Le nouveau dispositif juridique modifiant la loi de 1973, qui réglementait jusque-là le secteur des hydrocarbures au Maroc, marque une réelle volonté du département de l’énergie d’insuffler une nouvelle dynamique à une branche névralgique de l’économie nationale. Toutefois, les professionnels attirent l’attention sur l’impératif de mettre en place un arsenal juridique juste et à même de permettre à la tutelle d’atteindre les résultats escomptés.
Par le truchement d’un nouveau projet de loi modifiant et complétant le Dahir portant loi de février 1973, le ministère de l'Energie, des Mines, de l'Eau et de l'Environnement compte mieux renforcer le contrôle de la qualité des produits pétroliers liquides, tout en assurant la disponibilité des produits raffinés et du gaz naturel. D’emblée, il n’est pas inopportun de rappeler que l’énergie constitue un facteur de production et de compétitivité de taille pour l’économie nationale. Ce qui justifie, quelque part, le ferme dessein du Département dirigé par Abdelkader Amara de mettre à niveau l’arsenal juridique du secteur des hydrocarbures, notamment au niveau de la surveillance et de la répression des fraudes. Du côté des opérateurs, cette initiative est bien accueillie. Contacté par nos soins, Saïd El Baghdadi, Directeur général d’Afriquia SMDC, leader incontesté du marché, confie : «Cette initiative est louable, nous avons été partie prenante à cette mesure, et ce tout au long du processus». Cela dit, ce nouveau dispositif juridique instaure, par ailleurs, une batterie de sanctions (amendes financières, suspension provisoire ou définitive de l’agrément, etc.). L’autre fait notable à relever est que l’importateur ou le raffineur est astreint d’approvisionner en priorité le marché local.
Remettre de l’ordre
A en croire, le Directeur général d’Afriquia SMDC, les amendements du nouveau dispositif juridique sont d’autant plus pertinents qu’ils devraient régler deux aspects problématiques du secteur, notamment l’approvisionnement et la qualité. «Avec la fluctuation et la libération des prix, certains gérants de stations spéculent sur les stocks, dans l’objectif d’optimiser leurs profits. Lorsque les cours des produits connaissent une baisse, ils n’hésitent pas à provoquer une rupture de stocks afin de s’approvisionner à un prix moindre», s’insurge-t-il. A ce titre, il y a lieu de noter que l’article 11-2 du projet de loi stipule en substance : «Les distributeurs des PPL et/ou du GNC et les gérants de stations-service ou de remplissage sont responsables de la disponibilité à tout moment des hydrocarbures raffinés dans leurs stations-service ou de remplissage en activité». Par ailleurs, dans une perspective de mieux organiser la branche, le projet de loi prévoit un système d’agrément administratif pour l’activité de distribution, d’emplissage et de transport par pipeline.
Trouver le bon dosage
L’autre constat qui interpelle, en se penchant sur cette nouvelle mesure juridique, est l’importance du régime des sanctions, qui peuvent être très lourdes en cas de constatation de non-conformité d’un hydrocarbure raffiné ou GNC. A titre d’exemple, les amendes financières vont de 50.000 à 150.000 DH en cas de récidive. Un retrait définitif pur et simple de l’autorisation d’exploitation du point de vente est prévu, si une deuxième récidive est constatée. Du reste, Saïd El Baghdadi fait remarquer que les sanctions doivent être dissuasives, sans pour autant être exagérées. «Pour notre part, nous avons proposé à ce que les sanctions soient raisonnables. C’est-à-dire, elles ne doivent pas aller jusqu’à arrêter le business, avec le retrait définitif de l’agrément ou de l’autorisation d’exploitation du point de vente», poursuit-il. Et d’ajouter : «A notre avis, les sanctions de l’actuel projet de loi sont disproportionnées. De plus, elles ont un impact néfaste sur le secteur, l’emploi et, surtout, sur l’investissement». Partant, force est de constater que tout l’enjeu pour la tutelle est de mettre en place une loi suffisamment intelligente, assez dissuasive, tout en n’étant pas contre-productive. Par ailleurs, afin d’améliorer ce nouvel arsenal, les professionnels du secteur ont émis des suggestions sur le site du Secrétariat général du gouvernement (SGG) abritant l’avant-projet de loi. Outre cette précision, il est important de rappeler que la chaîne de valeur de la distribution des hydrocarbures se singularise par sa complexité, en raison de la multiplicité des intervenants. De ce fait, l’efficacité de ce nouveau dispositif juridique dépendra sans doute de sa capacité à identifier et à déterminer les responsabilités des différents opérateurs. A noter que si le nouveau dispositif juridique suscite beaucoup d’espoir auprès des professionnels, il n’en demeure pas moins que certains d’entre eux estiment qu’il est nécessaire de mettre en place des mesures d’accompagnement, notamment une réelle sensibilisation sur les méfaits de la tricherie dans la qualité des hydrocarbures, par exemple. «Il est crucial de sensibiliser tous les acteurs de la chaîne à la nouvelle loi, ce qui, à mon sens, permettra à la tutelle d’atteindre les objectifs escomptés», assure El Baghdadi, qui ajoute tout de même, dans la foulée : «Nous avons le sentiment que les sanctions de ce nouveau projet de loi visent davantage les plus solvables (importateurs, distributeurs). Or, ce ne sont pas ces acteurs qui se livrent le plus à la tricherie». Ces propos dénotent, en filigrane, un appel à une loi juste et équitable, à même de s’attaquer à tous les fraudeurs, «petits» ou «grands».
Momar Diao