercle vicieux, ces entreprises se trouvent contraintes de s’adresser aux banques pour des facilités de trésorerie. D’autres vont jusqu’à solliciter des crédits de restructuration», explique le trésorier général du Royaume. Et d’ajouter dans la foulée: «Dans certains cas, ces retards de paiement causent la faillite d’entreprises fragiles». Un constat on ne peut plus amer qui a poussé les pouvoirs publics à agir en urgence pour reconsidérer dans sa globalité le système des délais de paiement.

Cette partie invisible de l’iceberg

Au terme des discussions et des échanges de points de vue, il a été constaté que les acteurs avaient une perception différente de la problématique du retard des paiements. En parfaite collaboration avec les partenaires, notamment le patronat, l’équipe de la Trésorerie générale du Royaume (TGR) s’est attelée à examiner dans le détail près tout le processus de la commande publique. Le but étant d’identifier avec précision les dysfonctionnements à l’origine des retards de paiement. Durant les quatre dernières années, les délais moyens constatés dépassent de loin le délai réglementaire, variant entre 138 jours pour les années 2012 et 2013, 156 jours en 2015, sachant que pour certains départements ministériels les délais dépassent 200 jours (plus de 90 jours, délai au-delà duquel les intérêts moratoires sont applicables).

Dans son diagnostic, la TGR ne s’est pas limitée à la partie aval du processus, mais à celle invisible de l’iceberg (amont). «Cette phase comporte plusieurs zones d’ombre, dont les délais ne sont ni connus ni quantifiés. Elles portent notamment sur la constatation de service fait en termes de définition, de délais et de responsabilité des acteurs concernés», tient à préciser le trésorier du Royaume. Ce sont ces zones qui ont constitué l’essentiel du travail de l’équipe de la TGR.

Entre autres dysfonctionnements, force est d’admettre la pluralité des personnes habilitées à établir les documents de constatation de service fait, source de dilution des responsabilités et d’allongement des délais. Désormais, c’est l’entreprise qui est responsable de l’établissement de tous les attachements pour tous les marchés de travaux, au lieu que ce soit l’administration pour les attachements relatifs aux travaux de génie civil et l’entreprise pour les situations et relevés concernant les travaux de bâtiment. Aussi, l’entreprise est-elle également chargée de l’établissement des rapports et documents d’exécution des marchés d’études.

L'autre dysfonctionnement, et pas des moindres, est l’hétérogénéité des délais impartis à l’administration pour certifier le service fait en fonction du type de marché. Pour mettre un terme à cette prolifération de délais, la réforme fixe à l’administration un délai unique de 30 jours maximum pour la signature des attachements ou la certification de la facture.

Ainsi, après avoir apporté des réponses aux différents problèmes en amont, l’administration s’est intéressée à l’autre bout de la chaîne.

La réforme a par ailleurs réduit les délais d’ordonnancement et de paiement ouvrant droit aux intérêts moratoires et les a harmonisés pour l’Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics soumis au décret des marchés publics. Avec la réforme, les délais sont fixés à 60 jours, dont 45 jours pour l’ordonnancement à compter de la constatation du service fait; 15 jours pour le visa et le règlement par le comptable public à compter de la date de réception de l’ordonnance ou du mandat de paiement.

Malgré sa portée économique, la réforme laisse certains opérateurs sur leur faim. Ils pointent du doigt le délai de réception du marché, appelé communément la constatation du service fait (à partir de laquelle, les délais d’ordonnancement sont encourus) qui, malheureusement, prend parfois plus que le temps nécessaire. Un détail qui risque de réduire à néant toute la réforme !

S. Es-siari

Les ordonnateurs prennent le relais

La réforme a étendu l’application des intérêts moratoires aux conventions, contrats de droit commun; contrats d’architectes et bons de commandes de l’Etat et à toute la commande publique des collectivités territoriales et des établissements publics appliquant le décret sur les marchés publics. D’aucuns diront que l’asymétrie du pouvoir de négociation entre l’administration et le maître d’ouvrage entraîne la non-application systématique des intérêts moratoires et, du coup, ils demeurent rarement ordonnancés. A ce titre, la réforme préconise l’obligation pour le comptable d’informer l’ordonnateur de la date de paiement de la dépense de la commande et ce, au plus tard le 5ème jour qui suit la date dudit paiement; la fixation d’un délai de 30 jours à l’ordonnateur pour procéder à l’ordonnancement des intérêts moratoires lorsqu’ils sont dus. Ou encore le paiement des intérêts moratoires qui se fait directement par le comptable public, sous forme de dépenses sans ordonnancement préalable, lorsque l’ordonnateur ne procède pas à l’ordonnancement desdits intérêts moratoires dans un délai de 30 jours.

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