Évènementiel sportif : «Les MRE représentent une richesse sous-exploitée»

Évènementiel sportif : «Les MRE représentent une richesse sous-exploitée»

Fahd El Khalil, expert en événementiel et chef de projet chez GL Events, groupe organisateur des Jeux olympiques 2024 à Paris, revient pour Finances News Hebdo sur les opportunités qu’off re la mobilisation des talents des Marocains résidant à l’étranger (MRE) dans l’organisation de grandes compétitions internationales, notamment la CAN 2025 et la Coupe du monde 2030, et sur les leçons tirées des Jeux olympiques 2024 à Paris. Entretien.

Finances News Hebdo : Votre rôle dans l’organisation des JO 2024 à Paris vous a permis de collaborer avec des experts du monde entier. Comment cette expérience a-t-elle enrichi votre vision professionnelle pour des événements comme la CAN 2025 ou la Coupe du monde 2030 au Maroc ?

Fahd El Khalil : Mon expérience aux JO 2024 a été une immersion dans la gestion d’un événement d’une envergure exceptionnelle. La coordination entre des milliers d’acteurs, la planification minutieuse et l’anticipation des imprévus, comme des aléas météorologiques ou des changements de dernière minute, ont été des défis majeurs. Ces compétences sont directement applicables à des événements comme la CAN ou la Coupe du monde, où la pression logistique et les attentes sont tout aussi élevées. Mais ce qui m’a le plus marqué, c’est l’importance d’unir des expertises diverses pour garantir une organisation fluide et mémorable.

 

F. N. H. : En parlant d’expertises, beaucoup de Marocains résidant à l’étranger ont également travaillé sur des projets similaires à l’international. Pensez-vous que ces talents pourraient jouer un rôle dans l’organisation de ces échéances sportives ?

F. E. K. : Absolument, les MRE représentent une richesse sous-exploitée dans ce domaine. Certains d’entre eux occupent des postes clés dans l’événementiel mondial, que ce soit dans des agences spécialisées ou directement auprès de fédérations sportives. Par exemple, j’ai eu l’occasion de collaborer avec un Marocain résidant en France qui était impliqué dans la logistique des fans zones pour l’Euro 2016. Ces talents pourraient non seulement partager leur expertise avec les équipes locales, mais aussi apporter une vision internationale, des méthodologies éprouvées et une maîtrise des standards mondiaux. Pour maximiser cet atout, le Maroc pourrait organiser des initiatives comme des workshops ou des projets collaboratifs entre ces talents et les responsables locaux. Cela permettrait de combiner le savoir-faire global avec la connaissance du terrain, et créer ainsi une dynamique particulièrement efficace.

 

F. N. H. : Selon vous, quelles leçons tirées de cette expérience pourraient être appliquées à l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations 2025 et de la Coupe du monde 2030 au Maroc ?

F. E. K. : L’expérience des JO 2024 nous a enseigné l’importance d’une planification méticuleuse et d’une collaboration étroite entre les parties prenantes. À Paris, nous avons dû gérer 35 sites répartis sur toute l’Île-de-France, avec des infrastructures temporaires qui devaient être démontées dans des délais record. Pour le Maroc, la clé sera d’adopter une stratégie similaire : investir dans des infrastructures modulaires et réutilisables, notamment pour les stades secondaires et les installations d’entraînement. De plus, nous avons appris que l’engagement communautaire est essentiel : 80% des Parisiens étaient favorables aux JO, grâce à des programmes de sensibilisation et d’implication locale. Pour la CAN 2025 et la Coupe du monde 2030, des campagnes similaires seraient bénéfiques pour fédérer les Marocains autour de ces événements.

 

F. N. H. : Le Maroc a accueilli de nombreux événements sportifs internationaux ces dernières années. D’après vous, quels sont les forces et les défis du pays en termes d’organisation événementielle ?

