Contrairement à l’Amérique latine, dans le continent africain trois pays (Maroc, Nigéria et Afrique du Sud) disposent d’institutions financières solides.
Pour un meilleur ancrage du Sud à la globalisation, les gouvernements ont un rôle important à jouer afin d'aider leur pays à mener à bien leur stratégie de développement. L’exemple du Maroc est très révélateur. Le point avec Bouchra Rahmouni-Benhida, Senior Fellow ISS Al Akhawayn University.
Finances News Hebdo : Il s’agit de la 5ème édition des Dialogues Atlantiques. Quelle est la portée de l’organisation de cet événement d’envergure et comment se démarque-t-elle des éditions précédentes ?
Bouchra Rahmouni-Benhida : Dans les autres éditions, il était question de dresser les états des lieux de la situation en Atlantique Sud. Cette édition se caractérise par un focus sur l’aspect transition, ou plutôt comment changer les mentalités au niveau de l’Atlantique Sud.
F.N.H. : En tant qu’experte en matière de géopolitique, percevez-vous vraiment cette transition dont on parle aujourd’hui ?
B. R-B. : A travers mon centre d’intérêt, à savoir la géopolitique de la finance, on constate effectivement que de plus en plus de pays de la région Sud-atlantique sont de plus en plus visibles, et dans la course. Leurs institutions font même du coude-à-coude avec de grandes institutions financières des pays développés. Lorsque nous comparons le paysage bancaire en Afrique avec celui en Amérique latine, on remarque qu’en Afrique, nous avons trois pays qui ont une grande visibilité dans le domaine de la finance, à savoir le Maroc, le Nigéria et l’Afrique du Sud qui montent dans le classement en termes d’institutions financières. En ce qui concerne l’Amérique latine, on peut dire que seul le Brésil, qui est fort économiquement et fait partie des BRICs, est bien classé. Le Mexique n’est pas très visible sur le plan de la finance régionale, étant donné que toutes les institutions sont des filiales de banques étrangères (les deux premières sont des filiales de banques espagnoles et la troisième d’une banque américaine). L’Argentine, avec toute la crise qu’elle a connue, a dû faire avec les fonds vautours, ce qui fait d’elle un pays hors-compétition. Maintenant, le nouveau président de l’Argentine, Mauricio Macri, s’est entouré d’une équipe qui va l’aider à faire gagner le pays en visibilité et en crédibilité en matière de finance.
F.N.H. : La chute des prix du baril de pétrole a fortement impacté les fonds souverains de certains pays du sud-atlantique. Comment cela s’est-il produit ?
B. R-B. : Si l’on prend l’exemple du Nigéria, le pays a dû puiser dans son fonds souverain pour faire face à la chute du prix du pétrole. Je peux même dire que les fonds souverains dans le sud de l’Atlantique n’ont pas les reins solides comme ceux émiratis, chinois, quataris… pour jouer ce rôle qui va au-delà d’un positionnement financier. A savoir un rôle où ils peuvent avoir des intérêts stratégiques dans des pays. Donc, ils n’ont pas encore cette solidité, cet ancrage qui leur permet d’aboutir à des fins géopolitiques dans ces pays.
F.N.H. : Quelle est la marge de manœuvre dont disposent les pouvoirs publics des pays de la région Sud-Atlantique pour les aider à mener à bien leurs stratégies de développement ?
B. R-B. : Je peux donner l’exemple de ce que fait notre Souverain en matière de diplomatie économique en Afrique. Pour y arriver, il faut avoir une vision claire, précise et honnête comme celle du Maroc. Parce que nous ne pouvons pas leurrer les gens et les duper. C’est dire qu’il faut faire de la diplomatie économique en ayant des objectifs bien précis. Pourquoi le Maroc se distingue-t-il ? Parce que justement, il a initié une coopération Sud-Sud agissante et performante qui vise le codéveloppement, la co-émergence et la co-création. Donc, automatiquement, cela lui donne une grande légitimité sur la scène africaine de façon à devenir un acteur principal, essentiel pour construire la nouvelle Afrique.
F.N.H. : Comme vous avez pu le remarquer certainement, l’élection de Trump taraude tous les esprits. D’après-vous, quel pourrait être l’impact de Trump, nouveau locataire de la Maison-Blanche, sur le continent africain et, surtout, sur la coopération Sud-Sud ?
B. R-B. : C’est vrai que Trump ne prône pas de globalisation, pas d’ouverture, pas de diversité… Par contre, il est en train d’opérer un rapprochement avec la Russie. Ce qui peut avoir un effet bénéfique parce que pour une fois, le monde pourra se mettre d’accord et on n’aura pas deux clans où chacun tire de son côté. e sans Afrique.