Les professionnels redoutent que cette offre soit détournée de sa vocation initiale sous l’effet de la spéculation. La gestion des zones industrielles sera marquée par l’unicité de la décision.
La disponibilité de l’immobilier destiné aux entreprises reste insuffisante et parfois inadéquate avec les besoins des opérateurs. Les acteurs économiques évoquent, entre autres, la cherté du foncier et le faible niveau d’équipement des offres proposées, notamment dans les zones d’activité les plus cotées du pays.
Selon une enquête de la Banque mondiale sur le climat d’investissement au Maroc, près de 40% des entreprises considèrent l’accès au foncier comme étant un obstacle majeur à leur développement. De même, sur un échantillon de 121 réclamations reçues par le Chef de gouvernement de la part des investisseurs, 38% se rapportent au foncier et l’identifient comme le facteur principal de blocage. A cet égard, le gouvernement investit plusieurs pistes pour doper ce marché mais les formules déclinées s’avèrent, pour le moment, inefficaces. Lors des dernières Assises du foncier organisées à Skhirate, Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Economie numérique, a reconnu les difficultés rencontrées par les entreprises à ce niveau, estimant que c’est un facteur important pour leur compétitivité. «Nous voulons encourager l’immobilier professionnel locatif. Les entreprises ont intérêt à investir leur argent dans leur coeur de métier pour développer leur activité. Le foncier constitue un facteur déterminant dans l’acte d’investir. C’est un levier qui nous permet de capter des investissements. Il est donc nécessaire de mettre à la disposition des investisseurs un foncier assaini, de qualité et à des prix abordables», souligne Elalamy. «La question du foncier soulève beaucoup de problématiques, le principal noeud se situe au niveau de la création de l’unicité de la décision dans certaines zones industrielles. Nous avons signé un accord avec les départements de l’Intérieur et de l’Urbanisme afin de centraliser les décisions. Pour l’heure, l’implémentation de cet accord suit son cours», affirme le ministre.
En effet, la problématique du coût du foncier se pose avec acuité pour les entreprises, surtout industrielles. Ce qui grève leur compétitivité. Les initiatives lancées à travers la réalisation des plate-formes industrielles intégrées n’ont pas permis de répondre pleinement à la problématique d’accès à un foncier en adéquation avec les besoins des entreprises, en raison notamment des choix de localisation et des prix pratiqués.
Haro sur la spéculation !
La spéculation immobilière a rendu les prix des terrains dissuasifs. Les promoteurs préfèrent investir dans le segment du logement où la marge bénéficiaire est plus intéressante. Rares sont les zones industrielles nouvellement lancées par le privé. Le plus souvent, c’est un terrain du domaine de l’Etat qui est mobilisé. Les promoteurs ont investi de nouvelles zones ou des patelins périphériques des grandes métropoles, comme par exemple Had Soualem, Sebt de Tit Mellil, Lakhyayta à Casablanca. Dans sa nouvelle feuille de route, le ministère de l’Habitat et de la Politique de la ville compte mobiliser 1.000 hectares de foncier public locatif. Cette mesure va-t-elle résorber ce déficit et lever l’un des freins majeurs du secteur ?
Les opérateurs restent sceptiques. «Nous n’avons pas encore de détails sur les zones concernées. Néanmoins, l’aménagement de toute nouvelle zone, qui propose un foncier accessible économiquement, bien connecté et bien équipé, est une bonne initiative», explique-t-on auprès de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI). Les professionnels du secteur estiment aussi qu’il faut prévoir des mécanismes pour contrôler cette offre afin qu’elle ne soit pas détournée de sa vocation initiale.
C’est un créneau très lucratif mais qui risque d’être investi par les spéculateurs et les magouilleurs. Il faut établir un cahier des charges précis et renforcer les mesures de contrôle de l’affectation des unités immobilières. La valeur locative doit êtr, elle aussi, compétitive et privilégier les activités créatrices d’emploi et génératrices de valeur ajoutée ou celles qui drainent l’investissement étranger.
Charaf Jaidani