BTP : Reprise, pas reprise ?

BTP : Reprise, pas reprise ?

 

Des observateurs s’attendent à une reprise en 2020.

Le soutien de l’Etat est nécessaire pour espérer une relance durable.

 

Par Youssef Seddik

 

Le secteur du BTP est, depuis déjà quelques années, confiné en bas de cycle. Si l’exercice 2019 a été perçu comme une bonne année, les nuages continueront-ils cependant à se dissiper en 2020? Ce secteur se dirigera-t-il vers un raffermissement après plusieurs années moribondes ? C’est en tout cas ce que prévoit la Direction des études et des prévisions financières, relevant du ministère des Finances, qui, dans sa dernière note de conjoncture, parle d’«évolution positive de l’activité du BTP au terme de l’année 2019», dans le sillage du redressement des écoulements de ciment, principal baromètre du secteur du BTP.

Après trois années de recul, la consommation de ciment termine en effet 2019 en hausse de 1,8%. Simple effet de base ou véritable reprise du secteur ? Nous avons posé la question à Hicham Bensaid Alaoui, de l’assureur crédit Euler Hermes. Il replique qu’«il semble à ce stade extrêmement prématuré d’évoquer une quelconque reprise du secteur».

Cela tient à trois raisons : «tout d’abord, la hausse annoncée des ventes de ciment (moins de 2% en 2019) demeure significativement inferieure à la croissance économique marocaine dans sa globalité (autour des 3%), ce qui renseigne indirectement sur le niveau de performance du secteur». En outre, en affinant l’analyse des chiffres, l’on s’aperçoit que la hausse des ventes de ciment de 1,8% fait suite à une baisse de près de 4% des ventes en 2018 comparativement à 2017. «Cela signifie également que les transactions de 2019 ont été encore inferieures à celles de 2017, et cela est en soi un message à considérer avec beaucoup d’attention», observe H. Bensaid Alaoui.

Enfin, de manière encore plus spécifique, «il ne semble guère pertinent de parler de raffermissement du secteur sans lancement de programmes clés, à l’image des mesures visant à combattre l’habitat insalubre lancées au début des années 2000», concède-t-il.

 

Les analystes y croient

Si pour l’expert il est trop tôt pour parler de raffermissent, certains analystes évoquent bel et bien une reprise. Pour ceux de BMCE Capital Research, "le regain d’activité est prévu en 2020, du fait notamment «du renforcement continu de la capacité de production de ciment, avec 3 projets de construction en cours».

S’ajoute à cela la poursuite de la protection du marché de l’acier en 2019 après la prorogation, en décembre 2018, de la mesure de sauvegarde appliquée sur les importations de fil machine et fer à béton pour une durée de 3 ans. La mobilisation d’un budget de plus de 32 Mds de DH pour le secteur du BTP dans le cadre des marchés publics prévus dans la LF 2020, serait aussi de nature à redynamiser l’activité, selon la Recherche.

Cependant, les mesures prises dans les budgets annuels de l’Etat ne sont pas toujours suffisantes pour booster un secteur dans l’agonie. Bensaid Alaoui nous le confirme : «la situation relativement problématique du BTP ne découle pas tant d’une question d’incitations fiscales qu’elle ne semble liée à des sujets liés au pouvoir d’achat des ménages et à la disponibilité de chantiers BTP d’envergure à même de doper la chaine de valeur».

Pour lui, une Loi de Finances doit considérer les équilibres macroéconomiques globaux d’un pays et non d’un secteur spécifiquement. Rappelons qu’à ce titre, de nombreuses mesures, notamment celles visant le réaménagement progressif de l’IS, et plus globalement l’intégration de l’économie informelle et le renforcement des garanties des contribuables en cas de contrôle fiscal, ont vocation à profiter à l’intégralité du tissu économique, et chemin faisant aux opérateurs du secteur du BTP.

 

A quand une reprise durable ?

La carence des marchés publics ne favorise pas non plus une reprise durable du BTP au Maroc. Une reprise confirmée nécessite plusieurs conditions. D’autant que la conception théorique des conditions de redynamisation durable du secteur semble aussi simple que sa déclinaison pratique semble complexe.

Bensaid Alaoui soutient qu’«il n’est pas question de reprise durable du BTP au Maroc sans projet structurant (programme de logements sociaux, d’infrastructures d’envergure…), de même qu’il semble difficile de concevoir un regain certain sans un réel passage de témoin de l’Etat vers les opérateurs privés».

Et de poursuivre qu’«indéniablement, un secteur qui serait asphyxié sans le soutien de l’Etat, ne semble pas offrir les garanties d’une solidité à même de permettre son émergence. Et cela passe également par une rationalisation de l’offre disponible, car de nombreux sous-secteurs de la filière semblent significativement en ‘sur-offre’, une telle configuration appauvrissant in fine l’ensemble des opérateurs».

 

 

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