ENTRETIEN : «L’étau va se resserrer davantage»

ENTRETIEN : «L’étau va se resserrer  davantage»

RACHID SEDDIK

Dans un contexte où l’actualité est dominée par plusieurs affaires fiscales, Rachid Seddik Seghir, expert-comptable, revient sur les paramètres-clefs permettant aux entreprises d’éviter les fâcheuses conséquences du redressement fiscal.

Finances News Hebdo : On assiste ces derniers temps à des redressements fiscaux de grandes sociétés, (OCP, Saham, BMCE). Cette situation est-elle rassurante pour les opérateurs privés ?

Rachid Seddik Seghir : J’avoue que je ne connais pas les dossiers dans le détail, en dehors de ce qui se dit au niveau de la presse. Et sur ce plan, il est toujours dit que le diable est dans le détail. Personnellement, je pense que la vérification fiscale est une prérogative tout à fait normale dans un système où la déclaration spontanée est prédominante. C’est une conséquence évidente du nouveau système fiscal marocain après la réforme fiscale des années 80 qui a consacré cette nouvelle politique. L'objet est de permettre à l’administration de se consacrer à son rôle principal qui est le contrôle des déclarations pour lesquelles le contribuable devient entièrement responsable. L’entreprise, quelle que soit sa taille ou sa dimension, devrait en principe intégrer le risque fiscal en tant que paramètre important à gérer à travers des procédures et sécurités à mettre en place à l’image de tous les autres domaines. De même, il ne faut pas oublier non plus que l’entreprise dispose également de garanties importantes qui sont consacrées par des règles et procédures permettant au contribuable de se défendre et d’être traité sur un même pied d’égalité que l’administration. C’est plutôt en termes de management du risque fiscal que l’entreprise doit aujourd’hui se renforcer pour ne pas subir les aléas de survenance effective du risque fiscal qui plane sur elle et qui peut la handicaper lourdement. La formule d’audit fiscal apporte une sécurité évidente puisqu’elle permet d’anticiper les risques fiscaux, les évaluer et mettre en place les mesures nécessaires pour les anéantir. Une chose est certaine, c’est à l’entreprise de s’organiser pour gérer convenablement son risque fiscal et le ramener à des niveaux supportables. L’administration, de son côté, renforce ses moyens humains et matériels pour mieux s’acquitter de sa principale fonction.

Donc, l’étau continuera à se resserrer davantage en espérant que la pression fiscale, puisse être répartie de manière équitable en élargissant l’assiette fiscale permettant ainsi une réduction de la charge fiscale.

F.N.H. : Des sommes faramineuses sont en jeu. Par exemple, le redressement fiscal de l'OCP se chiffrerait à 950 MDH. Cela veut-il dire réellement que l'Office va payer ce montant au Fisc ou a-t-il la possibilité de négocier avec la DGI ?

R. S. S. : Je ne connais pas le dossier dans le détail pour pouvoir me prononcer. Mais, dans l’absolu, ce qui est certain, c’est que le contrôleur et le contrôlé sont susceptibles de se tromper puisqu’ils sont tout simplement des êtres humains. Donc, quand on est dans son droit, on a la possibilité de se défendre. Cela est d’autant plus facile pour une grande entreprise que pour une petite entreprise qui ne peut pas se permettre de se payer des services de prestataires performants pour l’accompagner. Certes, le droit fiscal comporte des imprécisions qui sont porteuses de risque fiscal ; certaines situations subies par l’entreprise peuvent l’exposer à des risques d’interprétation, mais le fait que le contribuable dispose de garanties consacrées par la loi et qu’il peut également anticiper ces situations font que son risque demeure dans l’absolu maîtrisable.

F.N.H. : Enfin, en tant qu'expert et professionnel, que conseillerez-vous aux opérateurs pour éviter les désagréments inhérents au redressement fiscal ?

R. S. S. : La fiscalité est omniprésente et envahissante. C’est une discipline qui bouge et qui est difficile à assimiler par les opérateurs économiques. Le risque d’erreur volontaire et involontaire est très grand et les conséquences sont très souvent lourdes, dans un contexte où la tentation pour l’optimisation fiscale est également très présente et où la frontière entre optimisation et évasion fiscale n’est pas facile à tracer. La règle fiscale est généralement connectée à d’autres disciplines tels le droit, la finance, la gestion de l’entreprise, la gestion de la production, etc. Elle est présente partout et se manifeste à plusieurs niveaux. D’où l’impérieuse nécessité d’intégrer la gestion du paramètre fiscal en tant qu’élément important à travers la revue périodique, par un professionnel indépendant et compétent, de la situation fiscale de l’entreprise en vue d’apprécier sa régularité et d’évaluer les conséquences des irrégularités en cas de survenance d’un risque fiscal. L’entreprise doit également attacher une grande importance à la mobilisation des possibilités offertes par la loi pour optimiser sa charge fiscale, sans pour autant enfreindre la loi ou s’exposer à des risques démesurés qui peuvent l’anéantir considérablement ou définitivement. De même, et en cas de contrôle fiscal, une entreprise bien encadrée tirera mieux son épingle du jeu qu’une entreprise laisséepour-compte. Le rôle d’un professionnel alliant la maîtrise de la comptabilité, du droit fiscal et des autres disciplines et disposant de qualités pédagogiques est déterminant pour dépasser cette épreuve difficile pour l’entreprise. En définitive, le rôle du professionnel est déterminant à plusieurs niveaux : prévenir, accompagner et guérir.

Propos recueillis par M. Diao

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