Karim Cheikh a récemment pris les commandes du Gimas, le Groupement des industries marocaines aéronautiques et spatiales.
Dans cet entretien, il revient sur la participation marocaine à cet évènement incontournable du secteur aéronautique. Il expose aussi les grandes lignes de son mandat : montée en gamme du secteur, encouragement des PME-PMI et rapprochement avec les autres fédérations sectorielles.
Finances News Hebdo : Dans quel cadre s’inscrit la participation du Gimas dans cette grand-messe de l’aéronautique qu’est l’Aeromart Toulouse 2016 ?
Karim Cheikh : C’est notre deuxième participation à cet évènement mondialement connu qu’est l’Aeromart Toulouse. Nous y participons avec notre partenaire Maroc Export, qui promeut toutes les activités industrielles du Maroc, et en particulier le secteur aéronautique. L’Aeromart Toulouse draine beaucoup de monde. Cela nous permet de rencontrer nos prospects et clients, et également d’être à niveau en ce qui concerne les évolutions technologiques que connaît le secteur. Cette année, nous avons amené avec nous 14 sociétés membres du Gimas qui, comme vous le savez, compte 120 membres représentant 12.000 employés pour un chiffre d’affaires à l’export de près d’1 milliard de dollars.
Nous sommes organisés en quatre écosystèmes (assemblage, ingénierie, câblage et maintenance) et avons signé un contrat-programme avec le ministère de l’Industrie dans le cadre du Plan d’accélération industrielle. Cela nous encourage à développer davantage le secteur de l’aéronautique.
F.N.H. : Comment la participation des entreprises marocaines à ces missions a-t-elle évolué ces dernières années ? K. Ch. : Lors de notre première participation à l’Aeromart de Toulouse en 2014, seules trois entreprises nous avaient accompagné. Aujourd’hui, il y en a 14, et je pense que cela va aller crescendo pour les prochains évènements. La semaine prochaine, nous partons pour Kuala Lampur, en Malaisie. C’est une région que nous couvrons peu pour le moment, nous y allons donc pour faire la promotion de notre secteur en Asie.
F.N.H. : Près d’un an après leur lancement, comment se portent les écosystèmes aéronautiques ?
K. Ch. : Sur les quatre écosystèmes, sans parler de celui de Boeing qui a été rajouté récemment, je peux dire que l’écosystème «manufacturing», c’est-à-dire tout ce qui est usinage, mécanique, assemblage, etc. marche très bien, et a toujours bien marché d’ailleurs. Aujourd’hui, les deux écosystèmes sur lesquels nous travaillons d’arrache-pied sont les écosystèmes «ingénierie» et «MRO» (maintenance). Certaines des entreprises qui nous accompagnent évoluent dans cette filière, telles que Engima, NTS ou encore Nexeya. Ce sont deux écosystèmes pour lesquels nous avons beaucoup de travail à faire, et pour lesquels nous préparons déjà une offre compétitive et de la main-d’œuvre qualifiée. Nous avons l’Institut des métiers de l’aéronautique à Nouacer qui forme beaucoup de techniciens. Les orientations sont de maintenir et faire croître les écosystèmes qui fonctionnent bien et mettre le paquet sur les deux autres pour les faire émerger.
F.N.H. : En mettant le paquet sur l’ingénierie et la maintenance, vous encouragez des métiers à forte valeur ajoutée. Le secteur aéronautique marocain monte-t-il donc en gamme ?
K. Ch. : Absolument. Pour vous schématiser le processus, nous avions au départ une phase 1 de l’aéronautique au Maroc, avec une activité de sous-traitance et l’installation de grands groupes. Cette phase a duré quinze ans. Désormais, nous attaquons une nouvelle ère qui correspond à une montée en niveau. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons développer de nouveaux métiers sur lesquels nous ne sommes pas encore fortement présents, comme les activités d’ingénierie et de maintenance.
F.N.H. : Quelles sont les spécificités du secteur aéronautique qui le rendent si exigeant ?
K. Ch. : Le secteur de l’aéronautique est le seul qui possède un carnet de commandes plein à craquer, parce que d’ici 2035 il faudra fabriquer dans le monde près de 40.000 nouveaux avions. Il faut donc s’y préparer. Nous évoluons dans un secteur porteur, mais le niveau d’exigence est tellement élevé qu’il faut être à la hauteur. Chaque secteur a ses spécificités, et pour l’aéronautique c’est la qualité, le délai de livraison et la sécurité. Ce sont des paramètres qui sont primordiaux et nous n’avons pas droit à l’erreur. Nous avons toujours eu un logiciel qui fonctionnait bien, aujourd’hui nous devons procéder à un «upgrade» de ce logiciel, et sans bug. En aéronautique, si vous buggez une fois, c’est terminé pour vous.
F.N.H. : Il s’agit de votre première mission en tant que président du Gimas. Peut-on avoir une idée des grandes lignes de votre mandat ?
K. Ch. : Tout d’abord, je précise que j’ai toujours participé à ce genre d’évènements avec Maroc Export lors de mes deux mandats de Secrétaire général du Gimas. Je participe désormais modestement au pilotage de ce Groupement que je connais depuis de longues années. Concernant ma vision des choses, il me semble qu’il y a deux volets importants, au-delà de la montée en gamme que nous venons d’évoquer, sur lesquels nous allons mettre davantage l’accent : il s’agit, d’une part, des PME-PMI. C’est bien d’avoir des locomotives, encore faut-il aussi avoir un tissu de PME-PMI qui fait monter le secteur. D’autre part, j’appelle de mes vœux à ce que les fédérations se rapprochent. En milieu industriel, nous n’évoluons pas tout seul. Il y a le secteur automobile, la mécanique, la métallurgie, le ferroviaire, etc. Mon souhait est de développer les synergies entre fédérations, pour qu’il n’y ait pas de déperdition d’énergie. Il y a des choses qui marchent dans l’aéronautique qui sont valables pour l’automobile, et vice-versa. Les synergies sont énormes à trouver.