ENTRETIEN : «Nous avons besoin d’activer le secteur judiciaire»

 ENTRETIEN : «Nous avons besoin d’activer le secteur judiciaire»

Houria Tazi Sadeq2Pour la mise en œuvre de l’Accord de Paris, il faut assurer l’effectivité et la mise en œuvre des textes ainsi que renforcer le contrôle judiciaire.

Le Maroc doit être représenté dans les mécanismes qui vont être créés pour la mise en place de l’Accord de Paris au niveau international pour que nos intérêts soient pris en considération.

Houria Tazi Sadeq, avocate et présidente de l'Alliance marocaine pour l'eau (COALMA), revient sur le rôle du dispositif juridique dans l’application de l’Accord.

Finances News Hebdo: En ratifiant l’Accord de Paris, le Maroc s’engage à sa mise en œuvre. Notre pays est-il préparé sur le plan juridique et réglementaire pour l’application de cet Accord et la mise en œuvre des INDC ?

Houria Tazi Sadeq: Depuis quelques années, le Maroc a mis en place un cadre réglementaire avec l’adoption de plusieurs lois et réformes, notamment la réforme du secteur énergétique, la réforme législative du texte sur l’eau, la loi sur le développement durable ainsi qu’une série de textes juridiques et une réforme institutionnelle. L’entrée en vigueur de l’Accord va donc s’appuyer sur ces textes existants, mais il va falloir compléter cet arsenal juridique. Pour ce faire, nous aurons besoin de deux choses. D’abord, travailler davantage pour garantir l’effectivité des textes. Nous avons besoin d’activer le secteur judiciaire parce que quand les lois sont parfois lacunaires ou mal comprises, c’est le juge qui finit par trancher. Nous avons donc besoin de jurisprudence dans ce domaine. Ensuite, le Maroc doit être représenté dans les mécanismes qui vont être créés pour la mise en place de l’Accord de Paris au niveau international pour que notre voix, celle de nos intérêts, mais aussi du continent africain, soit prise en considération.

Je donne l’exemple des INDC, la question de l’eau qui est prioritaire pour notre continent n’a jamais fait partie de l’agenda des COP jusqu’à la COP21. Il y a déjà une base, nous ne partons pas de rien, mais nous devons assurer l’effectivité et la mise en œuvre des textes ainsi que le renforcement du contrôle judiciaire.

F.N.H.: L’inapplication des textes, notamment dans ce domaine, est une cause de préoccupation. Comment expliquez-vous le retard enregistré ?    

H. T. S.: Il faut dire que parfois c’est difficile. Les données scientifiques n’existant pas, font que l’adoption des textes d’application et l’application des lois prennent plus de temps.

Il y a plusieurs raisons qui ne sont pas l’effet de laxisme. Mais il n’empêche qu’il faut activer la machine. C’est dommage que nos lois, qui ne sont pas mauvaises, ne trouvent pas application.

Aussi, il y a une chose fondamentale qu’il faut comprendre. Dans ce domaine, ce n’est pas uniquement l’administration centrale qui va pouvoir passer à l’application. La question aujourd’hui est de savoir comment intégrer toutes les parties prenantes et comment sensibiliser tous les Marocains pour pouvoir passer à l’action après Marrakech ? C’est une question qui devrait inciter à trouver les moyens d’impliquer tout le monde.

F.N.H.: L’inapplication des lois existantes pourrait-elle dissuader les investisseurs à venir investir au Maroc dans les domaines de la gestion des déchets par exemple ou de l’efficacité énergétique ?  

H. T. S. : La question ne se pose pas en ces termes, puisque les investisseurs sont déjà là et investissent dans les domaines liés à l’économie verte. C’est plutôt est-ce que les investissements sont suffisants et est-ce qu’on ne peut pas prétendre à plus ? Accélérer la mise en application de notre arsenal juridique permettra avant tout d’améliorer notre qualité de vie et attirer les investisseurs. L’état actuel de nos rues atteint notre santé. Ce sont ces éléments-là qu’il faut expliquer, pour sensibiliser et faire de la pédagogie auprès des gens qui ne sont pas forcément de mauvaise foi, mais qui, par ignorance, ne connaissent pas les risques.

F.N.H.: Vous êtes également présidente de la Coalition marocaine de l’eau ; comment va se traduire votre participation à la COP22 ? Qu’attendez-vous concrètement de cette COP dite de l’action ?    

H. T. S.: Effectivement, nous sommes présents à la COP pour organiser un side-event sur la question de l’eau, non pas uniquement au niveau national, mais continental. Nous allons également faire partager une déclaration que nous avons préparée et qui sera complétée par les participants pour donner à cette Coalition un caractère international. Notre principale revendication lors de cette COP est que l’eau doit être pérennement prioritaire.

Propos recueillis par L. Boumahrou

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