La gestion des déchets industriels au Maroc reste un secteur très sensible. Les enjeux sont de taille, puisque le Maroc a entamé une politique de développement durable qui s’inscrit dans le cadre du processus de la protection de l’environnement.
Pour rappel, l’industrie nationale a généré près de 1,6 million de tonnes de déchets industriels en 2009, dont 256.000 t/an de déchets dangereux, 1.319.000 t/an de déchets spéciaux et 6.565 t/an de déchets médicaux et pharmaceutiques.
Plusieurs acteurs interviennent dans le secteur des déchets industriels, comme nous l’explique Thomas Forgacs, Directeur général de Sita Maroc. En premier lieu, il y a les entreprises elles-mêmes : ce sont elles qui initient une vraie politique interne de gestion des déchets et qui ont la charge de se mettre en conformité avec la réglementation pour les déchets dangereux.
Le second acteur est le législateur qui, par la mise en place de textes et normes raisonnés, va inciter les entreprises à mieux gérer leurs déchets industriels sans perte de compétitivité et stimuler les opérateurs à investir dans le marché de la collecte et du traitement des déchets industriels en leur donnant plus de visibilité et de garantie.
Le troisième acteur, ce sont les sociétés de gestion des déchets. Ces dernières comme le précise
T. Forgacs, se voient confier la prise en charge des déchets d’une entreprise. Elles sont chargées de trouver les meilleurs prix pour la valorisation, les meilleures filières de traitement pour les déchets dangereux, d’assurer la logistique et la traçabilité financière et économique de l’ensemble de cette gestion.
Les derniers acteurs sont les filières de valorisation et de traitements. Ces derniers recyclent, retraitent les déchets, soit dans le cadre d’une activité unique (entreprise de régénération de plastique), soit dans le cadre d’une co-activité (papeterie, cimenterie, fonderie), soit dans le cadre (et c’est l’idéal) du réemploi (fûts, palettes, mandrins d’imprimerie réutilisés).
Grosses contraintes
Certes, le secteur présente des enjeux économiques importants, néanmoins, il connaît plusieurs contraintes et difficultés qui le freinent. «L’aspect le plus critique est le manque de filières de traitement au Maroc pour les déchets dangereux. Une filière existe actuellement, mais elle ne peut techniquement traiter tout le spectre des déchets dangereux générés par le pays», précise Forgacs. Il n’y a pas de centres d’enfouissement technique habilités au Maroc pour gérer ces déchets. Ces centres d’enfouissement de haute sécurité sont et seront nécessaires au Maroc quelle que soit la politique choisie pour la gestion des déchets dangereux.
En effet, même si le choix le plus responsable s’oriente vers des filières de traitement de technologies abouties (incinération, pyrolyse, neutralisation, co-incinération, etc…), il restera toujours des déchets ne pouvant être traités par ces procédés et ces derniers eux-mêmes génèreront des déchets, certes en plus petite quantité, mais avec des toxicités bien souvent accrues.
Pour faire face à ce manque, un Centre national des déchets spéciaux est en cours d’élaboration, dont l’initiative a été prise par le ministère de l’Energie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement.
Quid du cadre réglementaire
Sur un autre registre, il y a le manque de réglementation fixant les modalités d’exportation pour le traitement des déchets dangereux. D’après T. Forgacs, «le Maroc à ratifié la convention de Bâle fixant les modalités relatives au mouvement transfrontalier des déchets, mais n’a pas encore transcrit dans ses textes les modalités administratives de cette gestion. Un projet de décret est dans les tuyaux depuis plusieurs années, mais n’a pas encore été publié».
Autre contrainte, par rapport à l’application sur le terrain de la législation, les entreprises marocaines n’adhèrent pas facilement à ce concept, notamment les PME qui ne sont pas encore prêtes à encaisser les coûts induits par l’élimination de leurs déchets.
Les outils de traitements des déchets industriels, notamment les déchets dangereux, sont insuffisants au Maroc et la solution de secours de l’export est bridée pas le coût économique et une situation législative en suspens sur ce sujet.
Impact sur le PIB
Le coût annuel de la dégradation de l’environnement au Maroc est estimé à 3,7% du PIB, selon une étude réalisée par la Banque mondiale en 2008. Cet impact sur le PIB fait intervenir un grand nombre de facteurs qui sont le coût social et écologique de la non gestion des déchets industriels dangereux et de la valorisation sur le moyen et long termes : maladies, alimentation, épuisement des ressources, désertification, etc. «Même si mon point de vue sur le sujet garde une certaine subjectivité, l’impact d’une bonne gestion des déchets industriels sur le PIB ne peut être que positif au vu de la cascade positive des retombées économiques dans tous les secteurs de la société sur le court, le moyen et le long termes», conclut Thomas Forgacs.
L. B. (Stagiaire)