D’un état d’urgence à l’autre…

D’un état d’urgence à l’autre…


Nous commencions à peine à quitter depuis quelques jours la parenthèse du Covid que nous voilà confrontés à nouveau à une crise, sans commune mesure avec la précédente. A une crise géopolitique majeure, mais dont l’onde de choc économique n’épargnera personne. Car l’actuel conflit en Ukraine n’oppose pas en réalité Moscou à Kiev, mais la Russie au monde occidental dans sa totalité.

La «guerre économique totale» pour reprendre les dangereux propos du ministre français Bruno Le Maire qui d’ailleurs s’en est excusé après, menée actuellement par l’Occident contre la Russie, ne se déroulera pas sans conséquences pour le monde entier. L’effet boomerang se fait déjà ressentir sur les cours des matières premières énergétiques mais aussi alimentaires, qui n’ont d’ailleurs pas attendu l’actuel conflit pour grimper en flèche. Dans cette perspective, la batterie de sanctions imposées à la Russie ainsi que les contre-sanctions mises en place par Moscou risquent de s’inscrire dans un schéma d’escalades dont nul ne peut prédire la limite.

Le Maroc se devra par conséquent d’être prêt à absorber avec le moins de conséquences possibles cette onde de choc économique, qui par bien des aspects nous parait inévitable. A cet effet, nos réserves de change, cet éternel talon d’Achille de l’économie marocaine, devront faire l’objet d’une consolidation très particulière. 

Premièrement en raison du déficit chronique de notre balance commerciale qui nous amène en permanence à rééquilibrer la balance des paiements par un recours à l’endettement extérieur. Car bien que le tourisme et les transferts des MRE contribuent à ce rééquilibrage, cela est loin de suffire vu l’énorme facture énergétique du Maroc et la faible intensité technologique de nos exportations. D’autant plus qu’il faudra composer avec un secteur du tourisme qui aura du mal à retrouver des forces sur le court-terme, et avec une facture énergétique qui va irrémédiablement s’accroître en raison des tensions géopolitiques actuelles.

Une première démarche dans ce sens consiste dans la mise en place d’un contrôle des changes plus rigoureux. Cela concerne autant la fuite des capitaux que les dotations en devises, qui devront être revues à la baisse au moins temporairement. Enfin, encourager activement le rapatriement des biens non-productifs et liquides détenus à l’étranger par des citoyens marocains résidents.

Deuxièmement, il nous faudra temporairement compresser le plus possible nos importations superflues et non vitales pour notre économie, notamment vis-à-vis des partenaires avec lesquels nous avons les termes de l’échange les plus défavorables.

Troisièmement, réduire la fiscalité qui pèse sur le prix des hydrocarbures, notamment au niveau des pompes à essence qui touchent directement le pouvoir d’achat de millions de Marocains. Rappelons à ce propos que la part des impôts dans le prix de l’essence et du gasoil et de 37% pour le premier et de 47% pour le deuxième. Cette baisse aura très certainement un impact négatif sur le déficit budgétaire, et par conséquent sur la dette intérieure du Trésor, mais ça demeura un moindre mal, vu l’urgence de la situation. Ce levier fiscal constitue un important instrument de résilience que l’exécutif ne doit pas s’interdire pour des considérations budgétaires. L’urgence n’est pas là. Dans l’immédiat, la stabilité sociale et le pouvoir d’achat des Marocains passent avant les petits calculs comptables. De même, un plafonnement des marges de profit des distributeurs d’hydrocarbures pourrait être envisagé.

Quatrièmement, constituer d’urgence des stocks stratégiques importants de produits énergétiques (GNL, gazoil, …), tant que les prix demeurent encore accessibles sur les marchés mondiaux. Cela en exigeant des opérateurs privés d’atteindre le maximum de leurs capacités de stockage, et du gouvernement de nationaliser et de relancer la Samir dans une perspective de souveraineté énergétique. A ce propos, la question de sa rentabilité ne saurait être mise dans la balance au même titre que sa dimension stratégique aujourd’hui plus qu’hier. 

D’autres mesures plus drastiques devront inévitablement être appliquées selon l’évolution du contexte. Mais quoiqu’il en soit, la nécessité de déclarer un «état d’urgence économique» me parait indispensable pour permettre à l’Etat d’acquérir la réactivité et les leviers nécessaires qu’exige une situation de crise comme celle que nous vivons, et celle encore plus grave que nous risquons d’affronter dans les semaines à venir.

 

Par Rachid Achachi, chroniqueur, DG d’Arkhé Consulting

 

 

 

 

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