Un nouveau moteur économique prend le relais : les secteurs non agricoles, qui affichent une vitalité remarquable, contrastent avec les difficultés que connaît l’agriculture et ouvrent la voie à une diversification économique plus durable.
Par Y. Seddik
Depuis septembre 2024, un vent de dynamisme souffle sur l'économie marocaine, et il vient des secteurs non agricoles. Industries manufacturières, BTP, extraction minière..., tous affichent des taux de croissance élevés, contrastant avec le repli du secteur agricole, toujours tributaire des conditions climatiques. Cette dynamique positive, confirmée par les dernières enquêtes de conjoncture, avec une hausse des taux d’utilisation des capacités productives et une amélioration quasi-générale de l’activité des branches secondaires et tertiaires marchandes, devrait se poursuivre en 2025, portée par des investissements structurants et une demande robuste.
Selon le haut-commissariat au Plan (HCP), la croissance économique nationale a atteint 4,3% au troisième trimestre 2024, contre 3% à la même période en 2023. Cette progression repose presque exclusivement sur la performance des activités non agricoles. La valeur ajoutée du secteur non agricole a connu une augmentation de 5,1% durant le troisième trimestre 2024, contre seulement 3,1% une année auparavant.
En revanche, la valeur ajoutée du secteur primaire a enregistré une baisse de 4,1%, contrastant fortement avec la hausse de 3,8% observée au même trimestre de l’année précédente. Des secteurs comme les industries manufacturières (+7,5%), le BTP (+6,9%) et l’extraction (+15,9%) affichent des taux de croissance remarquables, illustrant la vitalité des activités non agricoles. À l’inverse, l’agriculture, traditionnel pilier de l’économie marocaine, reste fortement impactée par les aléas climatiques, ce qui contribue à un repli global du secteur.
Par ailleurs, Bank Al-Maghrib, dans ses projections à moyen terme, anticipe une consolidation de la croissance économique à 3,9% en 2025 et 2026. Cette prévision repose principalement sur l’amélioration du rythme des activités non agricoles, soutenues par des chantiers d’envergure en cours ou programmés, notamment dans les infrastructures sportives (CAN 2025 et Coupe du monde 2030), l’énergie et l’industrie. Comme l’a rappelé wali Bank Al-Maghrib lors de son dernier Conseil, «le rythme des activités non agricoles devrait s’accélérer pour atteindre 3,6% en 2025 et 3,9% en 2026, grâce aux différents chantiers d’envergure». Pour l’agriculture, la prudence reste de mise : «La production agricole demeure largement soumise aux aléas climatiques. À moyen terme, nous misons sur une normalisation des campagnes céréalières à 50 millions de quintaux», a précisé Abdellatif Jouahri.
Emploi : Les secteurs non agricoles en tête
L’essor des secteurs non agricoles se reflète également sur le marché de l’emploi. À l’exception de l’agriculture, qui a accusé une perte de 124.000 emplois, les autres secteurs ont généré des créations significatives : 258.000 postes dans les services, 57.000 dans le BTP et 23.000 dans l’industrie. Ces chiffres, relevés par Bank Al-Maghrib, confirment la résilience des secteurs non agricoles, particulièrement dans les services et le BTP, moteurs indirects de la croissance économique. Selon Abderrazak Elmaghraoui, directeur chez Serval Asset Management, la croissance économique non agricole du Maroc, estimée à 3,5%, joue un rôle central dans la dynamique économique actuelle.
«Avec une inflation maîtrisée à 2%, cela porte le PIB nominal à 5,5%, une performance très correcte», explique-t-il. «La croissance non agricole soutient également la capacité bénéficiaire des entreprises et, par conséquent, les performances du marché boursier en 2025», poursuit-il. Cet optimisme repose sur des activités portées par une demande intérieure robuste et des chantiers structurants, capables de renforcer la résilience face aux incertitudes, tant sur le plan national qu’international.
La nécessité d’une diversification économique durable
Les activités non agricoles ne se contentent plus de jouer un rôle d’appoint. Au contraire, elles structurent désormais une part croissante du PIB national. En ce sens, pour Mohamed Amine Badaoui, économiste spécialisé dans les pays émergents, cette montée en puissance est une opportunité de diversification : «Le Maroc a clairement montré qu’il pouvait tirer parti de ses secteurs non agricoles. Mais pour transformer cette dynamique en changement de paradigme, il faudra renforcer l’intégration régionale, améliorer la compétitivité des exportations et moderniser les infrastructures logistiques».
Les grands chantiers annoncés, tels que les investissements dans les énergies renouvelables ou les zones industrielles, renforcent cette vision. Toutefois, la durabilité de cette transition dépendra de l’efficience des politiques publiques et de la capacité à attirer davantage d’investissements étrangers. En outre, l’agriculture, bien que volatile, reste cruciale pour l’emploi rural et la sécurité alimentaire. Une modernisation du secteur est nécessaire pour mieux résister aux chocs climatiques. Pour notre expert, les activités non agricoles doivent encore surmonter des obstacles liés à la fiscalité, à l’accès au financement et à l’adaptation aux marchés internationaux. «La croissance non agricole est un atout, mais elle ne doit pas se faire au détriment d’une agriculture modernisée. Les deux piliers peuvent coexister pour créer un modèle économique plus équilibré et résilient», souligne Badaoui.