F. E. K. : Le Maroc bénéficie d’une position stratégique et d’une infrastructure de transport en plein essor, notamment avec le TGV reliant Tanger à Casablanca. Ses installations sportives, comme le complexe sportif Moulay Abdellah à Rabat ou le Grand Stade de Marrakech, répondent aux normes internationales, pour ne citer que ceux-ci. Mais sans doute il reste des défis à relever. Par exemple, la gestion de la logistique pour des événements multisites nécessite une optimisation des connexions internes, notamment pour les régions plus enclavées. Par ailleurs, le Maroc doit renforcer sa capacité d’hébergement, surtout dans les villes secondaires. La CAN 2025 pourrait être un excellent test pour identifier et combler ces lacunes avant 2030.

 

F. N. H. : Les grandes compétitions sportives internationales ont un impact sur l’image des pays hôtes. Comment le Maroc pourrait-il maximiser les retombées positives de ces événements pour améliorer sa visibilité et son attractivité à l’international ?

F. E. K. : Effectivement, ces événements sont une opportunité unique de raconter une histoire. Lors des JO 2024, nous avons mis en avant la durabilité et l’inclusion. Le Maroc pourrait adopter une approche similaire, en mettant en avant son patrimoine culturel et son engagement envers des valeurs universelles comme la durabilité. Par exemple, investir dans des stades écoresponsables et promouvoir l’artisanat marocain dans les espaces événementiels offrirait une visibilité mondiale. En termes de chiffres, on estime que chaque pays hôte de la Coupe du monde bénéficie d’une couverture médiatique équivalente à plusieurs milliards de dollars. Le Maroc devra maximiser ces retombées en investissant dans une stratégie de communication bien pensée, qui va audelà du sport pour inclure le tourisme et les opportunités d’investissement. Notre pays doit également s’appuyer sur ses partenariats internationaux. La récente collaboration avec la FIFA pour la Coupe du monde des clubs en est un bon exemple. En s’associant à des leaders de l’industrie événementielle, le pays peut s’assurer d’être au niveau des standards internationaux. Sur le plan technique, des outils de gestion avancés comme les plateformes numériques pour le suivi des flux de spectateurs ou des systèmes de gestion de la sécurité devront être intégrés. À titre d’exemple, les JO de Paris ont utilisé un système d’intelligence artificielle pour optimiser le transport des spectateurs, réduisant ainsi les délais de 20%. Ces innovations pourraient être adaptées au Maroc pour garantir une expérience fluide.

 

F. N. H. : Au-delà de l’organisation en elle-même, quels sont selon vous les avantages économiques et sociaux à long terme pour le Maroc d’accueillir des manifestations sportives d’une telle ampleur ?

F. E. K. : L’impact économique est indéniable. D’après une étude Deloitte, les retombées directes d’une Coupe du monde peuvent atteindre 5 à 6 milliards de dollars, avec un impact à long terme sur le tourisme. Le Maroc peut espérer une augmentation de 20 à 30% des arrivées touristiques après 2030, en capitalisant sur les infrastructures et la visibilité médiatique. Socialement, ces événements renforcent le sentiment d’appartenance nationale et inspirent la jeunesse. L’impact est aussi structurel : les améliorations dans les transports ou l’hôtellerie bénéficieront à l’économie bien après les événements.

 

F. N. H. : L’organisation d’événements d’envergure repose souvent sur une collaboration entre acteurs publics et privés. Quel rôle les entreprises marocaines et internationales peuvent-elles jouer pour garantir le succès de la CAN 2025 et de la Coupe du monde 2030 ?

F. E. K. : Justement, les entreprises marocaines doivent être mises à contribution pour fournir des services adaptés aux besoins locaux, qu’il s’agisse d’équipementiers ou de services d’accueil. Les entreprises internationales, quant à elles, apporteront leur expertise dans des domaines spécifiques, comme la gestion des flux ou la billetterie. Une approche gagnant-gagnant pourrait être adoptée: des joint-ventures qui permettent aux entreprises marocaines d’acquérir des compétences techniques tout en bénéficiant du savoir-faire international. Par exemple, GL Events travaille souvent avec des partenaires locaux pour intégrer des solutions adaptées aux réalités des territoires hôtes.

 

 

 

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