Haddad revoit la Vision 2020

Haddad revoit la Vision 2020

Lahcen HaddadPour 2015, le secteur touristique connaîtra une croissance entre 1 et 2,2%, soit très au-dessous des prévisions.

Le ministère du Tourisme est en phase d’élaborer une étude d’évaluation à mi-parcours pour revoir la Vision 2020 et la réajuster en fonction du contexte actuel.

Lahcen Haddad, ministre du Tourisme, dresse l’état des lieux de l’industrie touristique qui, certes, enregistre une baisse, mais reste assez mature pour renouer avec la croissance.

 

Finances News Hebdo : Le secteur enregistre une baisse de 1,5%; comment s’annonce l’année 2015 ? Et quelles sont les mesures à prendre pour redresser cette tendance baissière ?

Lahcen Haddad :  En effet, l’année 2015 connaît quelques difficultés, notamment avec le recul des marchés français et italien, qui sont compensés par une bonne croissance sur les marchés allemand et anglais; ce qui permet d’atteindre un certain équilibre. En 2015, le secteur ne progresse pas au même rythme des années 2013 et 2014. Cette baisse résulte de la frilosité des marchés émetteurs, à cause non seulement des évènements qu’a connus la région, mais aussi du fait de l’amalgame qui se fait par rapport à la destination Maroc.

Pour remédier à cette situation, nous avons entamé tout un plan d’action de communication. Nous avons certes été beaucoup plus agressifs sur les marchés qui connaissent une certaine turbulence, mais nous n’avons pas oublié les marchés qui émergent et qui sont en pleine croissance.

L’objectif de cette stratégie de communication est de diversifier les marchés afin de ne pas être dépendant d’un marché. 

Toutefois, je crois que nous allons finir l’année avec une légère croissance, entre 1 et 2,2%, alors qu’on prévoyait une croissance de 10%. L’évolution du secteur en 2015 sera à peu près comme celle de 2012.

F.N.H. : A ce rythme, pensez-vous que l’objectif d’atteindre les 20 millions de touristes à l’horizon 2020 est toujours réalisable, sachant que nous sommes à seulement 5 ans de l’échéance et que nous arrivons à peine à 10 millions de touristes ? 

L. H. : En 2010, nous avons envisagé de doubler la taille du secteur qui était de 9 millions de touristes. Nous sommes en train de mettre en place une étude d’évaluation à mi-parcours pour revoir la Vision 2020 et la réajuster en fonction du développement de la région et des mutations qu’a connues l’industrie.

Un document sera publié vers fin 2015 début 2016 pour dresser l’état d’avancement de cette Vision, les réajustements qui vont être apportés, mais aussi si oui ou non l’objectif des 18 millions de touristes va être maintenu. 

F.N.H. : Le Maroc a-t-il été trop optimiste ou trop ambitieux ? 

L. H. : Oui, le Maroc était optimiste, ce qui est tout à fait normal. Rappelons que pour beaucoup de personnes, l’objectif des 10 millions de touristes, annoncé en 2001, était plutôt un rêve. Cependant, il faut rêver pour oser se projeter dans l’avenir et oser créer cette vision. Il faut noter que lors de l’élaboration de la Vision 2020, nous ne pouvions pas envisager les événements survenus, à savoir le printemps arabe, Daech, les attaques de Charlie Hebdo, l’attentat du musée Bardo en Tunisie….

Sans oublier l’impact de la crise économique et financière sur les marchés émetteurs, notamment français.

Maintenant, au vu de ces facteurs qui sont exogènes mais importants, il faut revoir la stratégie et l’ajuster au contexte actuel. Je pense qu’il faut avoir des visions ambitieuses, mais il faut également ajuster quand il le faut et rectifier le tir.

F.N.H. : Malgré cette conjoncture défavorable, la Commission des investissements vient d’approuver 3 conventions d’investissement pour un montant de 6,2 Mds de DH. N’est-il pas risqué d’investir ce budget alors que la machine du tourisme est au ralenti et, surtout, en l’absence de visibilité par rapport au contexte géostratégique ? 

