◆ En l’absence de produits de substitution, la hausse des droits d’importation sur certains produits finis de consommation pourrait impacter le pouvoir d’achat des Marocains.
Par M. Diao
La crise liée au coronavirus a accru la nécessité de mettre en place de la part des pouvoirs publics des mécanismes permettant au pays de préserver ses réserves en devises, d’accélérer sa résilience productive, tout en facilitant le retour à l’équilibre structurel de la balance commerciale.
C’est dans cette optique que l’Exécutif a proposé, dans le cadre du projet de Loi de Finances rectificative 2020, dont la première partie a été adoptée en commission à la Chambre des représentants, d’augmenter le droit d’importation applicable à certains produits finis de consommation.
Celui-ci devrait passer de 30% à 40%, et ce dans la limite des taux consolidés par le Maroc au niveau de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Faudrait-il rappeler que dans le but d’encourager la production locale et la réduction du déficit de la balance commerciale, il avait été procédé dans le cadre de la Loi de Finances pour l’année 2020 à l’augmentation de la quotité du droit d’importation applicable à certains produits finis de 25% à 30%.
Au regard de ce qui précède, force est de constater que le gouvernement est résolument engagé à limiter les importations massives de certains produits finis de consommation afin d’atteindre les objectifs précités. La question qui s’impose est de savoir si la méthode employée est la bonne.
L’autre interrogation incontournable a trait aux multiples conséquences de l’inflation du droit d’importation sur certains produits finis. Sachant qu’au regard des chiffres officiels de l’Administration des douanes et des impôts indirects (ADII) pour l’année 2019, les droits d’importation n’ont représenté que 10% du montant global des recettes budgétaires issues des impôts indirects, avec une progression moyenne positive de 4,7% sur les 5 dernières années.
Des inquiétudes légitimes
A l’évidence, la hausse du droit d’importation est susceptible d’interpeller un ancien ministre chargé du Commerce extérieur, surtout lorsqu’il est toujours engagé dans la politique. Interrogé sur l’opportunité de la hausse des droits d’importation ainsi que les conséquences susceptibles d’en découler, il tire la sonnette d’alarme. «De prime abord, cette mesure peut être vue comme étant salutaire pour la production locale. Sauf que tous les produits finis de consommation ne sont pas fabriqués au Maroc», analyse-t-il.
Et de poursuivre : «En l’absence de produits de substitution, la hausse des droits d’importation conduira à l’augmentation généralisée des prix des produits concernés, avec un fort impact sur le pouvoir d’achat des Marocains».
Or, l’une des conséquences majeures de la crise liée au coronavirus a été l’effritement des revenus des ménages les plus vulnérables, qui ont vu leur pouvoir d’achat baisser. Notre interlocuteur plaide pour une sélection minutieuse des produits finis de consommation soumis au droit d’importation, qui a pour corollaire l’existence d’une production locale.
Le spectre de la contrebande
Selon l’ancien ministre du Commerce extérieur, la nouvelle mesure consignée dans le PLF rectificative 2020 peut être un appel d’air à la recrudescence de la contrebande. «Il faudra être vigilant et mettre le paquet sur la lutte contre la contrebande, à l’origine d’un manque à gagner important pour les recettes publiques», avertit-il.
Par ailleurs, la nouvelle hausse des droits d’importation pénaliserait davantage les pays avec qui le Maroc n’est pas lié par un accord de libre-échange (ALE) et qui exportent des produits finis de consommation vers le Royaume.
Or, à titre d’exemple, la Turquie, signataire d’un ALE avec le Maroc et qui subventionne ses entreprises à l’export, livre une concurrence déloyale aux industriels marocains sur le marché local. «L’atteinte des objectifs escomptés à travers l’augmentation des droits d’importation nécessite plus de fermeté sur certaines importations issues des pays avec qui nous avons conclu un ALE», avertit l’homme politique, qui ne manque pas de souligner le caractère crucial de veiller au respect de la règle d’origine et des normes nationales, deux boucliers en faveur de l’industrie nationale.
Rappelons que le ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Économie verte et numérique ambitionne de substituer à moyen terme près de 43 Mds de dirhams d'importations par une production locale. Des Business plans équivalents à 22 Mds milliards de dirhams ont été élaborés et devraient être présentés aux investisseurs.