Deux leviers sont susceptibles d’améliorer significativement l’activité du Credit bureau au Maroc : le premier est celui des données alternatives, le deuxième renvoie à la digitalisation qui permettra aux Fintech marocaines de lancer des services financiers novateurs à travers l’Open Banking.
Propos recueillis par M. Diao
Finances News Hebdo : Quelle lecture faites-vous des risques d’insolvabilité des particuliers et des entreprises, notamment pour les établissements bancaires ?
Sidimohamed Abouchikhi : L’année 2020 a été façonnée par la pandémie, et la solvabilité des ménages et des entreprises a été durement touchée. Toutefois, grâce à la volonté des acteurs bancaires, aux mesures de soutien et de relance instaurées par le gouvernement et Bank Al-Maghrib, la voie vers la normalité commençait à prendre forme. L’évolution du volume des consultations réalisées par les institutions financières illustre parfaitement cet aspect. Durant l’exercice 2021, le nombre des consultations du Credit bureau était de 2,7 millions contre 2,3 en 2020 et 2,5 en 2019. Une croissance annuelle de 17% par rapport à 2020 qui s’est accompagnée par une augmentation de l’encours des crédits : à fin novembre, il était de 965,3 Mds de DH contre 957,4 Mds de DH au 31/12/2020. Cette évolution concerne aussi bien les ménages que les entreprises. Ainsi, sur la période susmentionnée, l’encours des crédits aux entreprises non financières (ENF) privées passait de 388,9 à 402,3 Mds de DH. Une augmentation annuelle de 3,5% qui recouvre des hausses de 8,3% des facilités de trésorerie, de 2,7% des prêts à l’équipement ainsi qu’une baisse de 8,4% des prêts immobiliers.
L’encours des ménages a enregistré, quant à lui, une augmentation de 9,9%. Si la hausse des comptes débiteurs et crédit de trésorerie était similaire à celle des entreprises non financières privées (+9%), c’est surtout au niveau des crédits immobiliers où les ménages se sont distingués par une augmentation de 6,9% (238 Mds de DH à fin novembre 2021 contre 222,7 Mds de DH en décembre 2020). Ce regain de normalité a été précédé par des mesures entreprises par les établissements bancaires pour maîtriser le risque crédit et améliorer la qualité des nouvelles productions. C’est ainsi qu’ils ont revu leurs appétits aux risques, renforcé leurs systèmes de suivi du portefeuille et changé leurs politiques d’octroi. A titre d’illustration, durant le troisième trimestre, les banques avaient durci les critères de financement des ménages souhaitant des prêts à l’habitat et des crédits à la consommation. L’ensemble des mesures prises ont permis de limiter l’augmentation des défauts de paiement. Au 30 novembre, les créances en souffrance étaient de 84,8 Mds de DH contre 80,2 en décembre 2020. Une augmentation globale de 5,7% qui était plus visible auprès des ménages (+7,2%) qu’auprès des entreprises non financières privées (+4,8%).
F.N.H. : Selon vous, quels sont les principaux leviers susceptibles d'améliorer l'activité du Credit Bureau au Maroc ?
S. A. : Deux leviers sont susceptibles d’améliorer significativement l’activité du Credit bureau. Le premier est celui des données alternatives. La disponibilité des informations émanant des grands facturiers, tels que les TELCO et les fournisseurs de services, permettra aux établissements de crédit de prendre de meilleures décisions de financements, de réduire le risque crédit et de faire un grand pas vers l’inclusion financière d’une partie de la population active. Le deuxième levier est celui de la digitalisation, qui permettra aux Fintech marocaines de lancer des services financiers novateurs à travers l’Open banking. Conditionné par le consentement préalable des clients et soumis à des règles de protection des données personnelles, ce système permettrait aux banques de partager leurs données avec d’autres acteurs du secteur financier. Un vent d’innovation qui apporterait une meilleure expérience client, des solutions d’agrégation des comptes en banque ou du coaching budgétaire.
F.N.H. : A court et moyen terme, quelles sont les principales priorités de Creditinfo Group au Maroc et en Afrique de l'Ouest ?
S. A. : Creditinfo Group continue de perpétuer sa tradition de mettre les défis de ses partenaires au cœur de ses priorités. Nous travaillons pour offrir des solutions innovantes permettant de faire face aux difficultés inhérentes à un contexte économique particulièrement challengeant. De par notre cœur de métier, nous sommes parfaitement bien placés pour comprendre l’intérêt de la disponibilité de l’information. Dans cet esprit, nous prévoyons de lancer de nouveaux services. Incessamment, nous compléterons notre score Credit bureau par un score des données financières. En analysant les informations financières fiabilisées de l’ensemble des sociétés marocaines sur plusieurs exercices, Creditinfo sera en mesure de permettre à ses partenaires de renforcer leurs contrôles de cohérence, d’affiner leurs politiques d’octroi de crédit par segment d’activité et de considérer l’impact des variables opérationnelles, telle que le crédit fournisseur, dans la décision de financement. Le deuxième service permettra à tout un chacun d’avoir accès à son rapport de solvabilité à distance et en toute sécurité. Cette action a pour objectif d’améliorer l’éducation financière, d’augmenter le climat de confiance, de réduire le surendettement et de limiter les défauts de paiement.
Ce service sera lancé au Maroc et en Afrique de l’Ouest. Par ailleurs, pour accompagner ses partenaires dans le défi de la prise de décision, deux services à valeur ajoutée sont prévus : le score de recouvrement et le score psychométrique. Le premier intervient en réponse à l’augmentation des créances douteuses des institutions financières. Il leur permettra d’optimiser leurs processus de recouvrement et d’augmenter leurs efficacités en priorisant les dossiers ayant les scores les plus élevés. Le deuxième service apporte une nouvelle dimension à l’analyse des demandes de crédit en étudiant les traits de caractère. Un aspect particulièrement intéressant pour une certaine catégorie de clients méconnus n’ayant aucun historique de paiement. Cette solution répondrait parfaitement aux besoins de certaines institutions de microfinance et TELCO, notamment en Afrique de l’Ouest. Enfin, Creditinfo Group intègre dans ses priorités à court terme pour l’Afrique de l’Ouest, la présentation d’une solution de Digital onboarding. En créant des processus rapides, intuitifs et contrôlés, nos partenaires pourraient démarcher des clients situés dans zones reculées tout en réduisant la lourdeur des processus et le coût opérationnel.