Le sacrifice de bêtes en bas âge et de femelles en quantité supérieure à la normale a été constaté.
Si la pluie est au rendez-vous la saison prochaine, la reconstitution du cheptel national pourrait se faire.
Par C. Jaidani
L’Aïd Al-Adha a été marquée par la flambée record des prix et l’importation en grandes quantités d’ovins provenant essentiellement de deux pays européens, à savoir l’Espagne et le Portugal. A quelques jours du sacrifice, le département de l’Agriculture avait annoncé que «l’offre couvrait largement la demande. Les disponibilités sont estimées à 7,8 millions de têtes, dont 6,3 millions d’ovins et 1,5 million de caprins ,alors que la demande est évaluée à 5,6 millions».
Au vu de ces indicateurs, les prix devaient baisser, ou du moins se stabiliser, notamment pendant les derniers jours précédant l’Aïd mais, c’est l’effet inverse qui s’est produit. «Certaines années, les prix connaissaient une forte chute à l’approche de l’Aïd parce que la demande évoluait vers la baisse. Cette année, ils ont beaucoup résisté, particulièrement dans les grandes agglomérations. Un certain allégement a été constaté pour les moutons âgés de plus de deux ans du fait que les exploitants et les intermédiaires voulaient liquider cette catégorie de bêtes. Car par la suite, ils auraient été contraints de les entretenir pendant des semaines, voire des mois sans pour autant qu’elles prennent du poids. Leur marge bénéficiaire aurait été alors à coup sûr impactée et ils pourraient même vendre à perte», souligne Mohamed Maskini, marchand de bétail dans la région de Benslimane.
Les éleveurs et les négociants de bétail en ont profité pour réaliser de bonnes affaires. Selon le haut-commissariat au Plan (HCP), les Marocains ont dépensé 18 milliards de DH pour l’Aïd, dont une bonne partie pour l’achat des bêtes. Cette manne financière est un transfert d’argent des villes vers le monde rural, qui permet aux fellahs de «souffler» et d’alimenter leur trésorerie. D’autres phénomènes ont marqué Aïd Al-Adha de 2023. Selon plusieurs professionnels de l’activité, le sacrifice des bêtes en bas âge et des femelles en quantité supérieure à la normale a été constaté. Face à la cherté des prix, les citoyens à revenu limité ont immolé des antenais issus de l’agnelage de février ou mars de cette année, avec une hausse du sacrifice des brebis. Cette situation pourrait avoir un impact sur la reconstitution du cheptel, qui a été très pénalisée par la sécheresse.
«L’effet d’annonce des importations d’ovins n’as pas donné les effets escomptés pour tirer les prix vers le bas. Le volume provenant de l’étranger reste insignifiant par rapport à la demande. Dès lors, le consommateur a été induit en erreur», précise Abderrahmane Mejdoubi, président de l’Association nationale des éleveurs ovins et caprins (ANOC). En effet, jusqu’à aujourd’hui, aucun chiffre officiel émanant des douanes ou du département de l’Agriculture n’a été dévoilé concernant l’opération d’importation des ovins. Toutefois, force est de constater que les moutons espagnols ou portugais étaient peu présents dans les marchés.
«Les opérateurs qui importaient ce genre d’ovins se sont alignés sur les tarifs pratiqués localement. Pourtant, ils ont bénéficié d’une subvention à l’import de 500 DH par tête. Pour gagner plus, ils ne vendaient pas les bêtes au kilo, mais à l’unité. Ces mêmes opérateurs maîtrisent toute la chaîne de valeur. Outre l‘import, ils disposent de grandes exploitations d’élevage et ils ont conclu des contrats avec les grandes surfaces. Ils ont quelque part participé à la hausse des prix», conclut Mejdoubi.