Selon une récente étude du cabinet Finactu, le confinement total ne serait pas supportable économiquement en Afrique.
Les investisseurs institutionnels ont un grand rôle à jouer à court et moyen terme pour amortir les effets de la crise.
L’Afrique n’est pas épargnée par la crise sanitaire et économique engendrée par le Covid-19. Des allègements de dettes ainsi que des aides de la part de plusieurs organismes internationaux, à l’image du FMI, ont d’ores et déjà été débloqués pour certains pays du continent afin de les aider à surmonter la crise.
La réflexion tourne aujourd’hui autour des « bonnes » mesures à adopter afin d’amortir l’impact économique de cette pandémie sur les économies africaines. Le cabinet de consulting Finactu, vient justement de publier une étude sur le sujet.
Intitulée « Le coronavirus et l'Afrique : quelles mesures pour atténuer l’impact de la crise sur les économies africaines ? », cette étude soutient que le continent africain sera moins touché par le Covid-19 comparativement à d’autres régions comme l’Europe, mais qu’il doit tout de même mettre en œuvre ses propres mesures socio-économiques.
Les auteurs de l’étude soulignent aussi que les investisseurs institutionnels, notamment les caisses de prévoyance sociale, peuvent être un outil précieux pour la surmonter les effets de cette crise sur les économies du continent.
Eviter le confinement total !
Dans son étude, le cabinet défend l’idée qu’il faut mettre en place un confinement « adapté » à la situation africaine, car selon lui, le confinement total ne serait pas supportable économiquement en Afrique, où les populations comptent plus de 50% ou 60% de travailleurs évoluant dans l’informels. L’erreur serait donc d’y appliquer les mêmes recettes qu’en Europe, en Chine ou aux Etats-Unis.
«Les hésitations de Kinshasa autour du confinement illustrent parfaitement cette problématique avec successivement le choix d’un confinement total, puis de la seule Commune de la Gombe (quartier d’affaires dans la capitale Kinshasa), la plus impactée par le Covid-19», indique le cabinet.
Certains pays, plutôt que de confiner brutalement la population, ont instauré l’isolement de quelques villes. L’idée sous-jacente est de casser le lien entre les centres urbains, où se concentre l’épidémie, et les zones rurales, dans lesquelles la possibilité de soigner les malades serait faible, compte tenu des moyens de santé plus rares encore que dans les capitales et où les populations sont moins jeunes, explique Finactu.
Ainsi, si le Président Talon, au Bénin, écarte la stratégie du confinement, il a en revanche isolé 12 villes du reste du pays. Au Burkina Faso, 11 villes ont été placées en quarantaine. En Côte d’Ivoire, les déplacements du Grand Abidjan vers le reste du pays sont désormais interdits. Au Togo, ce sont 4 villes qui ont été isolées.
Une population moins touchées par la maladie
Pour les experts de Finactu, une première évidence s’impose : le Covid-19 est une maladie de personnes âgées, de comorbidité et de personnes en surpoids, qui frappe les pays vieillissants. Mais les populations d’Afrique, beaucoup plus jeunes et beaucoup moins concernées par l’obésité, seront beaucoup moins touchées.
Selon les estimations du cabinet, un pays comme le Bénin sera 5 fois moins touchés que le Royaume-Unis, malgré un nombre de lits de réanimation bien moins important.
Le Cabinet rappelle à ce titre qu’en France, l’âge moyen des patients admis en réanimation est de 64 ans, et qu’en Chine plus de 80% des personnes décédées avaient plus de 60 ans. Ainsi pour Finactu, il ne faut pas analyser cette crise en Afrique avec les concepts et les statistiques des pays industrialisés.
Le rôle centrale des institutionnels
L’équipe Finactu voit dans cette crise une occasion de mesurer le rôle des investisseurs institutionnels, au premier rang desquels les caisses de sécurité sociale, dans le soutien à l’économie face aux conséquences négatives de la crise.
«Dans un contexte comme celui de la crise économique soudaine du Covid-19, qui affaiblit brutalement le tissu d’entreprises, il est dans l’intérêt des caisses de Sécurité sociale de faire preuve de bienveillance et de discernement vis-à-vis des entreprises», argumentent les auteurs de l’étude.
Plusieurs options s’offrent aux caisses de prévoyance, dont celle d’un moratoire sur les cotisations, par exemple sous la forme d’échéanciers de paiement distincts d’une entreprise à l’autre, selon son secteur d’activité et la sévérité de la crise.
Un tel moratoire, estime Finactu, peut concerner des entreprises du secteur aérien, de l’événementiel ou de la restauration par exemple.
Finactu prône ainsi deux actions : à court terme en mobilisant ces acteurs institutionnels dans le soutien à l’économie, puis une action à moyen et long termes en les renforçant afin d’augmenter la résilience des économies africaines.
«Plus que jamais, l’Afrique toute entière doit accélérer le renforcement de ses investisseurs institutionnels que sont les assureurs, les institutions de sécurité sociale, les caisses de dépôts et consignation, etc. Et plus que jamais aussi, les gouvernements doivent généraliser les systèmes de prévoyance sociale à toutes les populations. Certains pays sont sur le point de le faire (Maroc, Côte d’Ivoire), d’autres l’ont déjà fait (Gabon avec la CNAMGS), prouvant que cela est possible !».