- Un projet de loi, proposé à maintes reprises par le passé, refait surface.
- L’organe permettra de rationnaliser, contrôler et valoriser les terrains publics.
De par son importance dans le paysage socioéconomique national, le foncier de l’Etat ne cesse d’alimenter les débats. Il faut dire, qu’outre la multiplicité des statuts juridiques qui le régissent et la diversité des acteurs et des intervenants, sa gestion se caractérise par de nombreux dysfonctionnements.
Pour remédier à ces lacunes, un projet de loi pour la création d’une Agence de gestion du foncier de l’Etat a été récemment déposé au Parlement. Il s’agit d’une proposition du parti de l’Istiqlal visant à moderniser le système et le doter de moyens pour une bonne gouvernance.
Il faut rappeler que l’idée d’une telle agence ne date pas d’aujourd’hui. Elle a par le passé été été suggérée par deux précédents ministres en charge de l’Habitat et de l’Urbanisme, à savoir Said El Fassi et Mohamed El Yazghi. Actuellement, les perturbations qui secouent le secteur appellent une réforme de fond de toute urgence.
«Nous nous sommes inspirés du rapport présenté devant les Assises nationales de la politique foncière de l’Etat en 2015 qui a tiré la sonnette d’alarme. Ce document avait conclu que la gestion actuelle du patrimoine a montré ses limites. Malgré son importance, il ne peut plus s’acquitter convenablement de sa mission en matière de développement. Il faut penser à un nouveau système qui soit supervisé par un seul organe, en l’occurrence une agence, afin de lui assurer plus d’efficacité et un meilleur rendement», souligne Noureddine Mediane, président du groupe istiqlalien à la Chambre des représentants.
«La création d’une agence dédiée permettra d’abord de recenser le patrimoine foncier de l’Etat et de le délimiter, car le niveau d’immatriculation demeure insuffisant. C’est ce qui explique les cas de spoliation ou de mauvaise utilisation, dus essentiellement à des vides juridiques ou à des lois dépassées», ajoute Mediane.
En effet, plusieurs textes régissant le secteur souffrent de l’absence de décrets d’application et d’un manque de coordination entre les différents départements ministériels. Cette multiplicité des intervenants implique une interprétation des lois parfois divergente entre les administrations.
La mise à disposition de terrains publics ne suit pas la même procédure ni le même traitement, chaque administration faisant sa propre lecture des lois. Cela peut changer également d’une région à une autre, ou d’un service à l’autre.
Parmi les raisons invoquées par l’Istiqlal pour la création de cette agence, figure son rôle en matière de mobilisation foncière auprès des différents acteurs. En effet, force est de reconnaître que le foncier de l’Etat a toujours été un levier de développement. Certains grands projets d’envergure nationale (Tanger Med, usine de Renault à Tanger, Plan Azur, villes nouvelles) n’auraient pu voir le jour sans la mobilisation des terrains de l’Etat.
«Nous avons toujours milité pour une gestion active de ce foncier afin de le rendre accessible à des secteurs porteurs comme l’industrie, le tourisme, l’agriculture ou l’habitat. Nous avons constaté que certains départements jouissent de terrains qu’ils n’utilisent pas, alors que d’autres en ont besoin. Ce foncier ne doit pas être considéré comme un stock mais mobilisé pour des activités génératrices de valeur ajoutée», affirme le député.
Le projet de loi stipule que la future agence doit également avoir les compétences de propositions de textes de loi ainsi que les attributions pour ordonner des expropriations pour utilité publique. Outre son rôle en matière de contrôle, elle est censée faire un inventaire annuel du patrimoine de l’Etat.
Placé sous la tutelle de la Primature, son Conseil d’administration sera composé de plusieurs départements concernés, dont la Conservation foncière, les agences urbaines, la direction des domaines, et la direction des collectivités locales.
Même si le parti de l’Istiqlal a élaboré convenablement son projet de loi concernant les attributions et le mode de fonctionnement de cette agence, il est néanmoins utile de s’inspirer des expériences étrangères réussies. En France, par exemple, la direction des domaines dispose d’une base de données détaillée de tout le patrimoine de l’Etat. Elle est parfaitement outillée pour le superviser et le contrôler efficacement. Résultat : les mécanismes de mobilisation du foncier sont plus souples et moins impactés par la bureaucratie. ■
Des textes de lois désuets
Archaïques, les textes encadrant le foncier de l’Etat ne sont plus en adéquation avec l’environnement actuel. En effet, le dahir régissant le domaine public de l’Etat date du 1er juillet 1914 et celui du domaine privé, du 13 janvier 1916. Autant dire une éternité. Concernant le domaine forestier, c’est un dahir du 10 octobre 1917, et pour les terres collectives, c’est celui du 20 avril 1919.
L’existence de plusieurs statuts complique le contrôle et l’exploitation des ces propriétés dans les meilleures conditions. Le rôle de la future agence est justement d’actualiser ces textes et les mettre en adéquation avec leur environnement.
C. Jaidani