Si la nécessité de réorganiser substantiellement la profession de transitaire, désormais appelée commissaire en douane, ne fait aucun doute, le nouveau projet de loi, qui s’est fixé beaucoup d’ambitions, est source d’inquiétude pour bon nombre de professionnels.
Le projet de loi relatif à l’organisation de la profession du commissaire en douane, disponible sur le site du Secrétariat général du gouvernement, suscite de multiples interrogations auprès de la profession de transitaire dont l’appellation consacrée est désormais : le commissaire en douane. Au regard de la note de présentation, la raison d’être de ce nouvel arsenal juridique est, entre autres, de répondre aux nouvelles exigences du commerce extérieur, tout en définissant les droits et devoirs du commissaire en douane. De plus, ce dispositif confectionné par l’Administration des Douanes et Impôts directs (ADII), vise à arrimer la profession sur les standards internationaux, tout en améliorant le professionnalisme du commissaire en douane. A ce stade, il est aussi utile de souligner que ce projet de loi se singularise par la variété des aspects réglementaires (conditions d’accès et d’exercice, organisation de la profession, régime disciplinaire, etc.). Interpellé par nos soins sur cette nouvelle mouture qui agite la profession, Mohamed Yacine Sbai, Administrateur-adjoint de Gazet Trans, société de transit et de transport, s’offusque du fait que le projet de loi regroupe désormais les commissaires en douane autour d’un groupement professionnel dont la mission est d’être l’interlocuteur unique auprès de l’Administration. «A l’instar des professions d’avocat et de médecin, le métier de transitaire est réglementé. Ce qui serait plus judicieux, c’est de créer un Ordre des commissaires en douane, au lieu du Groupement professionnel», confie-t-il. A noter qu’outre le groupement professionnel, le nouveau projet de loi instaure un fonds commun de garantie et une commission consultative chargée de donner son avis sur les demandes d’octroi d’agrément dont l’obtention est obligatoire pour l’exercice de la profession de commissaire en douane. D’ailleurs, l’Administrateur-adjoint de Gazet Trans conteste cette nouvelle appellation de «commissaire en douane», qui, à ses yeux, n’est pas adaptée avec l’instauration d’un groupement professionnel directement importé du secteur bancaire marocain. Celui-ci rappelle que l’activité bancaire est différente de celle de commissaire en douane, qui a des modèles économique et administratif totalement différents.
Nécessité d’assainir la profession
Ce qui interpelle à la lecture du projet de loi, c’est l’importance des articles consacrés aux mesures disciplinaires, avec des sanctions qui vont des amendes pouvant aller jusqu’à 200.000 DH à la suspension définitive. Si certains experts dénoncent le caractère répressif de ce nouveau texte au détriment des réelles préoccupations des transitaires, Mohamed Yacine Sbai salue, au contraire, ce nouveau régime disciplinaire. «Tant qu’on est un bon élève, il n’y a pas lieu d’avoir peur des sanctions. A mon sens, ces mesures disciplinaires sont de bonne guerre, car l’activité a besoin d’être assainie», assure-t-il. La purge de la profession de certains commissaires en douane, dont l’éthique est loin d’être irréprochable, est d’autant plus urgente que certains professionnels affichent d’ores et déjà une réticence pour la mise en place du fonds commun de garantie, qui devra servir à assurer la solidarité entre les membres du corps pour faire face aux dettes douanières. «Ce fonds commun de garantie, alimenté par les cotisations des commissaires en douane, est aussi copié du secteur bancaire. Or personnellement, je ne peux garantir que des confrères honnêtes», affirme sans ambages notre interlocuteur. Au chapitre des conditions d’élaboration de cette nouvelle mouture juridique, la profession rappelle qu’elle y a, certes, été, associée par l’ADII, mais le temps qui lui était accordé pour faire des contre-propositions était relativement court. Tout compte fait, malgré les contre-propositions des professionnels, l’actuel projet de loi est quasiment similaire à la version originale. Au-delà de cet arsenal juridique, ce qui horripile fortement certains commissaires en douane, qui se réclament honnêtes, est la présomption de mauvaise foi qu’affiche l’Administration des Douanes à leur égard. Cela dit, en plus des conditions requises actuellement par le Code des douanes (diplôme de licence, expérience professionnelle de trois ans, etc.), Mohamed Yacine Sbai estime qu’il serait plus bénéfique pour améliorer les compétences des futurs commissaires en douane, en leur offrant la possibilité d’avoir une formation en alternance (master) débouchant sur l’examen des transitaires organisé par l’Administration. En définitive, il est indéniable que l’actuel projet de loi recèle beaucoup de points à même de développer la profession de commissaires en douane. Toutefois, au regard des multiples réserves émises par les principaux concernés, force est de reconnaître que son amélioration est plus que souhaitable.
Momar Diao