◆ Il faudrait pratiquement trois années consécutives avec un taux de croissance de 4,1% du PIB pour que le niveau de l’activité économique corresponde à celui de 2019.
Par M. Diao
L’année 2020 marquée par la crise liée au coronavirus a été particulièrement néfaste pour les revenus des ménages. D’ailleurs, le haut-commissariat au Plan (HCP) a fait état d’une baisse de moitié du revenu moyen des actifs occupés lors de la période de confinement en comparaison avec la période d’avant-confinement. Par catégorie socioprofessionnelle, la baisse du revenu mensuel moyen a atteint 74% parmi les artisans et ouvriers qualifiés, 24% des cadres supérieurs et 70% parmi les indépendants ou employeurs et 44% des salariés. Les récentes perspectives de croissance relayées lors du dernier Conseil de la Banque centrale pour 2020 montrent que pour l’ensemble de l’année, l’économie nationale accuserait une contraction de 6,6%. Cette contreperformance économique découlerait du repli de 5,3% de la valeur ajoutée agricole et de 6,6% de celle non agricole.
A ce titre, l’économiste et professeur Mehdi Lahlou met un bémol concernant les prévisions de Bank Al-Maghrib (BAM). «Les pronostics de la Banque centrale pour 2020 sont sujets à caution. Je table au moins sur un taux de croissance de -13%, soit le double du chiffre annoncé par BAM», prédit-il. Les différents chiffres relatifs au taux de croissance confortent un contexte peu propice à l’évolution des salaires et au recul du taux de chômage en 2020. D’ailleurs, celui-ci devrait progresser pour s’afficher à 12,7%.
Autre élément factuel qui est une illustration de la conjoncture défavorable à la progression des salaires, l’augmentation du SMIG de 10% sur deux ans, prévue par l’accord tripartite conclu en avril 2019, n’a pas été appliquée totalement. En vertu de l’accord précité, le SMIG a, certes, été revu à la hausse de 5% pour les secteurs concernés en juillet 2019. Toujours est-il que les employeurs ont fait fi de la revalorisation de la deuxième tranche de 5% du SMIG qui devait intervenir en juillet 2020.
En raison de la crise, bon nombre de fédérations professionnelles ont appelé au report de l’augmentation du SMIG, car l’urgence serait de sauvegarder les emplois. Au-delà de ce rappel qui plante le décor, toute la question est de savoir si l’année 2021 sera plus favorable à la progression des salaires et à la création d’emplois. Sachant qu’en 2021, le Maroc devrait renouer avec la croissance, qui enregistrerait un rebond de 4,1%, d’après les prévisions de la Banque centrale.
Ces facteurs défavorables
Le taux de croissance prévu par BAM est entouré de plusieurs incertitudes liées, entre autres, à l’évolution de la pandémie à l’échelle nationale et internationale et son impact sur l’activité économique du pays. «Il est important de garder à l’esprit qu’il faut trois années consécutives avec un taux de croissance de 4,1% du PIB pour que le niveau de l’activité économique corresponde à celui de 2019», soutient le professeur de l’Institut national de statistique et d’économie appliquée de Rabat (INSEA). En clair, Lahlou explique que les chances de voir les salaires et le SMIG augmentés sont maigres en 2021, puisque les stigmates de la crise sur le front économique ne pourraient pas disparaître avant fin 2023.
«Seul l’Etat peut contraindre les entreprises à augmenter le SMIG en 2021 pour booster la demande intérieure», analyse-t-il. La lenteur observée au niveau de la reprise tant au niveau national qu’international et l’exacerbation de la concurrence au Maroc ainsi que sur les marchés internationaux sont des facteurs défavorables à l’accroissement des salaires du secteur privé, pourtant nécessaire pour la consolidation de l’épargne nationale et le raffermissement de la demande intérieure.
Vers une baisse du RDB des ménages ?
Le revenu disponible brut (RDB) des ménages s’est accru de 4% pour atteindre 743 milliards de DH en 2019. Le contexte pandémique, dont les conséquences risquent de perdurer pendant quelques années, aura certainement une incidence négative sur le RDB des ménages en 2020, voire au-delà. La contribution de la rémunération des salariés au RDB des ménages en 2019 a été de 47,7%. Pour rappel, l’accroissement moins rapide des dépenses de consommation finale (+2,7%) que celui du revenu (+4%) a eu pour conséquence la hausse du taux d’épargne des ménages qui a gagné 1,1 point en 2019 pour atteindre 12,4 %.