Conjoncture : L’acte d’investir perd-il la cote chez les nationaux ?

Conjoncture : L’acte d’investir perd-il la cote chez les nationaux ?

epargneLes recettes au titre des investissements directs étrangers ont progressé de 7,7% pour se chiffrer à 34,2 Mds de DH à novembre 2015. Preuve que le Maroc suscite l’engouement des investisseurs étrangers. A contrario, un faisceau d’indicateurs, pour ne citer que le ralentissement des crédits et l’augmentation des dépôts à terme, milite en faveur de l’aversion des opérateurs nationaux pour l’acte d’investir.

La tournure prise par l’économie nationale l’année dernière, avec une activité économique prospère, corroborée par la multiplicité des indicateurs économiques au vert, constitue un motif de satisfecit pour les pouvoirs publics. Au demeurant, certains paramètres de l’économie nationale, sources d’inquiétudes, interpellent au premier chef le patron de l’Institut d’émission, Abdellatif Jouahri, et celui du Département des Finances, Mohamed Boussaïd. En effet, la baisse de régime de la croissance du crédit bancaire couplée au manque de corrélation entre la hausse des investissements directs étrangers (IDE) et des investissements des opérateurs nationaux demeure, pour l’heure, un maillon faible de la machine économique. Déjà, lors du troisième Conseil de Bank Al-Maghrib afférent à la politique monétaire (septembre 2015), Abdellatif Jouahri faisait part à la presse nationale d’un fait nouveau, celui de la baisse du taux de croissance du crédit bancaire conjuguée à l’augmentation des dépôts à terme et des dépôts à vue. «Depuis que je suis à ce poste, c’est la première fois que j’assiste à ce phénomène», confiait-il aux journalistes. Il faut dire qu’il y a de quoi s’alarmer, car ce phénomène traduit à la fois un dysfonctionnement manifeste et une perte de confiance des agents économiques, qui affichent un attentisme par rapport à l’acte d’investir. «J’interpelle les opérateurs nationaux, qui ont visiblement perdu confiance en l’économie, tandis que leurs homologues étrangers investissent davantage dans notre pays», a martelé récemment pour sa part l’argentier du Royaume au Forum de l’Agence marocaine de presse (MAP). Notons tout de même que les derniers chiffres publiés par l’Office des changes donnent amplement raison au ministre de l’Economie et des Finances. Pour preuve, les recettes au titre des IDE ont progressé de 7,7% pour se chiffrer à 34,2 Mds de DH à novembre 2015. A cela, il convient d’ajouter que les flux de ceux-ci ont plus que doublé au cours de la même période. Dans le même ordre d’idées, l’amélioration du climat des affaires, comme en témoigne la progression du Maroc dans le classement du rapport Doing Business 2016 (75ème sur 189 économies), la disponibilité des infrastructures et les stratégies sectorielles sont autant de facteurs-clefs suscitant l’engouement des investisseurs étrangers pour le Royaume.

Un climat d’incertitudes pénalisant

Les hommes de Jouahri demeurent formels : «En termes de perspectives, l’évolution de l’investissement reste tributaire de la réaction des opérateurs économiques vis-à-vis du climat d’incertitudes lié à la demande extérieure et à la faiblesse des activités de la construction». Si la demande extérieure devrait être au beau fixe pour l’année en cours, à en croire le haut-commissariat au Plan, rien ne sera moins sûr pour les activités immobilières, qui peinent à afficher leur dynamisme d’antan. Par ailleurs, bien que les prévisions de 2016 tablent sur une amélioration de la hausse du crédit bancaire, baromètre de l’investissement des opérateurs nationaux, l’année qui vient de s’écouler a enregistré une chute libre du taux de croissance du crédit bancaire, qui a tourné autour de 0,5% seulement. Sachant que dans le même temps, le taux de progression annuel des dépôts à terme a cru de 10,8%. L’élément qui traduit le plus l’aversion des opérateurs économiques envers l’acte d’investir lors du quatrième trimestre 2015, est la contraction des crédits d’équipement, qui ont reculé de 1,8% contre une hausse de 1,7% un trimestre auparavant. A ce stade, il est judicieux de souligner que le développement du tropisme des opérateurs économiques envers l’investissement est conditionné par une kyrielle de facteurs, pour ne citer que les gains escomptés et l’environnement économique. Or, outre l’âpre concurrence sur le marché domestique, les entreprises nationales continuent de faire les frais des délais de paiement, qui ne cessent de s’allonger. L’une des conséquences fâcheuses de cette situation est la hausse des créances en souffrance (+11,2% à octobre 2015). Par ailleurs, il est opportun de relever que les experts de BAM relient le mouvement baissier du crédit bancaire à la chute de la demande des PME, et ce en dépit de l’assouplissement des conditions d’octroi de crédit au troisième trimestre 2015. Cela reflète parfaitement la prégnance de l’attentisme pénalisant pour l’investissement et qui prévaut chez cette catégorie d’entreprises, force motrice de l’économie nationale. En définitive, au regard des différentes prévisions économiques tablant sur une contraction de l’activité pour l’année 2016, il serait hasardeux de pronostiquer sur le regain d’intérêt des opérateurs nationaux pour l’acte d’investir.

Momar Diao

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