Ce système demeure décrié par les opérateurs car il crée une concurrence déloyale et les interprétations des textes diffèrent d’une commission locale à une autre. La tutelle veut l’encadrer et réduire au maximum le nombre des autorisations.
Le système des dérogations demeure très présent dans le secteur, surtout pour les grands projets, et ce malgré la production conséquente de documents d’urbanisme qui encadrent ce mécanisme et limitent les autorisations à des cas très particuliers.
Le rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) a livré des conclusions sans équivoque sur cette pratique en montrant ses effets pervers sur le secteur. En règle générale, les commissions compétentes traitent en moyenne plus de 100 dossiers par mois. Elles donnent leur avis favorable dans 58% des cas et en rejettent 31%. Dans les 11% restants, elles accordent un sursis pour complément d’information. Le département de tutelle veut lancer une étude pour connaître l’impact de ce système sur les plans économique, social et urbanistique.
«Nous voulons réduire au maximum le nombre des dérogations. Eventuellement, si elles existent, elles doivent être bien encadrées. Il faut veiller scrupuleusement à ce qu’elles aient des retombées socioéconomiques confirmées», affirme Nabil Benabdallah, ministre de l’Habitat et de la Politique de la ville. Une ancienne enquête du département de tutelle publiée en 2009 dévoilait plusieurs anomalies relatives à ces dérogations qui n’ont pas été corrigées.
«Il n’y a pas une harmonisation des critères qui peuvent varier d’une région à l’autre et parfois à l’intérieur d’une même ville. Chaque commission locale fait sa propre interprétation des circulaires concernant les dérogations. C’est pour cela que le système demeure tant décrié par les opérateurs, surtout les promoteurs, estimant qu’il crée une concurrence déloyale et impacte les investisseurs», souligne Mohamed Alaoui, expert en immobilier.
Les arguments pour justifier les dérogations sont d’ordre pratique et aussi pour inciter les investissements.
Les projets de construction, de lotissement et de groupements d’habitations représentent des dossiers d’investissement par excellence, vu leur impact économique, social et urbanistique, ce qui exige davantage d'attention à l’étude des demandes d’autorisation relatives à la réalisation de ces projets.
«Afin de surmonter les différentes difficultés rencontrées à cet effet, plusieurs mesures transitoires ont été prises durant ces dernières années, dont l’objectif est d’introduire davantage de souplesse et de célérité en matière de gestion urbaine, ce qui a contribué au déblocage d’un nombre important de dossiers d’investissement», indique une circulaire du ministère de l’Habitat et de la Politique de la ville.
Le texte stipule, par ailleurs, qu’«en attendant que cette pratique soit réglementée, il a été jugé nécessaire de la protéger de manière à permettre aux projets d’investissement d’en bénéficier en toute transparence».
Il est donc plus que jamais nécessaire de lancer un cadre juridique adéquat pour règlementer les dérogations en matière d’urbanisme.
Ce qui bloque
Outre la faible cadence du rythme de production des documents d’urbanisme, les contraintes sont dues aussi à une politique d’aménagement du territoire inadéquate. La pratique de la planification urbaine, telle qu’elle découle des textes en vigueur par le biais des documents d’urbanisme érigés en instruments de définition de l’utilisation des sols, souffre encore de beaucoup d’insuffisances juridiques et pratiques qu’il conviendrait de traiter par l’adoption de procédés réglementaires adaptés.
De nombreuses difficultés et insuffisances sont apparues au fil du temps, touchant aux procédures, méthodes et réglementations. Cette situation appelle à des réactions législatives en vue d’y remédier. Parmi ces problèmes, on peut citer la centralisation de l’initiative d’élaboration et de l’approbation des documents d’urbanisme.
Charaf Jaidani