Le rapport de confiance existant entre Rabat et Londres laisse présager un renforcement des relations bilatérales.
L’esprit win-win doit prévaloir pour la conclusion d’un ALE.
Le Maroc ne doit pas reproduire les erreurs commises dans les précédents accords.
Le Brexit et ses nombreux rebondissements sont l’un des sujets les plus brûlants de l’actualité internationale, et font les gros titres de la presse européenne des deux côtés de la Manche. Au Maroc, la question du Brexit n’a été que peu abordée par les médias nationaux. Encore moins par la classe politique, si ce n’est à l’occasion de visites de hautes personnalités britanniques à Rabat.
Ce fut le cas lors de la visite récente de Simon McDonald, sous-secrétaire permanent en chef du service diplomatique au Bureau des affaires étrangères et du Commonwealth à Rabat, le 23 janvier. Le haut responsable en a profité pour réaffirmer que «le Maroc est un partenaire commercial clé du Royaume-Uni», estimant que «les liens déjà solides entre les deux pays seront davantage développés dans le futur». Un avis que partage Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères.
Mais pour le moment, aucune vision n’est définie quant à la forme des relations bilatérales qui devraient prévaloir entre les deux pays après le Brexit, et a fortiori après un «no-deal Brexit», exceptée l’évidente nécessité de conclure un accord de libre-échange. Une idée qui séduit de plus en plus certains politiques.
«Le futur ALE doit, dans son ensemble, ressembler à l’accord existant avec l’UE. Toutefois, il est préférable que les négociateurs marocains prennent en considération certains éléments pour en tirer le maximum de profit, comme le fait que notre pays est en voie d’adhérer à la communauté de la CEDEAO. Le Maroc est un hub des Britanniques en Afrique et fait figure aussi de porte d’entrée des pays du continent vers ce grand marché européen. Il faut dire que toutes les parties sont gagnantes dans cet ALE», affirme Mohamed Mehdi Bensaid, membre du bureau politique du Parti authenticité et modernité et ex-président de la Commission des affaires étrangères au Parlement.
Cet optimisme est partagé par plusieurs observateurs interrogés à ce sujet, qu'ils soient de la classe politique ou du monde des affaires. Des spécialistes estiment que l’ALE avec Londres n’aura pas la même couleur ni la même saveur que celui conclu il y a quelques années avec Bruxelles.
«Le Brexit est une conséquence du tissage complexe qu’est l’Union européenne. Si le Royaume-Uni est rattaché géographiquement à l’Europe, ses intérêts, financiers, économiques et politiques, prennent une dimension plus large et suivent des objectifs qui ne convergent pas tout le temps avec ceux de l’Union européenne. Populisme et chauvinisme aidant !», souligne El Mokhtar Bedraoui, professeur de relations économiques internationales à l’Université Hassan II de Casablanca.
«Pour le Maroc, le risque est systémique. Il prendra la forme d’externalités négatives à cause de notre forte liaison avec l’Europe. Sans prise en main dynamique et intelligente, l’impact peut être important, car le textile et l’agroalimentaire, composantes principales de nos échanges avec ledit pays, sont de grands pourvoyeurs d’emplois», précise Bedraoui.
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Vigilance !
Au-delà du rapport de confiance existant entre les deux pays, Rabat est tenue d’être vigilante lors des négociations de l’ALE avec Londres. Le Maroc doit apprendre des erreurs qu’il a commises en ratifiant les accords avec les Etats-Unis, la Turquie ou celui d’Agadir. Certaines clauses lui sont défavorables et l’économie marocaine en paye toujours les frais, sachant qu’il est difficile de les rectifier.
«Les Britanniques sont de très fins négociateurs. Ils ont pu obtenir des concessions de la part de l’UE à maintes reprises. Il ne faut pas s’attendre à des cadeaux de leur part. Rabat doit prendre le temps nécessaire et associer les opérateurs concernés pour finaliser un ALE plus équitable et préservant ses intérêts. C’est au niveau des détails techniques qu’il faut être plus vigilant», souligne Mohamed Belmir, politologue. La période de préparation d’un ALE est généralement longue et délicate, impliquant plusieurs secteurs transverses. Le Maroc de ne pas se rater. ◆
Royaume Uni : 7ème client, 15ème fournisseur
Le marché britannique est très dynamique pour les produits marocains. Avec plus de 66 millions d’habitants, c’est un débouché important pour les exportateurs locaux. Avec une moyenne de 2,5 milliards de dollars par an, les échanges commerciaux restent en deçà des potentialités. Le Royaume-Uni est le 7ème client du Maroc et le 15ème fournisseur, ce qui fait que la balance commerciale penche du côté de Rabat.