L. H. : Il est vrai que notre industrie traverse une zone de turbulences, mais cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas investir. Bien au contraire, la crise c’est le moment d’investir et de produire plus de capacité. Depuis 2001, le secteur touristique est dans une tendance haussière qui confirme la maturité de la destination Maroc.

A noter également que si le secteur n’a pas profité des retombées positives du printemps arabe, hormis qu’il y a eu amalgame, c’est dû au fait que nous n’avions pas une bonne capacité au niveau du balnéaire.

Il est évident que si les projets touristiques lancés, en l’occurrence Taghazout, Saïdia, Lixus et Al-Houara, étaient achevés, on aurait accueilli plus de touristes. Par ailleurs, les investisseurs touristiques ne se basent pas sur la conjoncture pour investir, mais plutôt sur les fondamentaux du pays. Et à ce propos, nos fondamentaux sont bons. Nous sommes un pays sécurisé, à proximité de l’Europe, avec un climat d’affaires qui s’améliore de plus en plus et qui devient un Etat de droit et de justice. D’ailleurs, cet investissement de 6,2 Mds de DH, approuvé aujourd’hui, et qui fait du secteur du tourisme le deuxième secteur à attirer de plus en plus d’investissements après l’énergie, témoigne de la confiance des investisseurs pour notre marché. 

Et c’est grâce à cette confiance que nous allons pouvoir augmenter notre capacité en 2016-2017; ce qui permettra à l’industrie touristique de faire un saut qualitatif et quantitatif.

F.N.H. : Pour revenir sur les projets touristiques que vous venez de citer, quel est leur état d’avancement ? 

L. H. : La première des choses que je dois souligner est que c’est maintenant que nous avons entamé des projets attendus depuis des années. C’est le cas du projet Taghazout Bay, bloqué depuis deux décennies, et qui n’a été mis sur les rails qu’à partir de 2012. Actuellement, la phase 1 du projet est déjà achevée, et dans deux ans, Taghazout Bay sera une station balnéaire en bonne et due forme. Idem pour Saïdia; nous y avons construit 3 hôtels, et la Commission des investissements vient d’approuver la réalisation d’un aquaparc (pour un investissement de 220 MDH) et deux hôtels additionnels pour renforcer la capacité et arriver à environ 8.000 lits.

Le projet de la station balnéaire Al-Houara (au Sud de Tanger) va également bon train, avec la construction de 3 hôtels qui seront achevés en 2016.

Pour la station touristique d'Oued Chbika (au Sud de Tan Tan), les investisseurs sont là et les travaux 

vont bientôt commencer.

Là où il y a un léger retard, c’est au niveau de la station Mogador (au Sud d’Essaouira). Pour débloquer la situation, j’ai fait une proposition aux investisseurs pour que l’Etat marocain donne un coup de fouet à cette station comme cela fut le cas pour Saïdia et Lixus.

F.N.H. : Où en est le chantier des agences de développement touristique ? 

L. H. : Nous travaillons pour définir les éventuels chevauchements par rapport à la nouvelle mouture de la régionalisation. Nous ne voulons pas créer des agences alors que le secteur du tourisme est également traité dans le cadre de cette régionalisation. Nous voulons avoir plus de visibilité pour mettre en place la solution la mieux adaptée.

F.N.H. : Votre département vient de présenter les résultats de l’enquête sur la demande et la satisfaction pour le Grand Casablanca. Quelle est la finalité de ces enquêtes de satisfaction auxquelles vous consacrez un budget de 6 MDH par an ? 

L. H. : Ces enquêtes, que nous réalisons 4 fois par trimestre, sont très utiles dans la mesure où elles nous renseignent aussi bien sur la demande que sur la satisfaction des touristes. Et le fait qu’il y ait une récurrence de ces enquêtes va nous permettre de mesurer les performances du secteur et d’entreprendre les actions adéquates.

Nous sommes à un taux de satisfaction entre 70 et 80%, et nous envisageons d’atteindre un taux de satisfaction de 90% en améliorant la qualité d’accueil, de service, de prestation et de l’environnement touristique; ce qui est primordial pour arriver à un niveau de qualité international.

 

Propos recueillis par L Boumahrou

 

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