L’article 36 de la Constitution exige, entre autres, la sanction par la loi des infractions relatives aux conflits d'intérêts, aux délits d'initié et toutes infractions d'ordre financier.
Dans les faits, aucune loi ne définirait ni ne sanctionnerait les situations de conflits d’intérêts au Maroc.
Par M.D
Pour peu que l’on s’intéresse aux affaires de la Cité, il est assez aisé de constater que la scène politique est bouillonnante avec les échéances électorales. Ces derniers jours ont été marqués par le sprint final des différents partis politiques dont la plupart des responsables briguent un mandat électif. L’actuel contexte électoral est propice pour s’interroger sur l’épineuse relation dialectique entre la politique et les affaires. Le caractère récurrent du débat portant sur la collusion entre la politique et le business ou celui inhérent à la mainmise d’acteurs économiques à la fois sur les terreaux politique et économique, est pour le moins manifeste. Pour preuve, l’une des principales revendications du mouvement du 20 février 2011, dans le contexte du printemps arabe, a été l’éradication des conflits d’intérêts et l’enrichissement de l’élite au pouvoir. La campagne de boycott de 2018 de certains produits avait également remis en selle ce qu’il convient d’appeler la perpétuelle controverse relative à la collusion entre la politique et les affaires.
A la question de savoir pourquoi le Maroc en quête d’un nouveau modèle de développement, continue de faire les frais de la collusion entre les deux domaines précités, Azeddine Akesbi, économiste et membre du Conseil national de Transparency Maroc, répond par une analyse qui interpelle. «Globalement, la Constitution de 2011 accepte et tolère la non séparation du pouvoir et de l’argent, et ce au plus haut niveau de l’Etat», soutient l’expert des questions de gouvernance et de transparence. Et de rappeler : «Il existe dans le gouvernement de Saad Eddine El Otmani des ministres connus de tous qui ont un pouvoir économique extrêmement important».
Conflits d’intérêts, l’absence d’une loi pointée du doigt
Azeddine Akesbi est formel. «L’article 36 de la Constitution qui suggère l’idée de la création d’une Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption, exige, entre autres, la sanction par la loi des infractions relatives aux conflits d'intérêts, aux délits d'initié et toutes infractions d'ordre financier. Or, il se trouve que jusqu’à présent la sanction évoquée n’est pas traitée par la loi», s’offusque notre interlocuteur. Le contexte électoral autorise la question suivante : La majorité gouvernementale qui sera issue des élections de septembre 2021, érigera-t-elle le combat contre les conflits d’intérêts en une priorité majeure ? Rien n’est moins sûr si l’on se fie aux avis de certains experts chevronnés en matière de gouvernance et de transparence de l’action publique au Maroc. En effet, ceux-ci ne manquent pas de souligner que ce sont les partis politiques structurés autour de secteurs dominés par la rente (donc dotés de moyens financiers importants pour mener à bien la campagne électorale), qui sont susceptibles de sortir victorieux des élections.
L’argent est plus que jamais le nerf de la guerre pour les entités politiques de plus en plus vidées de leurs militants. Pour preuve, aujourd’hui, les formations politiques sont contraintes de payer des «petites mains» pour assurer des tâches élémentaires (affichage des tracts, distribution de flyers, etc.).
Que faire ?
Au chapitre des solutions, notre interlocuteur suggère une réforme au niveau de la Constitution, couplée à la mise en place d’une loi qui définit et sanctionne les conflits d’intérêts. L’application effective de la loi n° 13-31 relative au droit d’accès à l’information permettrait de percer le mystère des moult conflits d’intérêts existants à différents niveaux des sphères publique et privée. Au final, l’existence manifeste des conflits d’intérêts et la prédominance de la rente sont autant de ralentisseurs voire d’obstacles à la mise en œuvre de plusieurs réformes fondamentales, censées propulser le Royaume dans la cour des pays émergents.