Femmes rurales: un statut toujours défavorisé

Femmes rurales: un statut toujours défavorisé

Elles accusent un taux de déperdition scolaire élevé.

Leurs activités professionnelles sont peu valorisantes.

 

Par C. Jaidani

 

Les femmes rurales sont des personnes battantes, qui jouent un rôle socioéconomique important aussi bien dans leurs foyers qu’au niveau national. Elles travaillent dans l’ombre, le plus souvent dans l’exploitation familiale, sans aucune rémunération ni la moindre reconnaissance. En dépit des efforts déployés par l’Etat, leurs conditions de vie sont dures comparativement aux standards internationaux, impliquant de réels handicaps pour leur émancipation.

Selon le haut-commissariat au Plan (HCP), la population féminine rurale est estimée à 6,5 millions de femmes, représentant plus de 18% de la population nationale. 59,4% d’entre elles sont en âge d’activité (15-59 ans) contre 29,6% âgées de moins de 15 ans et 11% de 60 ans et plus. Elle est la plus vulnérable et la plus touchée par la précarité. Malgré les efforts déployés, les mauvaises conditions d’évolution de ces femmes sont le principal facteur qui pénalise le Maroc dans le classement mondial du développement humain.

En effet, elles sont victimes d’analphabétisme, de pauvreté et accusent le taux le plus élevé de mort-nées. Au niveau de l’enseignement, des améliorations majeures ont été apportées pour lutter contre la déperdition scolaire. Le taux de scolarisation dans le cycle primaire des jeunes filles rurales est passé de 45% en 2017 à près de 70% en 2020. Mais plusieurs contraintes limitent leur scolarité, comme le travail dans les champs, la sécurité et la pauvreté.

«Pour favoriser l’autonomie de la femme rurale, il faut d’abord commencer par l’amélioration de la scolarité des filles rurales, qui s’inscrivent dans les premières années de l’enseignement élémentaire et quittent souvent l’école dans les niveaux du collège et du lycée. Il est donc indispensable de repenser le système éducatif dans le milieu rural pour justement éviter le décrochage de ces jeunes filles qui, souvent, optent pour cette solution à cause de l’éloignement des établissements éducatifs», souligne la sociologue Soumaya Naâmane Guessous.

Le taux d’abandon dans le collège est quatre fois plus élevé chez les filles rurales que chez les citadines. Au niveau de l’emploi, les salaires et les tâches attribués aux femmes sont généralement en deçà de ce qui est alloué aux hommes. Lorsqu’elles travaillent pour le compte de la famille, elles ne sont pas rémunérées. D’ailleurs, elles sont les plus impactées par les effets pervers des crises, à l’image de la Covid-19 ou de la sécheresse qui a sévi pendant deux saisons.

«Les femmes rurales sont dans une situation plus dramatique que la femme citadine, puisque dans le monde rural, il n’y a pas un programme pour leur insertion dans des activités autres que l’agriculture. Les activités professionnelles restent peu valorisantes. Il faut penser avant tout à leur qualification pour qu’elles puissent trouver des moyens de s’en sortir et de générer un revenu suffisant, et ce en dépit des aléas climatiques», précise Guessous. Le taux de mortalité maternelle, autre indicateur révélateur, est élevé dans les campagnes. Il est de 111,1 pour 100.000 naissances alors qu’en ville, il chute à 44,6. 

 

Femmes soulalyates, une injustice qui n’a plus de sens
Si la femme citadine a pu se forger une place de choix dans la société, sa sœur rurale continue d’être victime d’un statut défavorisé. Déjà, en tant que jeune fille, elle est mal lotie comparativement à ses frères. L’exemple le plus frappant est celui des femmes «soulalyates» qui, sous le diktat d’un droit coutumier, sont interdites de bénéficier de l’héritage des terres dites «joumouaâ». Beaucoup de travail reste à faire dans ce domaine en vue de réduire la pénibilité de la femme rurale. Le gouvernement, le monde associatif et les citoyens sont appelés plus que jamais à faire évoluer cette situation à travers des décisions courageuses et volontaristes.

 

 

 

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