Cloud computing : «Un véritable moteur de la transformation numérique au Maroc»

Cloud computing : «Un véritable moteur de la transformation numérique au Maroc»

Le Cloud computing fait partie des catalyseurs de la stratégie Maroc digital 2030. Le Maroc envisage une migration sécurisée vers cette science, en vue d’appréhender ses opportunités, ses défis et explorer les dernières innovations et évolutions dans ce domaine. Entretien avec Mohamed Ait Elorf, ingénieur IT et Directeur général de Orderly Solutions.

 

Propos recueillis par Désy M.

Finances News Hebdo : Les travaux de la 1ère édition du Congrès national du Cloud computing se sont tenus récemment. Qu’entend-on par Cloud computing et quel est son apport dans la stratégie Maroc Digital 2030 ?

Mohamed Ait Elorf : Le Cloud computing, ou «informatique en nuage», représente une manière innovante d'accéder à des services informatiques tels que le stockage de données, les applications ou la puissance de calcul via Internet, sans avoir à investir dans des équipements physiques. Imaginez cela comme l'électricité : au lieu de posséder votre propre générateur, vous vous branchez simplement au réseau électrique. De la même manière, le Cloud permet aux entreprises d'utiliser des ressources informatiques selon leurs besoins, en payant uniquement pour ce qu'elles consomment. Dans le cadre de la stratégie «Maroc Digital 2030», le Cloud computing occupe une place centrale. Le Maroc ambitionne de se positionner en tant que leader régional du numérique, et le Cloud est un levier essentiel pour atteindre cet objectif. En l’adoptant, le pays peut moderniser ses services publics, rendre les entreprises plus compétitives et encourager l'innovation. Cette stratégie ne se limite pas seulement à améliorer l'efficacité des services publics ou à faciliter l'accès des startups aux technologies de pointe; elle vise également à créer de nouveaux emplois, stimuler l'innovation et attirer des investissements importants. En outre, une stratégie Cloud bien définie est indispensable pour favoriser l'émergence d'un écosystème de startups dynamique, en fournissant l'infrastructure et les ressources nécessaires pour que les jeunes entreprises technologiques puissent se lancer et se développer rapidement.

 

F.N.H. : Comment le Cloud computing peut-il réellement catalyser la transformation numérique dans un pays comme le Maroc, et quelles sont les opportunités spécifiques qu’il offre aux secteurs publics et privés ?

M. A. E. : Le Cloud computing agit comme un véritable moteur de la transformation numérique au Maroc. En offrant une grande flexibilité et agilité, il permet aux entreprises et aux administrations de déployer rapidement de nouveaux services ou applications sans les longs délais liés à l'installation de matériel. Cela se traduit par une réduction significative des coûts, car il n'est plus nécessaire d'investir massivement dans des serveurs ou des centres de données. Les ressources du Cloud sont utilisées en fonction des besoins réels, ce qui est particulièrement bénéfique pour les PME et les startups. De plus, le Cloud ouvre l'accès à des technologies avancées telles que l'intelligence artificielle, l'analyse de données et l'Internet des objets. Ces technologies, qui étaient autrefois réservées aux grandes entreprises disposant de budgets conséquents, deviennent désormais accessibles à un plus grand nombre d'acteurs économiques, favorisant ainsi l'innovation et la compétitivité. Pour le secteur public, le Cloud permet de moderniser les services en ligne, rendant les démarches administratives plus efficaces et accessibles aux citoyens. Cela se traduit par une meilleure qualité des services publics et une réduction des coûts opérationnels grâce à la centralisation des ressources informatiques. En parallèle, le Cloud offre une plateforme pour développer et tester de nouvelles solutions numériques sans nécessiter d'investissements initiaux importants. Dans le secteur privé, le Cloud renforce la compétitivité des entreprises en leur permettant d'innover plus rapidement et d'offrir de meilleurs services à leurs clients. Il facilite également l'expansion des entreprises en leur permettant d'adapter rapidement leurs ressources informatiques en fonction de leurs besoins, soutenant ainsi la croissance et la réponse aux fluctuations du marché. De plus, une stratégie Cloud solide est essentielle pour l'émergence d'un écosystème de startups, en leur donnant accès à des ressources technologiques à moindre coût, ce qui favorise l'innovation et la création de nouvelles entreprises technologiques au Maroc. En résumé, le Cloud computing est un levier puissant qui permet au Maroc de moderniser son économie, d'encourager l'innovation, de soutenir la croissance des startups et de se positionner favorablement sur la scène internationale.

