La monnaie «unique» a atteint la parité face au Dollar.
L’impact de la dépréciation de l’Euro pour les exportateurs est négatif, mais variable en fonction des secteurs et des marges des opérateurs économiques.
Par M. Diao
Pour peu que l’on s’intéresse au tissu économique national, il est aisé de constater la forte ouverture et dépendance du Maroc au reste du monde. Cette donne capitale fait que, par exemple, l’appréciation ou la baisse du Dollar ou de l’Euro peut avoir des conséquences non négligeables sur les équilibres économiques du Royaume. Précisons que depuis 2015, les pondérations des devises du panier de cotation du Dirham sont fixées à 60% pour l’Euro et 40% pour le Dollar américain contre respectivement 80% et 20% auparavant.
Ce changement s’inscrit dans la droite ligne de l’adaptation des pondérations des devises à la structure des échanges extérieurs du Royaume. Le trend haussier du Dollar constaté en 2022 (+14% depuis le début de l’année) a pour conséquence, entre autres, le renchérissement des importations d’un certain nombre de produits libellés en Dollar (hydrocarbures, blé, etc.) ainsi que l’inflation des charges liées au service de la dette extérieure, libellée à plus de 30% en dollars. Ceci étant dit, il y a lieu de mentionner que la monnaie «unique» a atteint la parité face au Dollar. Le mardi 12 juillet 2022, le billet vert s'est brièvement échangé à un Dollar pour un Euro. Ce qui jusquelà constituait la pire dégringolade de la monnaie européenne face au Dollar depuis près de deux décennies.
La perte de vitesse de l’Euro face au billet vert conforte davantage la stature du Dollar comme valeur refuge, surtout dans le contexte actuel en proie aux multiples incertitudes liées aux conséquences de la guerre en Ukraine sur l’économie européenne (inflation, hausse des matières premières, approvisionnement en gaz, spectre de la récession, etc.). La dépréciation de l’Euro face au Dollar s’expliquerait en partie par la politique monétaire plus agressive de la Réserve fédérale américaine (FED) en comparaison avec celle de la BCE, qui devrait être plus offensive dans les jours qui viennent afin de lutter contre l’inflation.
Quelles conséquences pour le Maroc ?
La question incontournable est la suivante : qu’en est-il de l’impact de la chute de l’Euro sur les équilibres économiques du Royaume ? Omar Bakkou, économiste et spécialiste en politique de change, relativise l’impact de l’appréciation du Dirham par rapport à la monnaie unique, notamment au niveau des exportations nationales, captées à plus de 65% par l’UE. «Il est important de garder à l’esprit que le Dirham s’était déprécié récemment par rapport à l’Euro. Par conséquent, la nouvelle donne baissière de la valeur de la monnaie européenne peut être appréhendée comme un effet de rattrapage», analyse l’expert.
Tout en soulignant les variations limitées du taux de change au Maroc, en raison de l’existence de la bande de fluctuation, l’économiste rappelle que l’appréciation du Dirham par rapport à l’Euro a pour conséquence la réduction des dirhams obtenus par les exportateurs lors de leurs ventes à l’étranger, notamment sur le Vieux continent. En d’autres termes, la trésorerie des exportateurs est susceptible de faire les frais de la baisse de la parité Euro/ Dirham. En clair, l’impact de la dépréciation de l’Euro pour les exportateurs est négatif, mais variable en fonction des secteurs et des marges des opérateurs économiques. Par ailleurs, notons qu’il ressort du rapport portant sur la dette publique, annexé au PLF2022, que la part de la dette extérieure du Trésor public libellée en Euro a atteint, à fin 2020, 60,6%. D’où la pertinence de s’interroger sur les effets de la chute de l’Euro sur le service de la dette extérieure (charge d’intérêts).
«L’impact positif de la dépréciation de l’Euro est à relativiser, puisque les dépenses publiques liées au remboursement de la dette extérieure s’avèrent être insignifiantes par rapport au poids de la balance commerciale qui représente plus de 60 milliards d’euros», explique Omar Bakkou. Par ailleurs, il importe de mentionner que le commerce extérieur marocain est ventilé à 55% en Euro et 45% en Dollar. Cela marque la prédominance de la monnaie unique. En définitive, notre interlocuteur est formel : la contraction de la valeur de l’Euro a peu d’impact sur les équilibres économiques du Royaume.