Lancé il y a 4 ans, le Programme national de généralisation et de développement du préscolaire laisse entrevoir les prémices d’une réforme durable et efficiente du système éducatif marocain.
Le gouvernement a mobilisé une enveloppe de 3 milliards de dirhams pour réussir ce projet ambitieux.
Par M. Boukhari & M. Ouaanna
“L’enseignement préscolaire constitue le socle à partir duquel toute réforme doit être initiée». C’est sur ces paroles adressées par le Roi Mohammed VI, à l’occasion de la Journée nationale sur l’enseignement préscolaire, qu’a été donné, le 18 juillet 2018 à Skhirat, le coup d’envoi du Programme national de généralisation et de développement du préscolaire (PNGDP).
Opérationnel depuis la rentrée scolaire 2018-2019, ce programme, qui s’étale sur une période de 10 ans, se fixe comme objectif principal d’atteindre un taux de préscolarisation de 100% à l’horizon 2027-2028, pour les enfants âgés de 4 et 5 ans. Le PNGDP ambitionne également d’intégrer le préscolaire dans l’enseignement obligatoire, d’améliorer sa qualité, de renforcer la formation initiale et continue au profit des éducateurs, de réhabiliter de manière progressive l’enseignement préscolaire traditionnel et d’intégrer, par la suite, les enfants âgés de 3 ans, après la généralisation de la tranche d’âge des 4-5 ans.
«Nous avons témoigné pendant des années sur un contexte historique marqué par la forte présence des établissements et des institutions archaïques et traditionnelles qui se basent essentiellement sur la mémorisation et l’apprentissage mémoriel des textes religieux. En réaction à cela, un ensemble de chercheurs ont mis en évidence la nécessité d’introduire l’éducation préscolaire en s’appuyant sur un cadre scientifique s’inspirant de différentes disciplines telles que la psychologie, la sociologie, le cognitivisme, le comportementalisme dans le but d’accompagner au mieux l’enfant dans son épanouissement, son apprentissage théorique et pratique et l’acquisition des différents soft skills», explique Mustapha Zizi, psychologue formateur, expert en ingénierie de formation des métiers éducatifs et sociaux.
Le chantier avance
Et d’ajouter : «Une éducation préscolaire de qualité repose sur l’éveil, l’éducation et l’apprentissage. Il est important d’avoir un enfant éveillé, conscient de ce qui se passe autour de lui. Vient ensuite l’éducation, où on va inculquer à ce dernier les différentes valeurs humaines, sociales et morales lui permettant de bien vivre en société, notamment à travers l’éducation civique, religieuse et l’éducation à l’environnement. Enfin, on trouve l’apprentissage des éléments de base essentiels à sa formation comme les pré-maths, la pré-lecture, la pré-écriture, le graphisme, en sus des éléments de l’éveil, à savoir les activités ludiques, les jeux, la psychomotricité, l’éducation physique, le théâtre, les arts plastiques».
Avec une enveloppe budgétaire de 3 milliards de dirhams, ledit programme prévoit la construction, d’ici 2028, d’environ 57.000 classes de crèche ainsi que la formation de plus de 55.000 éducateurs. Notons qu’en 2017, le Maroc comptait seulement 23.000 classes préscolaires, encadrées par quelque 36.000 enseignants. Aujourd’hui, le déploiement du PNGDP va bon train; les chiffres vont même audelà des espérances et laissent présager un bilan positif. Selon les dernières données dévoilées par le ministère de l’Education nationale, relatives à la troisième année de mise en œuvre de ce chantier royal, le taux de scolarisation au préscolaire au titre de l’année 2020- 2021 s’élève à 72,5%, un pourcentage qui dépasse de 5,5 points l’objectif de 67% initialement fixé par le gouvernement. Sachant qu’en 2017, le taux de scolarisation des enfants frôlait à peine les 45%.
«L’observateur averti de ce secteur peut facilement constater que l’éducation préscolaire a connu une longue période de léthargie où les chiffres, malgré toutes les bonnes intentions, ne dépassaient pas les 50% d’enfants fréquentant les institutions préscolaires, et ce pendant une longue période», constate Khaled El Andaloussi, professeur à l’Université Mohammed V de Rabat et à la Faculté des sciences de l’éducation, expert dans le domaine de la petite enfance et président-fondateur de l’association ATFALE. Et de poursuivre : «Depuis le lancement, en 2018, du Programme de généralisation de l’éducation préscolaire, les chiffres sont en constante évolution et l’échéance de 2028 sera certainement respectée. Aujourd’hui, le ministère de l’Education nationale, l’INDH et les partenaires comme la Fondation marocaine pour la promotion de l’enseignement préscolaire (FMPS) ou encore la Fondation Zakoura déploient de très grands efforts pour assurer une place à tous les enfants entre 4 et 6 ans. En 2021, le chiffre de la préscolarisation a atteint 72.5% et le ministre de l’Education nationale souhaite le porter à 79% pour l’année 2022».
Les ressources humaines, un maillon indispensable
Compte tenu des chiffres rendus publics par le ministère, 13.594 classes supplémentaires ont été créées au niveau national, de 2018 à 2021. Dans le détail, le total des classes est passé de 37.298 au titre de l’année scolaire 2017-2018 à 50.892 en 2020-2021. Pour ce qui est des ressources humaines, une moyenne de 16.000 éducateurs et éducatrices est formée annuellement, soit 14.229 en 2018-2019, 17.013 en 2019-2020 et 19.421 en 2020-2021.
«Depuis le lancement du programme national de généralisation du préscolaire, de nombreuses initiatives ont été prises pour accompagner ce programme sur plusieurs niveaux. Au niveau de la formation, des efforts ont été fournis par plusieurs acteurs, sous l’orientation du ministère de tutelle pour assurer la formation initiale des futurs éducateurs et la formation continue des anciens éducateurs. Certes, les efforts de ces acteurs ont abouti à des améliorations concrètes au niveau de la formation des ressources humaines. Cependant, des enjeux liés à la coordination entre les acteurs concernés persistent encore», estime Imane Hlatou, formatrice des métiers éducatifs et sociaux à l’OFPPT. Afin de réussir la généralisation du préscolaire, le gouvernement a mis en place une batterie de mesures, dont l’encadrement de la procédure d’octroi des aides financières aux associations chargées de la gestion des départements de l’enseignement primaire, agissant au sein des établissements publics, la réhabilitation des centres de formation, ainsi que l’augmentation du budget alloué à ce secteur.
De son côté, l’INDH, qui est dans sa troisième phase (2019-2023), fait du soutien au préscolaire un axe prioritaire du programme 4 de sa nouvelle phase, consacré à l’impulsion du capital humain des générations montantes. Ainsi, l’INDH prévoit la création dans le milieu rural, à l’horizon 2023, de 10.000 nouvelles unités préscolaires et la mise à niveau de 5.000 autres, déjà existantes.
«Un préscolaire de qualité repose sur plusieurs piliers. D’ailleurs, la qualité requiert des ressources humaines qualifiées, formées et motivées et des conditions de travail convenables. En plus, une offre préscolaire de qualité exige un cadre qui répond aux spécificités et besoins des enfants d’âge préscolaire, que ce soit en termes d’infrastructure, qui doit assurer toutes les conditions nécessaires pour un meilleur déroulement des apprentissages et l’épanouissement des enfants, ainsi que le programme pédagogique qui doit s’inscrire dans une perspective de développement des potentialités des enfants sur tous les niveaux cognitif, psychomoteur et socio-émotionnel, en se basant sur des méthodes pédagogiques modernes», conclut Imane Hlatou