 

F.N.H. : La cybersécurité est souvent perçue comme un frein à l’adoption massive du Cloud. Quels sont, selon vous, les principaux défis à relever pour garantir une migration sécurisée vers le Cloud tout en protégeant les données sensibles et la souveraineté numérique ?

M. A. E. : La cybersécurité représente un enjeu majeur dans l'adoption du Cloud computing au Maroc. Pour assurer une migration sécurisée vers le Cloud tout en protégeant les données sensibles et la souveraineté numérique, plusieurs défis doivent être relevés. Tout d'abord, il est essentiel de protéger les données sensibles en mettant en place des mesures de sécurité robustes. Cela inclut le chiffrement des données, la gestion sécurisée des accès et l'authentification multi-facteurs pour garantir la confidentialité, l'intégrité et la disponibilité des informations stockées dans le Cloud. Ensuite, la conformité réglementaire est cruciale. Les organisations doivent s'assurer que les solutions Cloud utilisées respectent les lois et réglementations nationales en matière de protection des données, telles que la loi n°09-08 au Maroc. Cela nécessite une compréhension approfondie des obligations légales et une collaboration avec des fournisseurs de Cloud qui respectent ces normes. Un défi supplémentaire réside dans les législations extraterritoriales, comme le Cloud Act américain, qui permet aux autorités américaines d'accéder aux données stockées même à l'étranger. Cela pose des questions sérieuses concernant la souveraineté numérique et la protection des données sensibles. La souveraineté numérique est également un enjeu clé. Pour préserver le contrôle sur les données nationales, il est impératif que les données sensibles soient hébergées sur des infrastructures localisées au Maroc et soumises à la juridiction marocaine. Le développement d'un Cloud souverain est une réponse à cette exigence, garantissant que les données ne sont pas soumises à des lois étrangères potentiellement conflictuelles. La gestion des risques et des menaces constitue un autre défi important. Les cybermenaces évoluent constamment, nécessitant une approche proactive en matière de cybersécurité. Les organisations doivent investir dans des systèmes de détection et de réponse aux incidents, ainsi que dans la formation continue du personnel pour rester à jour face aux nouvelles menaces. Enfin, les partenariats stratégiques sont essentiels. La collaboration entre le gouvernement, les fournisseurs de services Cloud et les organismes de cybersécurité, tels que la Direction générale de la sécurité des systèmes d'information (DGSSI), permet d'établir des normes de sécurité communes et de partager des informations sur les menaces émergentes. La sensibilisation et la formation de tous les acteurs, y compris les employés et les utilisateurs finaux, aux bonnes pratiques de sécurité sont également indispensables pour minimiser les risques liés aux erreurs humaines. En relevant ces défis de manière stratégique et coordonnée, le Maroc peut assurer une migration sécurisée vers le Cloud, renforcer sa souveraineté numérique et tirer pleinement parti des avantages offerts par le Cloud computing.

 

F.N.H. : Quels enseignements peut-on tirer des expériences internationales sur la transition vers le Cloud, et comment ces exemples peuvent-ils s'appliquer dans le contexte marocain, notamment en matière de sécurité et d’optimisation des services ?

M. A. E. : Les expériences internationales offrent des enseignements précieux pour le Maroc dans sa transition vers le Cloud computing. Par exemple, des pays comme l'Allemagne et la France ont mis en place des cadres réglementaires solides pour encadrer l'utilisation du Cloud, notamment en matière de protection des données et de souveraineté numérique. Ces cadres juridiques rassurent les organisations et favorisent l'adoption du Cloud en assurant que les données sont protégées conformément aux normes locales. De plus, plusieurs nations ont développé des infrastructures de Cloud souverain pour protéger leurs données sensibles, comme le Gaia-X en Europe. Cela souligne l'importance de contrôler les infrastructures critiques pour la sécurité nationale. Cependant, l'expérience européenne montre que créer un Cloud souverain compétitif est un défi, en raison de la domination des grands acteurs internationaux tels qu'Amazon, Microsoft et Google. Les partenariats public-privé jouent également un rôle crucial dans la réussite de la transition vers le Cloud. En collaborant étroitement avec les fournisseurs de services Cloud privés, les gouvernements peuvent accélérer la transformation numérique tout en bénéficiant de l'expertise technique du secteur privé. Investir dans la cybersécurité est une autre leçon essentielle. Les pays ayant réussi leur transition ont fortement investi dans la cybersécurité, développant des capacités nationales pour détecter et répondre aux cybermenaces de manière efficace. Enfin, la formation et le développement des compétences sont indispensables. La disponibilité de ressources humaines qualifiées est un facteur clé de succès. Des programmes de formation et de certification ont été mis en place pour développer ces compétences, garantissant que les organisations disposent du personnel nécessaire pour gérer et sécuriser les infrastructures Cloud. Pour le Maroc, intégrer ces leçons signifie adopter un cadre réglementaire adapté, développer des partenariats stratégiques avec des acteurs internationaux tout en soutenant les entreprises locales, renforcer les investissements dans la cybersécurité et promouvoir la formation des talents numériques. En appliquant ces enseignements, le Maroc peut optimiser sa transition vers le Cloud, améliorer la sécurité de ses services et offrir des solutions innovantes à ses citoyens et entreprises.

