Les dossiers lucratifs et les échanges en termes de consulting et de dossiers contentieux sont toujours confiés aux mêmes cabinets d'avocats. Des voix se lèvent pour fustiger la concurrence déloyale.
Contrairement aux années 70 et 80 où l’on ne recensait aucun cabinet d’avocats d’affaires au sens que l’on donne aujourd’hui, ce métier qui fait rêver bon nombre d’étudiants en droit au Maroc, a le vent en poupe. Interrogé par nos soins sur l’évolution du business des avocats d’affaires dans le pays, Abdelatif Laamrani, avocat au Barreau de Casablanca, docteur en Droit a attiré l’attention sur la particularité de ce métier au Maroc. «Le business des avocats d'affaires au Maroc est très particulier. Il est tributaire de plusieurs paramètres liés : d'abord à l'environnement de la pratique des affaires dans le pays, ensuite à la qualité des compétences des avocats et de leurs collaborateurs et, enfin, à la demande, c'est-àdire les besoins en termes de consulting et de traitement du contentieux exprimés par les entreprises».
L’autre période phare de cette profession est la fin des années 90 et début 2000 où l’on a assisté à l'ouverture des premiers cabinets de droit des affaires étrangers au Maroc, notamment sous la forme d'antennes de firmes internationales. L’évolution de la suite a trait à la transformation des cabinets d'avocats classiques, qui restent de tailles moyennes, mais ressemblent davantage aux cabinets d'avocats d'affaires anglosaxons.
Enfin est arrivée ce que certains professionnels appellent la cannibalisation de la majorité des dossiers au détriment des bureaux d'avocats entièrement marocains. D’où l’intérêt de s’interroger sur le caractère loyal de la concurrence qu'exercent les antennes des cabinets d'avocats d'affaires internationaux (Voir ci-dessous).
Situation oligopolistique
Interpellé sur la surreprésentation des grands cabinets dans les affaires juteuses financièrement, la réponse d’Abdelatif Laamrani est sans ambages. «On peut affirmer sans risque de se tromper que la majeure partie des dossiers lucratifs, ou la plupart des échanges en termes de consulting et de dossiers contentieux est toujours confiée aux mêmes cabinets d'avocats. Ces derniers ont su bâtir des relations historiques avec les dirigeants d'institutions financières les plus incontournables», souligne-t-il, tout en regrettant l’absence de mise en concurrence véritable entre prestations de plusieurs cabinets. Compte tenu de ce qui précède, force est d’admettre qu’il s’agit bien d’une situation oligopolistique de nature à asphyxier davantage les petits offices de droit et les cabinets de tailles modestes. Pour inverser cette tendance, les petits offices de droit doivent faire le pari de proposer des services personnalisés à très haute valeur ajoutée, avec bien entendu une expertise rare et pointue. Ils gagneraient aussi en différenciation en misant sur une communication polyglotte.
Un choix cornélien
Maître Abdelatif Laamrani, avocat au Barreau de Casablanca, diplômé de l'ESSEC et de l'Université de Montréal et fondateur du Cabinet d'avocats Laamrani Law Firm.
“Au barreau de Casablanca qui comprend à lui seul à peu près 50% de l'ensemble des avocats inscrits aux Barreaux du Maroc, il faut déshomogénéiser, même s'il est vrai que les avocats d'affaires ont une prédilection pour le droit des sociétés, ainsi que les autres disciplines juridiques nécessitant une valeur ajoutée et une expertise juridique certaine, car parfois ils sont obligés d'accepter des dossiers de particuliers de droit commun : droits de la famille ou droit pénal. La spécialisation n'est donc pas de mise dans un marché aussi réduit. La concurrence qu'exercent les antennes des cabinets d'avocats d'affaires internationaux est une concurrence déloyale, les autorités de contrôle ferment les yeux pour ne pas créer la zizanie, mais ceci est fait au détriment des cabinets d'avocats nationaux, qui se trouvent devant un choix cornélien : soit rejoindre les cabinets internationaux, soit vivre à la petite semaine. Alors même que la loi numéro 28-08 organisant l’exercice de la profession ne permet pas à un avocat étranger d'exercer au Maroc en se présentant aux clients comme avocat inscrit au Maroc, sous réserve qu'il y ait d'abord une réciprocité, c'està-dire que l'avocat marocain lui aussi puisse s'établir dans le pays étranger en question. Et deuxième condition qui n'est jamais appliquée : c'est l'obligation faite à l'avocat inscrit dans un Barreau étranger de démissionner de son barreau d'origine s'il veut s'inscrire dans le Barreau marocain. Un autre exemple flagrant de l'ineffectivité de la loi dans notre pays”