Expropriation pour utilité publique : une nouvelle réforme en cours pour pallier les limites de la loi 07-81

Expropriation pour utilité publique : une nouvelle réforme en cours pour pallier les limites de la loi 07-81

La valeur d’indemnisation faible et la procédure lente fortement décriées. Une nouvelle mouture est dans le pipe dans l’objectif de réduire au maximum les litiges avec les personnes concernées.

 

Par C. Jaidani

L'expropriation de biens immobiliers pour utilité publique est un processus par lequel l’Etat, les collectivités territoriales (CT) ou d’autres organismes désignés réquisitionnent des biens immobiliers pour la réalisation de projets d’intérêt public. Avec le renforcement des programmes de construction des infrastructures de base, le nombre de cas d’expropriation s’est multiplié, particulièrement pour des propriétés privées. La procédure lente et délicate et le niveau d’indemnisation faible, en deçà de la valeur réelle du marché, sont fortement pointés du doigt par les personnes concernées.

Lors de l’ouverture de la session parlementaire en 2016, le Roi Mohammed VI avait sévèrement critiqué l’administration pour son inefficacité, résumant ainsi la situation : «de nombreux citoyens se plaignent des affaires d’expropriation, soit parce que l’Etat ne les a pas indemnisés pour leurs biens, soit parce que l’opération d’indemnisation traîne pendant de longues années au préjudice de leurs intérêts généraux.

L’indemnisation doit se faire conformément aux tarifs en vigueur à la date d’exécution de ladite opération, avec une simplification des procédures d’obtention de ladite indemnisation. Le statut du terrain exproprié ne devrait pas être modifié par son affectation à des usages commerciaux ou sa cession à des fins de spéculation immobilière». Depuis cette date, le phénomène persiste et rien n’a été fait pour remédier aux différentes défaillances.

L’Union socialiste des forces populaires (USFP) a déposé en 2021 une proposition de loi à ce sujet à la Chambre des représentants. Cette mouture veut modifier les articles 6,10 et 23 de la loi 07-81. Il est question de revoir à la hausse le délai limite fixé pour les expropriés afin de s’enquérir de leurs dossiers. Actuellement, il est fixé à deux mois à partir de sa publication dans le Bulletin officiel.

Ce texte impose à l’Etat ou à la collectivité d’exproprier la totalité du bien immobilier lorsque la partie restante est inexploitable. Abderrahim Himadi, avocat au barreau de Casablanca spécialisé dans les affaires d’expropriation, ayant traité plusieurs affaires devant les tribunaux administratifs du Royaume, explique que «la loi 07-81 a besoin d’une profonde réforme pour qu’elle soit en adéquation avec l’environnement socioéconomique du Royaume. Le changement doit toucher le système d’indemnisation pour qu’il soit juste et équitable. Le plus souvent, le prix fixé est nettement en deçà du marché.

A cause des fausses déclarations fiscales, les prix établis par la commission d’évaluation sont en deçà de leurs prix réels. Dans le monde rural, ils ne prennent pas en considération l’inflation, les spécificités de chaque terrain comme la fertilité du sol, sa géographie, la proximité avec les voies de communication ou les réseaux d’eau et d’électricité», souligne Himadi. Il précise que «la procédure est compliquée et coûteuse. Les expropriés doivent demander une expertise, et parfois des contreexpertises.

Au final, la décision de justice prononce la hausse de l’indemnisation sans pour autant atteindre la valeur réelle du marché. Mais pour l’exécuter, c’est une autre étape plus délicate qui commence. Parfois, l’administration refuse d’exécuter le jugement». Actuellement, le ministère de l’Équipement et de l’Eau travaille en partenariat avec celui de l’Economie et des Finances, pour élaborer une nouvelle loi plus juste et plus équitable au niveau du système d’expropriation. L’objectif est de réduire au maximum les litiges et limiter le nombre d’oppositions. De nombreux projets ont pris du retard à cause de différends avec les expropriés. Ce fut le cas du projet du TGV Tanger-Casablanca, dont l’inauguration, prévue initialement en 2015, n'a été effective qu’en 2018. 

 

 

 

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