L’Etat vient de déployer un ambitieux programme de soutien doté de 13 milliards de dirhams. Subventions ciblées, aides à l’aliment de bétail et annulation partielle des dettes visent à soulager les petits éleveurs et relancer la reconstitution du cheptel national.
Par C. Jaidani
Devant une conjoncture difficile marquée par la succession de plusieurs années de sécheresse, le gouvernement a annoncé récemment un vaste programme de soutien au secteur de l’élevage. L’objectif est de permettre au cheptel national de se reconstituer. A travers des mesures de soutien aux exploitants sous forme de subventions directes par tête ou pour l’aliment de bétail, le programme prévoit de mobiliser 3 milliards de DH en 2025 et 3,2 milliards de DH en 2026. Le but principal recherché est de réduire les charges d’exploitation et d’inciter les éleveurs à ne pas sacrifier les ovins femelles.
«Si l’aliment de bétail est disponible d’une façon suffisante et à un prix compétitif, la reconstitution du cheptel se fera plus rapidement et d’une manière plus adéquate», explique Mohamed Dahbi, secrétaire général de l’Union générale des entreprises et professions (UGEP). Cette initiative a reçu un accueil favorable de la part des professionnels du secteur, qui restent cependant prudents. «Le programme lancé par l’Etat sera d’une grande utilité. Le secteur de l’élevage a connu des difficultés qui l’ont perturbé avant et après la pandémie. Les années successives de sécheresse ont par la suite aggravé la situation. Les éleveurs ont fait preuve de beaucoup de courage et, malgré les contraintes, ils ont continué à approvisionner les marchés. L’Etat a fait un effort extraordinaire en soutenant l’aliment de bétail, particulièrement l’orge, ce qui a permis aux exploitants de résister à ces aléas», affirme une source auprès de l’Association nationale ovine et caprine (ANOC).
Et d’ajouter que «le programme permettra d’alléger les charges, un véritable fardeau pour les éleveurs, et de travailler dans de meilleures conditions. Si la pluie est au rendez-vous lors de la prochaine saison, il est possible de reconstituer le cheptel national avant 2026. Notre secteur a bénéficié des pluies des mois de mars et d’avril qui ont permis de renforcer le pâturage dans les parcours naturels. Il ne faut pas oublier que de nombreux éleveurs se basent sur les activités pastorales».
Doté d’une enveloppe globale de 13 milliards de DH, le dispositif prévoit également l’allégement de 50% des dettes en capital et intérêts des éleveurs pour les crédits inférieurs à 100.00 DH. Cela profitera à 75% des petits éleveurs. Pour les crédits compris entre 100.000 et 200.000 DH, il est prévu d’éponger 25% de la dette. L’autre partie fera l’objet d’un rééchelonnement et de l’annulation des pénalités de retard.
«Ce programme pourrait atteindre les résultats escomptés car il sera supervisé par le ministère de l’Intérieur et non celui de l’Agriculture. L’expérience a montré que les agents de l’Intérieur, notamment les moqaddams et shioukhs, sont plus proches de la population cible. De ce fait, les subventions seront accordées aux personnes ciblées et l’opération se déroulera dans de bonnes conditions. Car pour les précédentes subventions, l’on avait noté de nombreuses mauvaises pratiques, dont certaines étaient frauduleuses. Elles ont contribué à la crise que vit actuellement le secteur des viandes rouges. Les associations et les coopératives qui avaient pris le relais à la place des autorités, ont détourné les subventions de leurs cibles. Ces organismes n’ont distribué l’aliment de bétail subventionné qu’aux exploitants membres, excluant beaucoup d’éleveurs qui ne sont affiliés à aucune association ou coopérative», explique Mohamed Dahbi.
Et de conclure que «le secteur renferme 900.000 éleveurs, pour la plupart petits ou moyens. Mais ce chiffre ne cesse de baisser. C’est à cette catégorie qu’il faut accorder toute l’attention car elle est fragile et dépendante de beaucoup d’aléas. Les grands éleveurs, eux, ont des moyens financiers conséquents et le savoir-faire pour bien produire. Ils bénéficient aussi de tous les éléments de soutien que l’Etat leur accorde. La crise du secteur est le reflet des difficultés que traverse le monde rural. Les conditions de vie deviennent de plus en plus difficiles, poussant à l’exode vers les villes».