Conjoncture: ces risques qui guettent le Maroc et comment y répondre

Conjoncture: ces risques qui guettent le Maroc et comment y répondre

Désancrage des anticipations d’inflation, récession mondiale, fragmentation géoéconomique, sècheresse… : le Fonds monétaire international a identifié dans ses prévisions pour le Maroc plusieurs facteurs de risque particulièrement préoccupants, dont la concrétisation pourrait impacter fortement la croissance en 2023.

 

Par Y. Seddik

Le Fonds monétaire international (FMI) a récemment félicité le Maroc pour «sa réponse politique très forte» pour atténuer l'impact social et économique des récents chocs négatifs liés à la guerre en Ukraine et la sécheresse. A l’issue des consultations de son Conseil d'administration de 2022 au titre de l'article IV avec le Maroc, l’institution estime que la croissance du PIB du Maroc «devrait s'accélérer pour atteindre 3% en 2023, principalement tirée par le rebond de la production agricole et ses retombées positives sur le reste de l'économie».

L'inflation devrait, par ailleurs, diminuer progressivement pour atteindre environ 4% en 2023, «à mesure que le choc des prix des matières premières se dissipe progressivement et l'orientation monétaire devient moins accommodante». Mais ces projections de base sont soumises à «une incertitude inhabituellement élevée», principalement liée à une aggravation des conditions mondiales et de plus grandes retombées de la guerre de la Russie en Ukraine. Justement, le FMI a élaboré une matrice de facteurs de risque à même d’entraver la dynamique de croissance, s’ils venaient à se concrétiser. Ainsi, pour le Fonds, le premier risque vient d’une nouvelle hausse des prix des matières premières qui pourrait pousser l'inflation globale à la hausse au Maroc. Également, la baisse du pouvoir d'achat des ménages, les ruptures d'approvisionnement et la hausse des coûts d'emprunt pourraient encore freiner une croissance plutôt molle.

Si ce choc sur les matières premières se matérialise, le FMI propose comme réponse à la Banque centrale un relèvement de son taux directeur pour éviter que les anticipations d'inflation ne se désancrent et pour limiter les pressions à la dépréciation du Dirham. Pour ce qui est de la politique budgétaire, elle devra protéger les plus vulnérables avec des transferts monétaires bien ciblés, temporaires et neutres sur le plan budgétaire, en utilisant pleinement le registre social unifié.

 

Désancrage des anticipations d'inflation et stagflation

Les chocs d'offre sur les prix des denrées alimentaires et de l'énergie augmentent fortement l'inflation globale et se répercutent sur l'inflation sous-jacente, désancrent les anticipations d'inflation et déclenchent une spirale prixsalaires sur des marchés du travail tendus. Les Banques centrales resserrent leur politique monétaire plus que prévu, entraînant une demande mondiale plus faible, des dépréciations monétaires et parfois même des défauts souverains. Cela pourrait conduire à l'apparition de la stagflation. Un durcissement des conditions financières mondiales, sur fond d'une augmentation plus rapide des taux d'intérêt américains, aurait une incidence négative sur les coûts d'emprunt extérieur et le taux de change du Maroc, mais son impact serait amorti par le régime de change actuel, selon le FMI. L'impact sur le financement public devrait également être contenu, car la part de la dette publique libellée en devises est relativement faible (environ 25 %). En cas de dérapage des anticipations, la politique monétaire devra être resserrée plus agressivement pour ancrer les anticipations d'inflation et limiter la dépréciation du taux de change. Avec un soutien aux personnes touchées par les pressions inflationnistes via des transferts monétaires ciblés à l'aide du registre social unifié et une réaffectation des ressources au sein du budget afin de donner la priorité aux dépenses favorables à la croissance, comme les projets d'investissement public déjà lancés ou en préparation.

 

Récession mondiale

Dans ses dernières perspectives de l’économie mondiale publiées mardi, le FMI souligne que l'estimation pour 2022 et les prévisions pour 2023 sont toutes deux supérieures d'environ 0,2% par rapport aux projections annoncées en octobre, reflétant des «surprises positives et une résilience plus forte que prévu dans de nombreuses économies». Toutefois, pour 2023, l’inflation et la guerre un Ukraine continueront de peser en 2023 selon l’institution. «Le Maroc dépend fortement du commerce, des envois de fonds, du tourisme et des liens financiers (y compris les IDE) avec la zone Euro. Par conséquent, un ralentissement/récession important en Europe freinera l'activité économique au Maroc. Une baisse des prix des matières premières énergétiques atténuera les pressions sur les comptes extérieurs et l'inflation», affirment les services de l’institution de Bretton Woods. Si le ralentissement ou la probable récession mondiale venait à affecter la croissance économique du Maroc, la politique budgétaire devrait mettre en œuvre des mesures de relance favorables à la croissance et un soutien ciblé aux secteurs et segments de la population les plus touchés. Le financement pourrait provenir de contributions volontaires comme dans le cas du fonds Covid-19, d'une mobilisation accrue du portefeuille d'actifs immobiliers de l'État et de la privatisation. Du côté de la Banque centrale, la réponse devrait être sous forme d’un assouplissement de l'orientation de la politique monétaire et un soutien accru au crédit et à la liquidité.

 

Aggravation de la fragmentation géoéconomique

Le rapport envisage également que l'élargissement des conflits et la réduction de la coopération internationale accélèrent la démondialisation, entraînant une reconfiguration des échanges, des perturbations de l'approvisionnement, une fragmentation des systèmes technologiques et de paiement, une hausse des coûts des intrants, une instabilité financière,… Le Fonds explique que le Maroc est une économie très ouverte, fortement dépendante du commerce (y compris celui associé aux principales chaînes de valeur mondiales, comme l'industrie automobile), des envois de fonds, du tourisme et des importations d'énergie. Ainsi, toute perturbation dans chacun de ces domaines est susceptible d'affecter profondément l'activité économique. Ainsi, recommande le rapport, le Royaume devrait maintenir son implication dans les principales chaînes de valeur mondiales en travaillant avec les principaux partenaires commerciaux pour éviter les mesures qui faussent les flux commerciaux et entravent les IDE, tout en mettant en œuvre des réformes structurelles pour soutenir la compétitivité et la productivité internationales.

 

Sécheresse

La fréquence des sécheresses a récemment augmenté, le Maroc connaissant 3 saisons de sécheresse au cours des cinq dernières années. Pour le FMI, «Pour le FMI, «le Maroc est fortement dépendant du secteur agricole. Il représente environ 10% de la valeur ajoutée, un quart des exportations de biens alors qu'environ un tiers de la main-d'œuvre marocaine est active dans ce secteur». Si le ciel n’est pas clément cette année aussi, le Maroc devrait reproduire les mesures qui ont été adoptées récemment pour faire face aux effets de la sécheresse, y compris le crédit subventionné aux agriculteurs et l'aide au remboursement de la dette. 

 

 

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