L’INRA et des opérateurs privés s’activent pour lancer de nouvelles semences résilientes. Des expériences ont donné un rendement supérieur pour une pluviométrie de moins de 250 mm/an.
Par C. Jaidani
La sécheresse au Maroc est structurelle. Ces dernières années, elle s’est amplifiée au point d’affecter sérieusement les réserves en eau des barrages et les nappes phréatiques. Les récoltes, pour leur part, sont nettement en deçà de la moyenne générée en période normale. Pour la saison 2023/2024, le département de l’agriculture table sur une moisson de 31 millions de quintaux, soit l’une des pires depuis l’indépendance du Royaume.
Cette situation a contraint l’Etat à prendre certaines mesures pour faire face à l’amenuisement des ressources hydriques. Parmi les dispositions prises, figure particulièrement l’encouragement de variétés de blé résistantes à la sécheresse. Car la céréaliculture est une filière très importante de l’agriculture nationale. Véritable baromètre du secteur, elle occupe 50% de la surface agricole utile (SAU) estimée à 9 millions d’hectares.
Le programme scientifique de développement de variétés résilientes ne date pas d’aujourd’hui. Le Royaume dispose d’un historique riche dans ce domaine. En partenariat avec des organismes internationaux et des scientifiques de renom, l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) lance des programmes ambitieux pour développer des variétés locales moins gourmandes en eau. Pour leur part, des opérateurs privés s’intéressent beaucoup à ce créneau.
Ils importent des semences de pays du sud de l’Europe, notamment l’Espagne et l’Italie, et de certains pays de l’Amérique du sud qui, eux aussi, ont dû faire face à la baisse de la pluviométrie. Ils ont développé depuis un certain temps des semences de céréales adaptées aux changements climatiques. Au niveau national, l’INRA a dévoilé en 2022 la variété Jawahir, issue d’un développement génétique d’un blé dur sauvage arménien dit Zanduri. Elle résiste non seulement à la sécheresse, mais aussi aux insectes ravageurs.
Les résultats expérimentaux sont très favorables en matière de rendement. C’est le cas aussi pour la variété Nachit, qui est dérivée d’un blé syrien cultivé dans les zones présahariennes. Elle se distingue par des racines très profondes qui lui permettent de collecter le maximum d’eau. Concernant l’orge, l’INRA a développé la variété Khnata, qui est préconisée aussi bien pour la nutrition humaine que comme fourrage pour le bétail, car elle produit une quantité importante de paille. Les variétés Assya et Chiffa dévoilées en 2016, dédiées plus à un usage fourrager, ont donné des résultats très encourageants dans les régions de la Chaouia et Abda. Des zones dépourvues de périmètres irrigués et dont le cumul pluviométrique tourne autour de 250 mm/ an, soit un niveau en deçà de la moyenne nationale.
«Ces variétés sont très importantes pour la céréaliculture nationale, surtout dans les zones bour. Les différents tests menés dans la station de Merchouch relevant du Centre international de recherche agricole dans les zones arides (ICARDA) ont donné un rendement de plus de 40 quintaux par hectare pour une pluviométrie de 200 mm seulement. Entre la phase de recherche et d’expérimentation et celle de la commercialisation, il faut des années. Au préalable, les semences doivent obtenir une certification pour être utilisées. Il faut accélérer le programme de multiplication des semences et redoubler d’effort pour leur assurer une large diffusion. A cet égard, il est primordial d’établir une cartographie nationale pour recommander les semences en fonction des spécificités climatiques et du sol de chaque région», souligne Abdelmounaim Guennouni, ingénieur agronome. Et de poursuivre qu’«il est pertinent d’encourager d’autres types de céréales plus résistantes à la sécheresse comme le triticale ou le sorgo, qui développent des rendements supérieurs au blé».