◆Les filières de sous-traitance, de maintenance ou de démantèlement et recyclage de navires sont les plus porteuses.
◆Le Royaume peut capter une partie des activités des îles Canaries qui tournent à plein régime.
◆La proximité du pays avec les grandes routes maritimes est un atout de taille.
Par : Charaf Jaidani
Le Maroc dispose d’un littoral de plus de 3.500 km offrant des potentialités très importantes mais qui restent peu investies. C’est le cas de l’industrie navale qui n’arrive pas à s’imposer comme une filière en plein essor à l’image de l’automobile ou l’aéronautique.
Pourtant, tous les ingrédients nécessaires sont réunis pour assurer le décollage de l’activité. Le témoignage d’un opérateur du secteur est révélateur à plus d’un titre.
«Nous ne pouvons pas assurer la maintenance de nos navires au Maroc. Les chantiers existants à Casablanca ou à Agadir ne peuvent réaliser toutes les opérations et leurs prestations ne sont pas compétitives en termes de coût et de délais. Nous sommes obligés de nous orienter le plus souvent vers les chantiers existants aux îles Canaries. Ils disposent de plateformes bien équipées avec des compétences humaines très qualifiées», souligne Rachid Benkirane, président de l’Association professionnelle des armateurs de la pêche hauturière au Maroc (Apapham).
Exceptée la flotte opérant dans le littoral, plus de 70% des navires marocains effectuent leurs réparations à l’étranger, et le plus souvent en Espagne.
«C’est un manque à gagner pour le Maroc. Cette activité de réparation de navires peut créer des emplois, des investissements, de la valeur ajoutée et épargner des devises», précise Benkirane.
Un écosystème lancé
Ce constat est partagé par Tarik Aitri, président de la Fédération des industries métalliques, métallurgiques et électromécaniques (FIMME), qui estime, dans une vision plus globale du secteur, que «l’industrie navale présente des opportunités indéniables pour les investisseurs nationaux. L’écosystème qui a été défini par le ministère de l’Industrie, en partenariat avec les professionnels, ouvre de nouvelles perspectives, surtout dans certaines filières comme la réparation, le démantèlement des navires ou la sous-traitance. Il est opportun de saisir les différentes opportunités qui peuvent se présenter».
D’autres opérateurs du secteur estiment que la filière peut aller de l’avant, mais encore faut-il donner de la visibilité aux opérateurs, et surtout, ne pas brûler les étapes.
«Il est hors de question d’envisager de grands projets capitalistiques nécessitant une forte technicité. Il faut aller par étape et privilégier les structures intermédiaires.
Le Maroc peut capter une partie des activités des îles Canaries en sous-traitance qui tournent à plein régime. La proximité du port d’Agadir est un atout indéniable d’autant plus que le Royaume peut faire jouer d’autres facteurs comme le voisinage avec les routes maritimes dans l’Atlantique et en Méditerranée ou le coût compétitif de sa main-d’oeuvre», explique-t-on chez la FIMME.
Dans l’activité démantèlement des navires ou leur recyclage, le Maroc dispose également de nombreux éléments pouvant l’encourager. Le secteur de la ferraille s’est bien développé ces dernières années. Des entreprises comme Sonasid recycle les métaux ferreux et les transforme en fer à béton ou autres produits. Outre l’acier, les navires englobent d’autres métaux recyclables comme le cuivre, le zinc, l’aluminium, le plomb et le plastique dont la valeur marchande est très importante.
La plupart des chantiers de démantèlement de grands navires dans le monde se trouvent en Asie notamment en Inde, Vietnam, Turquie, Philippines, Bangladesh ou Turquie. Le Maroc peut grignoter des parts de marché et se positionner dans un premier temps dans l’activité démantèlement de petits et moyens navires avant de lorgner les grosses structures.
Le Royaume devrait par ailleurs se pencher sur d’autres filières pour développer son industrie navale. La construction de petits navires, notamment de pêche, est à privilégier. Actuellement, la cadence de fabrication ne dépasse pas une vingtaine d’unités par an. L’écosystème mis en place dernièrement table sur un rythme de plus de 130 navires par an.
A l’image de l’automobile, l’industrie navale peut avoir des effets d’entraînement sur d’autres activités, notamment chez les équipementiers.
2,5 Mds de DH d’investissement à l’horizon 2030
Pour lancer l’écosystème «Industrie navale», l’Etat mobilisera un investissement de 90 MDH. Au programme, figure notamment la mise à niveau des anciennes infrastructures et le développement de nouvelles plateformes. Les engagements de l’Etat portent également sur le soutien de l’activité à l’export et un appui de la Caisse centrale de garantie (CCG). Il est prévu la création de 3.200 emplois additionnels dont 1.100 directs à l’horizon 2020. En 2030, le nombre d’emplois additionnels passera à 22.500 et l’investissement mobilisé atteindra 2,5 milliards de DH.