De l’avis de certains économistes, le taux d’inflation devrait être beaucoup plus élevé que celui projeté par BAM en 2022.
D’après la Banque centrale, l’inflation devrait passer en moyenne de 1,4% en 2021 à 2,1% en 2022, avant de reculer à 1,4% en 2023.
Par M. Diao
La hausse des prix de plusieurs matières premières (pétrole, gaz, métaux) et denrées alimentaires (blé, sucre, huile) sur le marché international est une source d’inquiétude majeure à la fois pour les pays développés et les Etats moins nantis, donc plus fragiles sur les plans économique et budgétaire. La hausse vertigineuse des prix des produits susmentionnés à l’international aura pour conséquence, au niveau national, l’accroissement du taux d’inflation jusque-là jugé très faible par bon nombre d’économistes. Les données publiées par Bank Al-Maghrib en décembre 2021 à l’issue de son Conseil, corroborent le trend haussier du taux d’inflation.
L’origine des poussées inflationnistes BAM assure en substance que malgré le net accroissement de sa composante sousjacente, l’inflation devrait rester à des niveaux contenus, passant en moyenne de 0,7% en 2020 à 1,4% en 2021, à 2,1% en 2022, avant de reculer à 1,4% en 2023. Il convient tout de même de préciser que les poussées inflationnistes constatées ces derniers temps ne sont guère la résultante d'une politique monétaire laxiste, dont l’une des premières manifestations serait l’existence d’une masse monétaire trop importante par rapport à la taille de l’économie nationale. D’ailleurs, BAM reconnue pour son intransigeance en matière de lutte contre l’inflation, n’a pas manqué d’expliquer, entre autres, que les données disponibles sur les prix à la consommation font ressortir des hausses sensibles ces derniers mois pour certains produits alimentaires et pour les carburants et lubrifiants.
«Cette évolution résulte essentiellement des pressions externes liées à la flambée de leurs cours sur les marchés internationaux. Elle s’est traduite par une nette accélération de la composante sousjacente de l’inflation qui est passée de 0,7% en moyenne au cours du premier semestre à 2% au troisième trimestre et à 3,3% en novembre», explique la Banque centrale. Interrogé sur la projection de BAM faisant état d’un taux d’inflation de 2,1% pour l’année 2022, marquée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, une source qui préfère garder l’anonymat se montre perplexe.
«Le taux d’inflation projeté pour l’année en cours montre que la Banque centrale est optimiste. Or, la conjoncture nationale et internationale plaide en faveur d’un taux d’inflation beaucoup plus conséquent que celui annoncé», soutient notre interlocuteur. Précisons que l'inflation dans la zone Euro a enregistré un nouveau record en février à 5,8% sur un an, sous l’effet de la flambée des prix de l'énergie et de l'alimentation. Ce niveau constitue un casse-tête pour la Banque centrale européenne (BCE), qui veille à la stabilité des prix et dont l’objectif est de confiner le taux d’inflation autour de 2%.
«Les effets de la sécheresse (inflationnistes du fait de la contraction de l’offre des produits agricoles), couplés aux conséquences de la crise liée à la Covid-19 sur l’offre globale et le marché international (jusque-là impacté par la pandémie et l’invasion de l’Ukraine par la Russie) font le lit d’une progression significative du taux d’inflation. Ce dernier devrait être supérieur à celui annoncé par BAM», prédit notre source. Par ailleurs, pour l’année en cours, il est légitime de s’attendre à ce que la FED relève les taux directeurs afin de contrer les pressions inflationnistes. Pour rappel, les USA ont enregistré un taux d’inflation de 7% en 2021, soit le plus haut niveau depuis 40 ans (1982). Ces quelques exemples montrent bien que la hausse généralisée des prix à l’international génère une inflation importée au niveau des Etats développés.
Une hausse inexorable ?
Notre source alerte sur l’existence d’un ensemble de paramètres susceptibles de contribuer à l’augmentation des pressions inflationnistes dans les jours et semaines qui viennent. Il s’agit de l’impact des effets de la sécheresse, l’augmentation des coûts du fret ainsi que l’accroissement continu des prix des carburants et des denrées alimentaires. Et ce, en raison de la guerre qui oppose l’Ukraine à la Russie. Les deux pays, qui ont d’énormes difficultés à exporter, représentent 30% des exportations de blé à l’échelle mondiale. Sachant que l’Ukraine est l’un des plus grands producteurs d’huile végétale. Pour sa part, la Russie fait partie du top 3 mondial en matière de production de gaz et de pétrole.
«Il faut savoir qu’à partir du mois de mai ou juin, le Maroc devrait commencer à importer du blé pour une quantité totale oscillant entre 11 et 12 millions de tonnes», renseigne notre source. Il convient de rappeler que sur le marché domestique, le prix du quintal de blé est passé, en quelques mois, de 220 à 330 DH. «Au regard de la conjoncture nationale et de l’évolution des tensions géopolitiques, il n’est pas illusoire de s’attendre à ce que le prix du quintal atteigne 500, voire 600 DH», soutient-il. Parallèlement, nombreux sont les consommateurs qui s’inquiètent, d’ores et déjà, de la flambée des prix de certaines denrées alimentaires, dont la demande aurait tendance à augmenter lors du mois sacré de Ramadan qui débutera en avril. Dès lors, il faudra nécessairement renforcer le contrôle administratif des pouvoirs publics sur les prix lors du mois de ramadan. Cette action ponctuelle sera d’une très grande utilité pour éviter les abus et préserver le pouvoir d’achat des Marocains.
Que faire ?
Il est clair que l’Exécutif doit mettre en place un mécanisme visant à briser la spirale infernale de la hausse généralisée des prix. «Il est temps d’évaluer le système de libéralisation des prix des carburants qui aurait permis aux acteurs d’augmenter leurs marges bénéficiaires. Et ce, en défaveur des consommateurs», avance notre interlocuteur. Ce dernier est formel. Pour les produits alimentaires d’origine agricole et dont les prix sont fixés par la loi de l’offre et la demande, le gouvernement dispose de peu de marge de manœuvre pour tirer les prix vers la baisse. «Par contre, pour les produits industriels alimentaires, l’Etat pourrait agir en limitant par exemple le stockage et en veillant scrupuleusement sur les risques d’entente sur les prix et les abus de positions dominantes sur le marché», suggère notre source.
En cela, l’une des premières conséquences de la hausse généralisée des prix a trait à la contraction du pouvoir d’achat des personnes ayant des revenus modestes. Plusieurs voix se lèvent afin d’exhorter le gouvernement à hâter la réforme liée au ciblage de l’aide des populations vulnérables économiquement. Au final, la contraction de la croissance économique qui se profile, couplée à la hausse des prix, augure d’une année 2022 particulièrement préjudiciable pour le pouvoir d’achat des Marocains.