Profondément enraciné dans son continent, le Maroc peut jouer un rôle actif en matière de résolution de litiges. Une place de choix qui nécessite un climat des affaires sain. Les intervenants à la deuxième édition du cycle de conférences «Casablanca Arbitration Days» passent en revue les ingrédients dont dispose désormais le Royaume pour réussir le challenge. Mais le pari est loin d’être gagné.
Le développement économique et l’attractivité de l’investissement étranger exigent comme prérequis un climat des affaires sain, avec un système juridique très fiable. C’est dans ce sillage que s’est inscrite la deuxième édition du cycle de conférences «Casablanca Arbitration Days», tenue récemment à Casablanca. Elle se démarque de la précédente parce qu’elle ratisse un peu plus large en s’intéressant au continent africain dans sa globalité. Organisée par Casablanca Finance City Authority (CFCA) et Casablanca International Mediation & Arbitration Center (CIMAC), cette seconde édition a été soutenue par les plus importantes institutions d’arbitrage au monde, et particulièrement l’International Bar Association (IBA). Dans une salle archi comble, le gotha économique et financier a répondu présent, venu des plus importantes places financières, avide de débattre sur le potentiel de la place Casablanca comme étant un éventuel lieu privilégié de l’arbitrage continental et régional. Ils étaient nombreux à discuter des sujets proéminents et stimulants autour du droit et de la pratique de l’arbitrage en Afrique.
Ils partent du principe que le Maroc est profondément enraciné dans l’Afrique et, partant de là, il est appelé à jouer un rôle actif en matière de résolution de différends dans le continent. Une ambition affichée depuis quelques années, et qui semble prendre de plus en plus forme : faire de Casablanca une place émergente de l’arbitrage en Afrique et dans la résolution des litiges Sud-Sud.
Les prérequis
Comme l’a si bien souligné Said Ibrahimi, CEO de Casablanca Finance City Autorithy, «il est temps que les entreprises africaines trouvent un arbitrage au Maroc et n’externalisent plus la résolution de leurs litiges». Une réflexion tout à fait partagée par le ministre de l’Industrie, Moulay Hafid Elalamy. Il rappelle, à cet égard, les efforts accomplis par le Maroc, tels que la réforme de la justice, initiée depuis 2007, le lancement des chantiers sectoriels, les différents plans stratégiques, la mise en place des partenariats publics-privés, la conclusion de plusieurs accords commerciaux avec 56 pays, la quête incessante de la compétitivité… Des axes aussi stratégiques d’une feuille de route à même de permettre à Casablanca de jouer son rôle en tant que hub financier. Les investisseurs ont désormais plus de visibilité du fait qu’ils opèrent dans un environnement marqué par l’existence d’un conseil qui veille régulièrement à l’amélioration du climat des affaires.
Aussi, est-il utile de rappeler les différentes conventions signées en matière d’arbitrage qui permettent aux investisseurs étrangers de contourner les lourdeurs de l’appareil judiciaire. La loi 08-05 reconnaît les sentences arbitrales (non contraires à l’ordre public marocain) et leur donne une force exécutoire.
A son tour, Mustapha Fares, président de la Cour de cassation, se réjouit des préalables réglementaires et législatifs qui existent, mais est conscient de la nécessité d’un capital humain professionnel et compétent. Il s’attarde sur la position symbolique de la Cour de cassation en tant que Cour supprême. «La Cour de cassation a invoqué l’ordre public international dans la résolution des affaires avant la loi 08-05», tient-il à rappeler.
Tout ce qui précède laisse prédire que Casablanca ne peut servir de plaque tournante de l’arbitrage sur l’Afrique et sur l’Europe, que si elle dispose d’une infrastructure forte, d’une transparence, d’une législation claire, moderne et facile d’utilisation et, surtout, adhérer aux conventions internationales. La réussite de la promotion des modes alternatifs de règlement des différends passe par un travail collectif qui regroupe plusieurs partenaires, en l’occurrence le patronat, la FMSAR, l’Ordre des exepers-comptables… et le ministère de la Justice, appelé à jouer un rôle important par le biais de la formation des juges.
En tant que continent d’avenir, l’Afrique a un besoin d’investissement estimé à 100 millions de dollars par an. En dépit de son potentiel énergétique (solaire, hydraulique, éolien…), l’Afrique reste mal desservie. Un potentiel, qui, certes, fait baver les gros investisseurs étrangers, mais qui pose comme préambule un bon arbitrage des conflits.
Les apports de la loi n°08-05
La loi n°08-05 constitue un apport majeur en ce qu’elle offre une marge importante aux parties qui peuvent adapter librement les dispositions du code à leur litige, tout en leur offrant un cadre de base aux situations qu’elles n’auraient pas prévues. Elle veille, en outre, à éviter les cas où une procédure pourrait être simultanément présentée devant une juridiction et un tribunal d’arbitrage (ou un médiateur) et crée une liste d’arbitres auprès de chaque cour d’appel. L’ensemble du nouveau dispositif offre un préalable nécessaire à la poursuite des réformes concernant la résolution des litiges au Maroc. Il devrait pouvoir insuffler une vigueur nouvelle aux procédures alternatives de règlement des différends. Ce renouveau ne pourra cependant se concrétiser qu’à travers le parachèvement de la réforme, qui devra notamment s’appuyer sur la constitution d’organes d’arbitrage crédibles au plan national et la formation d’arbitres et de médiateurs.
La loi distingue l’arbitrage interne et l’arbitrage international. Elle prévoit pour chacune de ces modalités des règles de procédure, de forme de la sentence et de détermination du droit applicable.
S. Es-siari & I. Bouhrara