Abdelaziz Alaoui, président de la Caisse mutualiste interprofessionnelle marocaine (CMIM)
Finances News Hebdo : Cela fait plus de 6 ans que vous militez pour la santé et la sécurité au travail. Qu’est-ce qui a changé au cours des ces années ? Les chefs d'entreprises ont-ils pris enfin conscience de son importance ?
Abdelaziz Alaoui : En ce qui concerne les entreprises adhérentes à la CMIM, l’enquête menée pour mesurer l’évolution de la conscience des dirigeants sur la prévention, la santé et le bien-être au travail, sur les risques psycho-sociaux, a révélé qu’il y a une évolution. Ce qui n’est pas le cas pour les autres secteurs où le sujet de la santé et de la sécurité au travail reste à développer. C’est pour cela que nous voulons transmettre un message aux dirigeants et aux «capitalistes» qui investissent dans ce pays : «bien sûr il faut gagner de l’argent, mais pour mieux gagner de l’argent, il faut prendre soin de la santé de vos salariés». Parce que la réalité est qu’il y a une relation directe entre le bonheur, le bien-être et la santé au travail de l’employé et la performance de l’entreprise. Un employé qui se sent bien dans son environnement de travail est un employé plus productif et plus performant.
F.N.H. : Les accidents du travail et les maladies professionnelles continuent d’être un sujet sensible pour les employeurs. Pouvons-nous avoir une idée sur l"évolution de cet indicateur ?
A. A. : C’est le sujet que nous avons traité dans l’édition précédente au cours de laquelle nous avions décidé avec l’Union marocaine du travail (UMT) de créer un Observatoire de la Santé et la sécurité au travail. Etant donné que les autorités concernées ne se pressaient pas de le mettre en place. Certes, il y a des statistiques qui sont données par les entreprises structurées, qui ont une responsabilité sociale et sociétale et qui communiquent sur ces chiffres. Toutefois, il est important de disposer de chiffres sur le secteur de l’informel qui représente la grande majorité du tissu économique marocain. Nous savons qu’il y a beaucoup d’accidents de travail et de maladies professionnelles dans ce secteur, vu la précarité et les conditions de travail. C’est pour cela que nous lançons un appel, une fois de plus, aux autorités pour créer ensemble cet Observatoire qui est nécessaire pour suivre l’évolution de ces risques.
F.N.H. : Dans quelle mesure ces risques impactent-ils votre activité ?
A. A. : Dans le statut juridique des mutuelles, nous ne nous occupons pas de la prévention, et surtout pas des accidents du travail. Malheureusement, certaines entreprises non seulement ne déclarent ni les accidents du travail ni les maladies professionnelles, mais les font acter en maladies «normales» que nous remboursons.
F.N.H. : La réglementation marocaine est-elle favorable à la généralisation de cette prise de conscience ?
A. A. : Vous touchez un sujet d’actualité d’une extrême importance. Comme vous le savez, il y a un Code de la mutualité qui a été adopté à notre grand regret. Prenons l’exemple de la France et de la Belgique, la mutualité est une base très solide dans le cadre de la protection contre les risques maladies. Aujourd’hui, avec ce texte qui interdit d’avoir des centres de santé (qui ne rendent service qu’à 3% des bénéficiaires au niveau de la mutualité), nous sommes en train de réduire les mutuelles à de simples prestataires de remboursement des frais médicaux et encore. Je vais être optimiste et dire que nous allons attendre la constitution du nouveau gouvernement, et en tant que coordonateur des mutuelles, nous comptons rencontrer le Chef du gouvernement, car nous sommes persuadés que lui aussi n’a pas bien saisi la portée de cette loi.