Le Maroc peine à corriger le déséquilibre structurel de sa balance commerciale. Tiré par des importations toujours plus élevées, le déficit s’aggrave d’année en année, mettant en lumière la vulnérabilité du Royaume face aux chocs exogènes.
Par C. Jaidani
Ces dernières années, le commerce extérieur du Maroc a connu une nette évolution, passant d’une valeur de 858 milliards de DH en 2021 à 1.217 milliards de DH en 2024, soit une progression de 41,84%.
En dépit de ce bond, les échanges du Royaume avec le reste du monde continuent d’afficher un déséquilibre structurel qui ne cesse de se creuser, passant, lors de la même période, de 199 milliards de DH à 305 milliards de DH. L’aggravation du déficit est due en grande partie à une hausse accélérée des importations par rapport aux exportations. De ce fait, le taux de couverture est passé de 61,8% en 2021 à 59,8% en 2024.
Quant au taux d’ouverture de l’économie nationale sur l’économie mondiale, il est passé de près de 72% en 2021 à 85,8% en 2022 pour se stabiliser à 77,7% en 2024. Cet indicateur, qui mesure la valeur des exportations et des importations par rapport au PIB, montre la bonne intégration du Maroc dans les chaînes de valeur du commerce mondial. Mais il dévoile aussi la vulnérabilité du Royaume face aux chocs exogènes, particulièrement pour ce qui est de l’approvisionnement en pétrole, en blé et en produits-semifinis où le pays dépend beaucoup de l’étranger pour satisfaire ses besoins.
«Le déficit commercial s’accentue d’une année à l’autre et tout laisse présager que ce phénomène devrait se poursuivre dans les années à venir. Grâce aux performances du tourisme et des transferts de nos MRE ainsi que d’autres secteurs phares comme les phosphates, l’automobile, l’aéronautique, le Maroc a pu éviter l’amenuisement de ses avoirs extérieurs», explique Driss Effina, professeur universitaire et président du Centre indépendant des analyses stratégiques.
Et de poursuivre que «la facture énergétique pèse lourdement sur la balance commerciale. Elle est la cause de près de 50% de ce déficit. La facture alimentaire affiche, elle aussi, un coût élevé particulièrement pendant les années de sécheresse. Si les conditions actuelles restent inchangées, ce déficit devrait se situer dans une fourchette comprise entre 300 et 340 milliards de DH à l’horizon 2027. Le programme de transition énergétique doit être accéléré pour réduire la dépendance du Royaume vis-à-vis de l’étranger. Il est indispensable de renforcer les sources d’énergies non fossiles, particulièrement éoliennes, solaires, hydraulique…».
Effina précise par ailleurs que le Royaume est appelé «à diversifier ses débouchés et ne pas trop dépendre des marchés classiques, particulièrement ceux de l’Europe. Davantage d’effort doit être déployé pour soutenir les exportations, surtout industrielles, censées créer plus de valeur ajoutée. Pour les autres secteurs, le Made in Morocco doit s’imposer notamment sur le marché national. Notre pays a la capacité de produire localement de nombreux produits qu’il importe».
En outre, notre interlocuteur tient à signaler que «le Maroc n’a pas été épargné par les chocs de grande ampleur qui ont impacté son économie, comme la pandémie du Covid-19, la crise financière de 2008 ou la guerre en Ukraine dont les retombées ont perturbé sérieusement les chaînes de valeur et réduit la demande mondiale. D’où l’urgence de développer les conditions de sa résilience». Outre la promotion des exportations, le Maroc est tenu aussi de relever le défi de la maîtrise des importations. Cela passe par la consolidation et la refonte des accords d’association et ceux de libre-échange.
«Il faut réviser les accords commerciaux avec les pays ou les groupements de pays avec lesquels les échanges du Maroc sont déficitaires. Le Royaume respecte ses engagements, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Certaines clauses lui sont défavorables ou ne sont pas respectées. Je cite notamment l’accord d’Agadir ou celui conclu avec la Turquie. Le creusement du déficit risque d’impacter la souveraineté nationale sur des domaines très stratégiques comme l’énergie et l’alimentation», conclut Effina.