 

F.N.H. : Le Cloud souverain est un concept qui revient souvent dans les discussions. Comment évaluezvous son importance pour le Maroc et quelles sont les tendances émergentes que vous anticipez dans ce domaine pour les années à venir ?

M. A. E. : Le Cloud souverain revêt une importance stratégique pour le Maroc. En hébergeant les données sensibles sur des serveurs nationaux, le Maroc assure que ces données restent sous sa juridiction, protégées par ses propres lois et normes de sécurité. Cette maîtrise totale des données permet non seulement de renforcer la sécurité, mais aussi de préserver la souveraineté numérique du pays face à des acteurs internationaux puissants. De plus, le Cloud souverain contribue au développement économique en créant des emplois locaux et en développant les compétences technologiques nécessaires dans le domaine numérique. Cela favorise également la confiance des utilisateurs, tant les citoyens que les entreprises, qui sont plus enclins à adopter des services numériques lorsqu'ils savent que leurs données sont sécurisées et confidentielles. Cependant, il est essentiel de reconnaître que le concept de «cloud souverain» n'a pas rencontré le succès escompté en Europe. Malgré des initiatives prometteuses, les entreprises locales n'ont pas pu rivaliser techniquement avec les géants du Cloud tels que Microsoft, Amazon et Google. Cette difficulté est principalement due à la domination technologique et aux investissements colossaux de ces entreprises dans leurs infrastructures cloud pour soutenir l'essor de l'intelligence artificielle (IA). Par exemple, Microsoft a alloué des milliards de dollars à l'expansion de ses centres de données et à l'acquisition de matériels spécialisés comme les GPU, rendant encore plus difficile pour des acteurs nationaux de les égaler. En outre, le marché des puces pour l'IA dans le cloud fait face à une pénurie croissante, exacerbée par la demande massive des géants technologiques. La demande pour des GPU spécialisés (Graphics Processing Unit) ou «Unité de traitement graphique», notamment ceux de NVIDIA, et des processeurs avancés, a explosé pour l'entraînement des modèles d'IA et le traitement des données massives. Cette pénurie pourrait persister jusqu'en 2025- 2026, poussée par une augmentation annuelle de 25 à 35% des charges de travail en IA. Cette rareté complique davantage la possibilité pour le Maroc de développer des infrastructures cloud compétitives en matière d'IA, obligeant le pays à adopter des stratégies alternatives telles que la collaboration avec des partenaires internationaux et l'investissement dans des domaines complémentaires. Face à ces défis, le Maroc peut s'inspirer de l'évolution européenne qui passe du «cloud souverain» au «cloud de confiance». Cette transition reflète un réalisme nécessaire, reconnaissant la dominance des grands acteurs internationaux tout en mettant en place des garanties pour la protection des données et la souveraineté numérique. Le «cloud de confiance» permet de collaborer avec ces leaders tout en assurant que les données sont stockées localement et protégées selon les réglementations locales. L’une des tendances lourdes du marché est l’adoption croissante des architectures hybrides. De nombreuses organisations optent pour des solutions combinant cloud public, privé et de confiance afin de répondre à divers besoins en matière de flexibilité, de performance et de sécurité. Cette hybridation permet de tirer parti des technologies avancées des grands fournisseurs tout en conservant le contrôle sur les données sensibles. 

 

 

 

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